Actualités of Friday, 14 April 2023

Source: www.bbc.com

« Ma fille a été forcée de garder un bébé sans crâne »

Beatriz a été diagnostiquée sujet porteur du lupus à 18 ans. Beatriz a été diagnostiquée sujet porteur du lupus à 18 ans.

Beatriz a été diagnostiquée sujet porteur du lupus à 18 ans. C’est une maladie auto-immune qui a compliqué sa première grossesse à 21 ans. Delmy a toujours soutenu sa fille Beatriz.

Son bébé, prématuré, a failli mourir. Un an plus tard, en février 2013, les médecins ont découvert qu'elle portait un fœtus sans cerveau ni crâne, une seconde grossesse qui impliquait encore plus de risques pour sa santé.

Delmy était avec sa fille Beatriz le jour où elle a reçu un berceau à l'hôpital. Un "cadeau" envoyé par des inconnus pour saluer la décision de la Chambre constitutionnelle du Salvador de lui avoir refuser un avortement, malgré le fait que l'interruption de cette grossesse était irréalisable.

C’est une recommandation d’une commission médicale de 15 spécialistes pour sauver la vie de la jeune Salvadorienne alors âgé de 22 ans.

Dix ans après cette décision, Delmy a assisté à la première audience publique tenue par la Cour inter américaine des droits de l'homme (Cour I/A HR), les mercredi 22 et jeudi 23 mars 2023, à San José à Costa Rica.

L’objectif est de déterminer si la chambre constitutionnelle salvadorienne est coupable d'avoir violé les droits de Beatriz et de l'avoir soumise à des traitements cruels et dégradants en lui interdisant de se faire avorter.

Son procès est le premier qui porte sur le refus d'avortement jugé par la Cour inter-américaine. La décision va créer un précédent sur le droit à l'avortement pour le reste des pays de la région qui ont signé la Convention américaine relative aux droits de l'homme.

Dans ce témoignage, Delmy raconte ce que sa famille a vécu, notamment la mort de Beatriz, sa fille suite à un accident survenu des années après la grossesse.

Un bébé prématuré

"Beatriz souffrait de lupus érythémateux disséminé, une maladie caractérisée par le système immunitaire qui attaque les tissus du corps. Elle a mis sa vie et celle du bébé en danger lors de sa première grossesse. Son fils est né prématurément et pesait moins de deux kilos."

"La chose la plus difficile à propos de la première grossesse de Beatriz a été la prééclampsie.

Avant d'accoucher, elle a bénéficié d’une transfusion sanguine. Je suis allée la voir et je l'ai trouvée faible et pâle.

elle respirait assez fort.

L'enfant est né prématuré, il avait un poids très faible. J'ai encore une cuturine [chemise de bébé] de lui à sa naissance. La cuturine est comme ça [forme un L avec l'index et le pouce], une toute petite chemise.

Il était tellement petit. Je suis arrivée à contenir mes émotions quand je l’ai vu.

Beatriz était triste de voir son bébé dans la couveuse.

Nous pensions qu'il n'allait pas vivre.

C'est la raison pour laquelle elle n'a pas été ligaturée après sa première grossesse, car elle pensait que son fils n'allait pas vivre. Et elle voulait avoir un autre enfant.

Beatriz n'a jamais pu allaiter. Je suppose que c'est à cause du médicament puissant qu’elle prenait [pour traiter le lupus]."

81 jours d’hospitalisation

"Un an et demi après la naissance de son premier enfant, Beatriz a appris qu'elle attendait un deuxième bébé . Elle avait peur de vivre les mêmes complications à cause du lupus.

Les médecins ont prévenu que le fœtus, une fille, souffrait d'anencéphalie : une malformation congénitale qui entraverait la croissance du crâne et du cerveau, l'organe qui contrôle les fonctions du corps.

Étant donné que le bébé ne survivrait pas, Beatriz a demandé à l'État salvadorien de lui permettre de se faire avorter. Ils ont refusé. "

"Un jour, Beatriz s'est réveillée avec des plaies sur le visage, comme la varicelle. Des boutons sont apparus et contenaient du pus et du sang. Peu de temps après, cela s'est répandu sur tout son corps. Ses petites mains et ses petits pieds étaient pleins de plaies .

Elle ne pouvait pas marcher. J'ai mis un tissu sur elle pour qu'elle puisse tenir son enfant. C'était une douleur insupportable qu'elle ressentait.

Beatriz ne vivait pas avec moi, elle était avec son compagnon. Finalement, elle était venue me voir pour que je l'emmener en consultation.

Quand ils ont fait des examen pour savoir ce qui n'allait pas, ils ont découvert qu'elle était enceinte. Pour moi, ce fut un coup très dur parce que je savais que le processus serait difficile comme pour la première grossesse.

Finalement, elle a été admise à l'hôpital Rosales. Je devais y aller tous les jours. Deux heures de bus. Je devais quitter à 6h00 du matin pour arriver à 8h00. Il y avait même des moments où ils ne me laissaient pas entrer. J’attendais les heures de visite, soit 11h00 ou 12h00.

J'essayais d'y aller très tôt pour que Beatriz puisse manger car ses petites mains étaient bandées à cause des plaies.

Elle ne pouvait pas aller aux toilettes non plus. Les infirmières étaient occupées. Elle attendait que j'arrive.

Elle avait aussi des difficultés à manger parce qu'elle avait mal à la gorge, de plus la nourriture de l'hôpital n’était pas terrible.

J'ai travaillé dans une fromagerie, les collègues m'ont couvert pour que je puisse soutenir ma fille. Beatriz et moi étions ensemble pendant les heures de visite. Quand les médecins disaient : 'Eh bien, tous les visiteurs doivent sortir, je me cachais puis revenais.

Pendant le temps où elle a été admise à l'hôpital Rosales, Beatriz pleuré souvent à cause de la douleur.

Elle a été transféré à la Maternité, pour la césarienne.

Elle a été hospitalisée pendant 81 jours .

Elle était dans salle en face de celle où se trouvaient les infirmières, dans une toute petite pièce. Elle se sentait confinée et ne pouvait pas voir son premier enfant.

Puisque son partenaire s'occupait de leur enfant, il était rarement là avec elle. Après sa sortie de l'hôpital, ils sont restés ensemble.

Un jour, elle a consulté son téléphone et a découvert des commentaires haineux à son sujet.

Un jour, je suis arrivée à la maternité pour lui rendre visite et elle m'a dit : « regarde ce qu'ils m'ont apporté. C'était un panier [berceau] et il y avait une couverture. Je lui ai demandé : « Et qu'en est-il de ces gens ? Que veulent-ils? »

En fait, se sont ses détracteurs. Ceux qui s'opposaient à son avortement.

La nuit, elle m'appelait et me disait : « Je suis désespérée. Je veux qu'ils en finissent maintenant. Elle avait l'impression qu’elle allait mourir.»

La fille du paradis

"Bien que la loi salvadorienne interdise l'interruption de grossesse en toutes circonstances, Beatriz a demandé à être autorisée à avorter au cours de la 12e semaine de grossesse.

Enfin, le tribunal salvadorien a autorisé la césarienne à la 26e semaine. La vie de Beatriz était risquée. Dans le cadre légal, la procédure était considérait comme une naissance prématurée au lieu d'un avortement. La fille est née par césarienne et est décédée 5 heures plus tard."

Pour moi, c'était une situation assez difficile.

J'étais avec Beatriz à l'hôpital quand ils sont venus lui dire qu'ils vont effectuer la césarienne. La procédure a duré deux ou trois heures.

À l'audience, ils ont dit que Beatriz avait vu le bébé. Mais Beatriz ne l'a pas vue. C’était plutôt moi.

Le médecin m'a dit : "Tu veux aller le voir ?... Mais ne prends pas de photo." Je ne l'ai vue que quelques secondes.

Plus tard, j'ai raconté à une infirmière ce que j'avais vu, et elle m'a expliqué que "ces enfants sont incapables de faire quoi que ce soit parce qu'ils n'ont pas de cerveau" .

Beatriz a voulu lui donner un nom. Elle a cherché sur Internet jusqu'à et a trouvé Leilani, qui signifie [en hawaïen] « fille du ciel » .

Nous l'avons nommée Leilani Beatriz.

Après cet épisode de sa vie, Beatriz a sombré dans une dépression. Elle est devenue colérique.

Nous cherchions par tous les moyens à l’aider, qu’elle se sente bien en vain.

La chose positive était qu'elle pouvait à présent s’occuper de son fils.

"Tu ne sais pas"

Beatriz est décédée dans un accident de la circulation en octobre 2017, quatre ans après la naissance de sa défunte deuxième.

Depuis le décès de sa fille, Delmy élève son petit-fils, qui a maintenant 11 ans.

« Avec toutes ces épreuves, je suis tombée malade. J'ai commencé à avoir de l'hypertension. Mon partenaire s’inquiétait.

Mes collègues m'ont soutenu. J'ai pu supporter tout cela grâce aux bonnes personnes qui m’entourent.

Par contre des voisins ou des gens ont donné leur avis sans avoir aucune maitrise de l’affaire.

Aujourd'hui encore, ils me demandent : « Êtes-vous pour l'avortement ? » Et je leur dis : « Vous ne savez pas ». Ils disent que c'est un péché. Je réponds toujours « Et si Beatriz avait été ta fille ou ta sœur ? » Et elles restent là, fin de la discussion.

Ce qui m’a fait le plus fait mal, c’est le fait que l’avortement n’a pas été autorisé.

À cause de toute cette histoire, j'ai appris qu'il faut se battre pour que pareille situation ne se reproduise plus .

Mon petit-fils avait 5 ans lorsque Beatriz est décédée. Quand elle était dans le cercueil, il la touchait et disait : 'Bella, lève-toi.' Il pensait qu'elle dormait.

Il m'appelle maman, il appelle la partenaire de son papa maman. Peut-être par ce que sa mère lui manque.

Il a 11 ans, mais a des problèmes d’élocutions. Il est en quatrième.

En général, il est attentionné, mais parfois il est colérique.

Je veux que mon petit-fils grandisse et devienne un homme sain et fort. Qu’il trouve un bon emploi. Et, lorsqu'il sera adulte, qu’il puisse explique tout ce qu'a traversé Beatriz.

Et je pense aussi à ma petite-fille. Un ange qui est maintenant avec Beatriz.»