Le Sénégal se prépare à un nouveau chapitre de son histoire politique tumultueuse, alors que les deux principaux acteurs d'un bras de fer de longue date, l'ancien président Macky Sall et le désormais Premier ministre Ousmane Sonko, s'apprêtent à s'affronter une fois de plus. Si les déclarations de candidatures sont jugées recevables par la Direction générale des élections dans les prochains jours, ces deux figures emblématiques se retrouveront face à face, ravivant des tensions qui ont marqué le pays ces dernières années.
Ousmane Sonko, qui a été écroué pendant plus de sept mois sous la présidence de Macky Sall et empêché de se présenter à la présidentielle de mars 2024, a été désigné tête de liste de son parti Pastef aux législatives anticipées du 17 novembre. Cette décision, confirmée par son parti mardi, marque un tournant significatif dans la dynamique politique du Sénégal.
Les deux hommes se sont livré une épreuve de force pendant trois ans, une période marquée par des affrontements violents qui ont fait des dizaines de morts. Le second de Sonko, Bassirou Diomaye Faye, a finalement battu le dauphin désigné du président sortant, Amadou Ba, dès le premier tour de la présidentielle de mars 2024 avec plus de 54 % des votes. Cette victoire a été célébrée avec ferveur, notamment lors de la libération d’Ousmane Sonko et de Diomaye Faye devant la maison de Sonko à Dakar, le 14 mars 2024.
Cependant, Bassirou Diomaye Faye s’est retrouvé avec un Parlement toujours dominé par l’ancienne majorité. Il n’a pu le dissoudre qu’en septembre, provoquant des législatives anticipées. Son camp entend prolonger l’élan de la présidentielle pour lui donner une majorité parlementaire et les moyens de son action face à une situation économique et sociale dégradée.
En face, les oppositions ont noué des alliances liant d’anciens adversaires. La coalition Takku Wallu Sénégal « s’est accordée pour porter à la tête de la liste nationale le président Macky Sall », a déclaré son ancien ministre Mansour Faye. « Ce qu’il a accepté », a-t-il ajouté. Un autre membre de la coalition, Abdou Mbow, a corroboré ces dires. Les deux responsables sont restés vagues sur la possibilité que l’ancien président, à l’étranger depuis la fin de son mandat, rentre faire campagne. « C’est notre souhait », a affirmé Mansour Faye.
La coalition Takku Wallu Sénégal regroupe notamment l’Alliance pour la République (APR), fondée par l’ancien chef de l’État, et le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade, autre ancien adversaire de Sall, détenu trois années sous sa présidence. Cette alliance inédite montre une volonté de mettre de côté les différences passées pour faire front commun contre le nouveau pouvoir en place.
Pas moins de 49 listes seront en lice le 17 novembre pour tenter de remporter des sièges dans la prochaine assemblée. Les Sénégalais élisent leurs députés selon un mode qui panache scrutin proportionnel avec des listes nationales et scrutin majoritaire dans les départements. Takku Wallu Sénégal s’est alliée dans tous les départements à une autre coalition, Samm Sa Kaddu, qui comprend d’autres anciens adversaires de Macky Sall, dont l’ex-maire de Dakar, Khalifa Sall, également emprisonné sous sa présidence, a dit Abdou Mbow.
En revanche, une troisième coalition, formée autour d’Amadou Ba, n’a accepté de faire alliance avec les deux autres que dans trois départements, dont celui de Dakar, a dit Abdou Mbow.
Ces élections législatives anticipées promettent d'être un moment crucial pour l'avenir politique du Sénégal. Les enjeux sont multiples : la stabilité politique, la reconstruction économique et sociale, et la capacité des nouveaux dirigeants à gouverner avec une majorité parlementaire. Le pays retient son souffle, prêt à tourner une nouvelle page de son histoire.