Réagissant suite à la bousculade survenue au stade Olembé lundi dernier ayant causé la mort d'environ une dizaine de personnes et une quarantaine de blessés, le politologue Njoya Moussa estime que cet incident était " largement prévisible". Il défend sa thèse sur cinq points, notamment la construction des stades aux sorties des villes, la forte corruption des éléments des forces de maintien de l’ordre et des agents de santé, la mise en fonction tardive du stade Olembé, la volonté de remplir à tous les prix les stades et la fermeture des stades avant le début des matchs.
Pour mieux entrèrent profondeur des arguments développés par le politologue, camerounweb.com vous propose de lire l'intégralité de son texte ci-dessous
Depuis l’affreux drame survenu hier au stade d’Olembe, où près d’une dizaine de personnes a perdu la vie et de dizaines de bléssés, quelques bienpensants tendent à vouloir incriminer le public, et surtout à disculper les responsables en premier lieu de ce malheur que sont les organisateurs de cette compétition.
Et c’est avec une énorme consternation que j’ai lu ce soir le communiqué lapidaire de la sélection nationale qui tend à incriminer les victimes. C’est l’ignominie la plus abjecte qui rejoint la tragédie la plus douloureuse !
D’où ma publication, en vue de préciser pourquoi ce qui s’est passé à Olembé était largement prévisible, car participant de l’incurie généralisée qui a nimbé l’ensemble des préparatifs de ce grand raout.
1- La construction des stades aux sorties des villes
Le stade d’Olembé, comme la quasi-totalité des nouveaux stades construits dans le cadre de cette Can, est situé à la sortie de Yaoundé. Ce qui crée un effet d’entonnoir car toutes les dizaines de milliers de spectateurs et badauds convergent vers une seule issue. Ce qui génère inévitablement des bouchons et décuple les risques d’accidents.
Cette situation était d’autant plus certaine et prévisible que déjà en temps normal, la circulation sur cette route est fortement embouteillée et laborieuse. Résultat des courses : même le président de la Caf, malgré son escorte surmilitarisé, n’a pas pu joindre Olembé hier pour assister au match ; et l’ambassadeur itinérant Roger Milla a dû emprunter une moto au niveau de Tongolo pour se rendre au stade !
2- La forte corruption des éléments des forces de maintien de l’ordre et des agents de santé
L’entrée du stade est conditionnée à la présentation des tests négatif du covid et du certificat de vaccination contre le covid. Or, il se trouve que les tests négatifs sont purement et simplement vendu à 1.000 frs. La situation est largement empirée par le fait qu’un centre de test a été installé à proximité du stade. Une véritable incongruité car source de congestion et de bousculade inutiles aux abords du stade.
Et lorsque vous n’avez pas de test et de certificat, vous devez soudoyer les FMO postés aux entrées. Les mêmes FMO se laissent corrompre pour favoriser certaines personnes qui ne veulent pas suivre la progression normale de rangs. Des passe-droits qui engendrent des mécontentements et des bousculades.
3- La mise en fonction tardive du stade Olembé
Du fait des mismanagements diverses laissant subodorer d’énormes détournements de fonds, le stade d’Olembé n’a été livré que pratiquement la veille du début de la compétition.
Conséquence majeure : aucune répétition sécuritaire véritable, aucune simulation d’accueil massif des populations, et surtout d’évacuation des populations en cas de dangers majeurs, n’ont été faites auparavant.
L’on s’est limité à préparer la venue du président de la République au stade. Et même là, le cortège présidentiel s’est retrouvé en train de rouler sur plusieurs voies distinctes, du fait de l’étroitesse des routes aménagées aux alentours du stade d’Olembé. Ce qui constitue un manquement grave en matière sécuritaire !
4- La volonté de remplir à tous les prix les stades
Le début de la Can a été marqué par le vide des stades. Alors que la présence du public, notamment des Camerounais, dans les stades, avait été l’argument majeur pour justifier les milliers de milliards dépensés (et peut être détournés).
Pris de panique, nos gouvernants ont pris deux décisions des plus absurdes : la limitation de la journée de travail et d’école à 13 h ; et surtout la quasi-gratuité de l’accès au stade, ainsi que la levée officieuse des mesures de restriction sanitaires.
Ces dernières mesures ont eu pour effet de créer un appel d’air, avec de dizaines de milliers de spectateurs potentiels qui se sont dirigés vers les stades pour assister aux matchs. Une déferlante à laquelle n’étaient assurément pas préparés les staffs tant sécuritaires que protocolaires.
5- La fermeture des stades avant le début des matchs
L’une des mesures les plus incongrues prises par les autorités camerounaises est la fermeture des stades à 17h avant les débuts des matchs.
C’est cette mesure qui est à la base de la bousculade d’hier car les spectateurs avaient peur de rater le match pour lequel ils s’étaient pourtant déplacés. Voila la raison pour laquelle ils se sont mis à escalader les clôtures d’Olembé.
Ce d’autant plus que dans la journée, un autre génie maléfique de l’organisation avait décidé de fermer les autres entrées en ne laissant plus qu’une seule ouverte.
Voilà la vraie raison de la cohue qui a entrainé des morts. Une situation inédite dans toute l’histoire de la Can !
En guise de rappel, des Etats nettement plus petits que nous, à l’instar du Gabon et de la Guinée Equatoriale ont eu à organiser des Can sans qu’on ait eu à vivre des drames pareils. Et je ne pense pas que les Camerounais soient plus indisciplinés que les Algériens ou encore les Nigérians.
Alors, avis aux pseudos « patriotes », et surtout aux « néopposants » transformés en défenseurs zélotes du régime à la faveur de quelques marchés gagnés çà et là : au lieu de vouloir incriminer les pauvres victimes, ou encore en vouloir au miroir pour votre gueule de travers, vous feriez mieux de conseiller aux autorités camerounaises de prendre de véritables mesures palliatives efficientes. Sinon, le pire est à venir !