Oumou Ouedraogo, est l'une des icônes de l’entrepreneuriat féminin au Burkina Faso. Juriste de formation, titulaire d'une Maîtrise en droit des affaires, elle a démissionné de l’administration publique pour se consacrer à sa passion : l’entrepreneuriat. En 2018, elle fonde Amazonia Services, une entreprise qui évolue dans la restauration et la transformation de la volaille.
Spécialisée dans la transformation de la volaille locale, notamment les pintades et les poulets fumés et séchés, elle est devenue une référence dans le domaine du fumage de viande dans son pays.
« J’ai décidé de suivre ma passion, qui est la transformation des volailles », affirme-t-elle.
« Je ne me retrouvais pas en tant que salariée. J’avais besoin de me sentir dans la femme que je suis et c’est alors que j’ai décidé d’aller vers ma passion qui est la cuisine. Je ne voulais pas aller directement dans la restauration donc j’ai décidé de faire la transformation et je me suis dit que là, je peux mieux apporter donc je commence avec la transformation des céréales, des épices et des kits de riz précuit dans lesquels on avait les différents ingrédients et j’ajoutais du poisson fumé ou de la pintade fumée. Certaines personnes me contactaient pour acheter de la volaille fumée, ça m’a un peu interpellé », explique-t-elle à BBC Afrique.
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Des dizaines de poulets, de pintades et de lapins cuisent sur de grands fourneaux. La maîtresse des lieux est aux commandes, entourée de ses employés.
En lançant son entreprise, l'objectif d'Oumou était d’apporter une nouvelle dimension aux produits de volaille en leur donnant des saveurs uniques grâce à des techniques de fumage et de séchage spéciales.
« L'idée de fumer et de sécher les volailles est née de mon constat que les méthodes traditionnelles de transformation utilisées dans les rues de Ouagadougou, comme le poulet grillé ou sauté, ne permettent pas une conservation à long terme ni un transport sur de longues distances », dit la chef d'entreprise.
De fonctionnaire à restauratrice
Sa passion pour l'entrepreneuriat a été éveillée après une exploration minutieuse du marché de la volaille à Ouagadougou. Son constat d’une absence de professionnalisme dans le secteur de la volaille, notamment en matière de conservation et de logistique, l’a définitivement convaincue à investir ce créneau.« En me promenant à travers les rues de chaque quartier, j'ai été émerveillée par le talent des maîtres grilleurs de poulet, offrant aux consommateurs une variété de saveurs alléchantes : du poulet sauté au poulet grillé, en passant par des recettes à l'ail ou même flambées. Malgré leur popularité, ces méthodes de cuisson sont confrontées à des défis en matière de conservation et de transport sur de longues distances », déclare Mme Ouedraogo.
En effet, les produits issus de ces techniques traditionnelles ne résistent pas à l'épreuve du temps, rendant leur distribution difficile et limitant leur accessibilité au-delà des frontières locales.
En prenant la décision de démissionner de son poste de chef de projet dans une Organisation Non Gouvernementale (ONG) , Oumou savait qu’elle prenait un risque pour elle et pour sa famille, dans un contexte africain où accéder à la fonction publique est synonyme de réussite sociale. Le pari n’était pas gagné d’avance.
« En tant que juriste, mon salaire était stable et conforme à la moyenne du secteur juridique au Burkina Faso, ce qui m'a permis de bien vivre. Cependant, j'ai ressenti le besoin de suivre ma passion et mes convictions en explorant de nouvelles opportunités dans l'entrepreneuriat, avec l'objectif de créer un impact positif dans ma communauté, notamment en générant des emplois durables pour les femmes. »
La promotrice de Amazonia services a tenu bon malgré les difficultés auxquelles elle a dû faire face, notamment une baisse de revenus au début de l'aventure , mais pour pour la principale concernée, il s'agissait avant tout de vivre son rêve et d'avoir une plus grande liberté.
« Être fonctionnaire équivaut à être économiquement stable. Bien que cela ait entraîné des revenus plus variables, cette décision m'a apporté une plus grande satisfaction personnelle et professionnelle, ainsi qu'une liberté accrue dans la réalisation de mes projets », reconnait-elle.
Le succès de la volaille fumée
La décision de proposer de la volaille et de la viande fumée découle d'une réponse à une demande spécifique et croissante du marché local au Burkina Faso, où la volaille est hautement valorisée.« Etant une personne qui aime beaucoup la cuisine, je me sens plus à l’aise quand je fais la cuisine. J’avais tellement envie de faire ce qui me plait que j’ai décidé de me lancer dans la transformation des aliments. J’ai donc commencé avec les céréales par la suite je proposais également du riz avec du poisson fumé, de la pintade ou du poulet fumé et ça marchait petit à petit. A chaque fois j’avais des commandes de deux ou trois personnes », se souvient-elle.
Pour Mme Ouedraogo, les débuts ont été tout sauf évidents, avec des défis immenses à relever et des difficultés pour financer son activité.
« C'était très difficile, à cause notamment d'un manque de financement et la recherche de fournisseurs fiables. L'instabilité économique et la nécessité d'adaptation constante ont également été des obstacles à surmonter. Le soutien de ma famille a été essentiel pour la réussite de notre entreprise »,
Armée de courage et de détermination, Oumou Ouédraogo va progressivement surmonter les obstacles. Le bouche à oreilles fonctionne, les commandes s’enchaînent et très vite elle va s'imposer comme un leader de la restauration et de la volaille fumée au Burkina Faso.
Le succès aidant, elle décide de mettre sur pied une unité de fumage moderne, spécialisée dans la transformation et la vente de la volaille et d’autres produits animaliers fumés.
Aujourd'hui, l’entreprise est en pleine expansion et compte plus de 25 employés dont une majorité de femmes. Pour donner l'exemple et s’assurer de la qualité de ses produits, Oumou n'hésite pas à mettre la main à la pâte.
« Depuis notre création, nos ventes mensuelles ont connu une croissance progressive portée par une demande croissante pour nos produits. Cette progression est le fruit de plusieurs éléments clés, notamment la reconnaissance de la qualité de nos produits sur le marché local et notre capacité à répondre de manière efficace aux besoins spécifiques de nos clients », confie la patronne.
L'entrepreneure dit écouler en moyenne entre 150 et 200 poulets et pintades par jour, un chiffre qui peut monter jusqu'à 450 à 500 pièces le weekend.
« Nos poulets sont donnés à 5 000 F CFA et nos pintades à 5 500 F CFA, démontrant notre engagement à offrir des tarifs compétitifs tout en maintenant la qualité du produit. Nous avons élargi notre gamme avec le poisson et la viande de mouton et de bœuf. Pour le poisson et le bœuf, les prix varient de 4000 à 6 000 FCFA le kilogramme et le morceau de mouton est donné à 10 000 FCFA ».
Oumou peut compter sur une clientèle diversifiée, constituée de particuliers, de ménages, mais aussi de restaurants, d’hôtels et des touristes séduits par la qualité et les prix proposés. Ses produits sont très prisés hors des frontières du Burkina Faso, selon la chef d'entreprise.
« Notre clientèle cible se compose essentiellement de consommateurs locaux à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, et dans d'autres villes du Burkina Faso. En dehors du marché national, nous avons étendu nos services à l'international, avec des livraisons vers des pays comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal, la France, et les États-Unis », déclare-t-elle.
Oumou Ouedraogo ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle se fixe comme objectif d'accroître sa capacité de production avec l'installation d'une nouvelle unité industrielle et la création d'une chaîne de production et de distribution capable de répondre à la forte demande.
« Nous planifions la création de 10 nouveaux emplois durables au sein de notre organisation. Notre ambition pour 2025 est de transformer et de commercialiser plus de 30 000 têtes de volaille locale, marquant ainsi une avancée significative dans notre développement tout en répondant à la demande croissante du marché », conclut-elle.
En attendant de conquérir de nouveaux horizons, l’ex-salariée reconvertie en chef d'entreprise s’est distinguée en étant lauréate du prix d’excellence Tremplin Startup UEMOA en 2021 et finaliste du concours de leadership féminin Women In Africa en 2022.
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