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Africa News of Wednesday, 14 August 2024

Source: www.camerounweb.com

Ousmane Sonko envoie un message à l’AES

Ousmane Sonko Ousmane Sonko

« Personne ne passera par le Sénégal pour déstabiliser le Mali », a martelé Ousmane Sonko après son entrevue avec Assimi Goïta, le 12 août, à Bamako. Cette visite « d’amitié et de travail » n’aura duré que quelques heures, mais elle était hautement symbolique dans un contexte de tensions diplomatiques entre les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et au lendemain de la rupture des relations diplomatiques entre Bamako et Niamey avec Kiev.

À peine rentré de Kigali, où il a assisté à l’investiture de Paul Kagame, qui entame son quatrième mandat à la tête du Rwanda, le Premier ministre sénégalais s’est rendu dans la capitale malienne avec un message clair : le Sénégal et le Mali sont des « pays frères » et quels que soient les aléas géopolitiques et les tensions, ils doivent continuer de travailler ensemble.

Ousmane Sonko a, tout d’abord, adressé un message de condoléances « au nom du peuple sénégalais et du président Bassirou Diomaye Faye » à la mémoire de « tous [ses] frères maliens qui sont tombés sur le champ d’honneur il y a quelques jours ». Un peu moins de dix jours après le début de la crise diplomatique déclenchée après la bataille de Tinzawaten, les 25, 26 et 27 juillet dernier, le Premier ministre sénégalais a voulu mettre en avant la solidarité ouest-africaine, notamment face aux Occidentaux.

Au lendemain de ce qui fut l’un des pires revers pour les Forces armées maliennes et leurs alliés russes de Wagner face aux rebelles du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), les autorités ukrainiennes ont laissé entendre qu’elles avaient apporté un soutien actif aux rebelles du nord du Mali, déclenchant l’ire de Bamako et, par effet domino, de Niamey. La crise a trouvé un écho au Sénégal, où l’ambassadeur ukrainien a été convoqué pour répondre devant les autorités d’un message de soutien au CSP posté sur les réseaux sociaux.

« Notre pays, qui rejette le terrorisme sous toutes ses formes, ne saurait accepter sur son territoire et en aucune manière des propos et gestes allant dans le sens de l’apologie du terrorisme, surtout lorsque ce dernier vise à déstabiliser un pays frère comme le Mali », a alors mis en garde le ministère sénégalais des Affaires étrangères.

Cette prise de position du Sénégal a été fortement critiquée par les partisans de la junte au pouvoir au Mali, en particulier sur les réseaux sociaux, estimant que les autorités sénégalaises – et Ousmane Sonko en particulier – auraient dû prononcer la rupture pure et simple des relations diplomatiques avec l’Ukraine.

Un procès en « traîtrise » qui est aussi intenté, par cette même frange de soutiens inconditionnels aux juntes sahéliennes, au Sénégal dans le conflit qui oppose les pays de l’AES et la Cedeao. « Nous avons été, en tant qu’opposants, les premiers à dénoncer fermement l’embargo qui a été fait sur le Mali par des pays frères et, malheureusement, par notre propre pays. Je l’avais, au nom de mon parti, dénoncé et je continue à le dénoncer. Comme je l’ai dit, sous notre régime, ce genre de pratiques ne pourra jamais prospérer », leur a répondu le Premier ministre sénégalais.

Après son entretien avec le président de la transition malienne, le Premier ministre sénégalais a d’ailleurs réitéré cette position. Lors d’un dîner, Ousmane Sonko et son homologue malien, Choguel Kokalla Maïga, se sont employés à démontrer leurs convergences de vues sur de nombreux sujets, mais en jouant, chacun, leur propre partition.

Tout en vantant le « changement de paradigme politique » dans lequel est engagé le Sénégal depuis le départ de Macky Sall, Choguel Kokalla Maïga a mis le doigt sur les différences d’approche entre les deux hommes. « Je vous souhaite une entente à toute épreuve, car dès qu’il y a une contradiction, on transforme cela en antagonisme », a-t-il glissé à Ousmane Sonko.

« S’il devait y avoir un problème, et je suis sûr qu’il n’y en aura pas, cela ne viendra pas des relations qui existent entre le président de la République et moi-même », lui a répondu Ousmane Sonko. Ce dernier, tout en saluant à son tour le « combat pour la souveraineté » mené selon lui par le Mali, a mis en garde son homologue. « Si les pays de l’AES décident de quitter la Cedeao, ils ont le droit, ils sont souverains. Les accords de la Cedeao ne lient pas de manière inaliénable », a-t-il pris soin de préciser, tout en plaidant pour « un patriotisme […] qui doit forcément être africain ».

Sur la rupture entre l’AES et la Cedeao, « il faut sauver ce qui est sauvable », a défendu le Premier ministre sénégalais. « Nous devons tout faire pour maintenir le bloc et l’élargir, si possible, malgré les problèmes. Je ne veux pas que la famille éclate en mille morceaux. » Une posture qui fait en tout point écho à celle défendue par Bassirou Diomaye Faye lorsqu’il avait rencontré, en mai dernier, le Malien Assimi Goïta et le Burkinabè Ibrahim Traoré. Pour l’heure, ces appels à la « réconciliation » ne semblent pas porter leurs fruits.