BBC Afrique of Tuesday, 11 February 2025

Source: BBC

Que peut-on attendre des assises nationales au Niger ?

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Le Niger va organiser du 15 au 19 février des "assises nationales".

Elles sont censées, notamment, fixer la durée de la transition ouverte après le renversement du président civil Mohamed Bazoum en 2023.

Peu après sa prise de pouvoir par un putsch, le général Abdourahmane Tiani avait annoncé l'organisation d'un "dialogue national inclusif" qui devait tracer les "axes prioritaires" de gouvernance et fixer la durée de la transition.

Il avait également, à l'époque, mentionné une durée maximale de trois ans, mais n'en avait plus reparlé depuis.

Début 2024, des concertations se sont tenues dans les huit régions du pays. Ces concertations devraient servir de base de travail pour les assises de la semaine prochaine à Niamey.


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'Refondation de la nation'

La date des assises a été fixée par le ministère de l'Intérieur, dans un communiqué lu à la télévision d'Etat dans la nuit de samedi à dimanche.

Une commission nationale a par ailleurs été créé par décret présidentiel pour conduire les travaux des assises. Elle devra remettre son "rapport final" au général Tiani début mars. Un rapport final qui devra également se prononcer sur la possibilité pour le général Tiani de se présenter aux futures élections.

La commission, dirigée par le Dr Mamoudou Harouna Djingareye, Chef du Canton de Sinder dans la région de Tillabéri (ouest), est composée de sept vice-présidents.

On y retrouve l'ancien Premier ministre Ibrahim Assane Mayaki, plusieurs anciens ministres, des universitaires, des juristes, des militaires, des conseillers du général Tiani, ainsi que des chefs religieux et des figures de la société civile. Selon les autorités, cette commission est une représentation diversifiée de la société nigérienne.

Disposant d'un délai de trois semaines pour soumettre son rapport final, elle s'organise en cinq sous-commissions thématiques abordant des enjeux majeurs :


  • Paix, sécurité, réconciliation nationale et cohésion sociale,
  • Refondation politique et institutionnelle,
  • Economie et développement durable,
  • Géopolitique et environnement international,
  • Justice et droits de l'homme.

Ses principales missions incluent la rédaction d'un avant-projet de Charte de la Transition et la formulation de recommandations issues des Assises régionales. Elle est également chargée d'élaborer un plan de communication global pour soutenir le processus.

Tahirou Guimba, membre de la Commission chargée de diriger ces assises, précise qu' il n'y aura « aucun sujet tabou ». Il espère que les travaux déboucheront sur « les réponses concrètes aux préoccupations des citoyens nigériens ».

Les grands absents

Au total, 674 personnes, dont des acteurs politiques, de la société civile, des leaders coutumiers et religieux, des membres des forces de défenses et de sécurité et des experts, participeront durant 5 jours aux travaux.

Cependant, les partis politiques officiels du Niger n'ont pas été invités à cette rencontre. Ce qui suscite des critiques au sein de l'opinion publique quant à la légitimité de ces assises.

Toujours suspendus depuis le coup d'État de juillet 2023, aucun des 172 partis politiques recensés dans le pays ne participera aux travaux.


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Planning de l'AES

Ce nouveau décret du 8 février, qui remplace les dispositions d'octobre 2024, illustre la volonté des autorités de transition d'accélérer la réorganisation politique du Niger et de s'aligner dans la logique des pays de l'AES.

« Nous sommes dans une phase de refondation de notre pays et dans le cadre, bien entendu, de l'AES. C'est juste un réajustement parce que les pays de l'AES ont fait ce genre d'assises, ils ont déterminé leur transition, ils ont essayé de mettre les outils de gouvernance de transition en place », explique Tahirou Guimba, membre de la Commission d'organisation des assises nationales.

Le général Tiani, après avoir renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, avait par la suite, en septembre de la même année, rejoint le Mali et le Burkina Faso pour créer l'Alliance des États du Sahel. Une initiative née en réaction à la menace d'intervention militaire de la Cédéao visant à restaurer l'ordre constitutionnel.

Le cas Bazoum

Renversé le 26 juillet 2023, Mohamed Bazoum est séquestré depuis avec son épouse Hadiza dans sa résidence présidentielle, à Niamey, dans des conditions strictes.

Ses avocats appellent depuis à sa libération.

"Les privations de liberté de Mohamed Bazoum et de Hadiza Bazoum sont arbitraires", a estimé le groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire dans un avis consulté lundi par l'AFP.

L'instance qui dépend du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, ajoute que "la mesure appropriée consisterait à libérer immédiatement M. et Mme Bazoum et à leur accorder le droit d'obtenir réparation".

Interrogé par les Nations unies, le régime militaire nigérien a répondu qu'il accusait M. Bazoum d'avoir échangé au téléphone avec des "forces obscurantistes ennemies du Niger pour commanditer une attaque avec l'aide des puissances étrangères", des actes "assimilés aux complots et attentats contre la sûreté de l'État, et intelligence avec des puissances étrangères".

En décembre 2023, la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) avait ordonné la libération de M. Bazoum, mais la demande est restée lettre morte et le Niger a depuis quitté l'organisation.

Mohamed Bazoum, élu en 2021, n'a jamais démissionné et revendique toujours d'être le président du Niger.

Son sort pourrait être débattu pendant les travaux de la commission "Justice et droits de l'homme" lors des assises nationales.


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