Dans un contexte de tensions croissantes avec l'Algérien Abdelmadjid Tebboune, le président de la transition malienne, Assimi Goïta, a pris l'initiative de renouer les liens avec son voisin mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Cette rencontre, qui semblait improbable il y a peu, s'est tenue en marge du Forum de coopération sino-africaine (Focac) à Pékin.
L'entretien, qui a duré près d'une heure, s'est déroulé dans une « atmosphère plutôt cordiale et fraternelle », selon les sources présentes. Plusieurs proches des deux présidents y ont assisté, dont les ministres maliens de la Défense, Sadio Camara, et des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, ainsi que le chef de la diplomatie mauritanienne, Mohamed Salem Ould Merzoug, et le directeur de cabinet du chef de l’État, Nani Ould Chrougha.
Les deux dirigeants ont abordé le sujet brûlant des exactions commises ces dernières années à l'encontre de citoyens mauritaniens à la frontière des deux pays par les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs supplétifs russes de Wagner, désormais intégrés à Africa Corps. Une enquête lancée en mars 2022 par Bamako n'a toujours pas livré ses conclusions, au grand dam de Nouakchott. Depuis, les incidents n'ont cessé de se répéter, rendant l'insécurité à la frontière très préjudiciable aux habitants de la région mauritanienne du Hodh El Chargui.
La Mauritanie a exprimé son mécontentement à travers des communiqués au ton inhabituellement ferme, le rappel de l'ambassadeur du Mali, et la visite du ministre de la Défense Hanena Ould Sidi à Bamako. À tel point qu'Assimi Goïta a personnellement téléphoné à Mohamed Ould Ghazouani le 10 mars dernier pour éviter que la situation ne s'envenime davantage.
À Pékin, les deux dirigeants ont demandé à leurs ministres des Affaires étrangères et de la Défense de se coordonner pour poursuivre les concertations. Mohamed Ould Ghazouani a rappelé à Assimi Goïta son attachement à l'intégrité territoriale du Mali et au principe selon lequel la sécurité ne peut être que collective. Il a également insisté sur la nécessité de multiplier les échanges d'informations et de renseignements.
Parmi les sujets clivants, la société militaire privée Wagner, qualifiée de « milice » par Nouakchott, occupe une place de choix. Ghazouani a exprimé à plusieurs reprises son refus catégorique d'accueillir ces mercenaires dans son pays, une position qu'il a de nouveau exprimée auprès d'Assimi Goïta. Ce dernier, fidèle à son choix d'alliance russe, a campé sur ses positions.
La question de la réintégration du Mali au sein de l'Union africaine (UA), actuellement dirigée par le président mauritanien, a également été évoquée. En avril, le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, avait exhorté Bamako à « travailler à une feuille de route visant à achever la transition en cours », pointant du doigt la suspension des partis et des associations de nature politique comme étant des entraves à ce processus.
Selon nos sources, une réunion de l'organisation continentale doit avoir lieu en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'ouvrira le 10 septembre à New York. Plusieurs grandes initiatives seront décidées à cette occasion, concernant notamment la situation des pays putschistes d'Afrique de l'Ouest.