Le Burkina Faso vit une situation particulière ces dernières semaines, faite de flambée des prix des denrées de première nécessité. Le coût de certains produits sur le marché est passé du simple au double et même plus, laissant le citoyen moyen dans un désarroi total.
Au marché de Paglayiri, au Sud de Ouagadougou, la capitale burkinabè, les allées sont clairsemées, faisant noter la rareté des clients qui éprouvent d’énormes difficultés à venir faire leurs courses.
Selon Lucie Yerbanga, détentrice d’une boutique dans ce marché, c’est depuis octobre dernier que le phénomène a commencé. « Ça nous dépasse. Le riz, l’huile, tout a augmenté. On ne sait même pas où aller », confie-t-elle au correspondant de BBC Afrique dans le pays. Ces augmentations sont hors de portée du Burkinabè moyen.
Le litre d’huile, selon elle, était à 1 000 FCFA. Mais depuis octobre, le prix a flambé et se retrouve à 1 400 FCFA. « On payait le 50kg de riz à 22 000 FCFA. Aujourd’hui c’est devenu 25 ou 26 000 FCFA », dit-elle.
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« Rien n’explique la fluctuation des prix »
Dans un magasin de céréale un peu plus loin dans le même marché de Paglayiri, Marturin Zida sort très déçu de ce qu’il venait de constater. Selon lui, il n’y a aucune explication de la fluctuation des prix au jour le jour.« Chaque fois, il n’y a pas un prix fixe », regrette-t-il. Pour lui, le Burkinabè moyen qui touche moins de 100 000 FCFA ne peut s’en sortir. Le maïs, le riz, l’huile ont vu leurs prix grimper sur le marché.
« La vie est devenue chère ici. Tu peux acheter aujourd’hui et le lendemain du reviens et on te dit que le prix a augmenté, au même endroit », indique M. Zida.
Le débat sur l’augmentation de produits de première nécessité porte surtout sur le prix des huiles. En effet, le Burkinabè est un grand consommateur d’huile, que ça soit l’huile de coton, d’arachide ou huile de palme, selon les responsables de la Ligue burkinabè des consommateurs (LBC).
Malheureusement, le prix de l’huile a connu une augmentation exponentielle, laissant les ménages sans voix. « Le bidon d’huile était à 17 000 FCFA. Mais aujourd’hui, ça se retrouve chez certains vendeurs à 22 000 ou 23 000 FCFA. C’est trop », souligne Maturnin Zida, qui ajoute ne pas comprendre d’où vient cette augmentation aussi surprenante.
« Tout a augmenté dans le marché. Mais en ce qui concerne les prix d’huile, c’est trop », renchérit Lucie Yerbanga.
Les raisons avancées par les autorités burkinabè
Les autorités du pays ne sont pas indifférentes à la situation qui devient de plus en plus insupportable pour la population. D’ailleurs, le standard du ministère en charge du Commerce, à en croire la direction du contrôle des prix, n’a cessé de sonner, les gens voulant comprendre ce qui se passe réellement.Olivier Kiema, Directeur général du Contrôle économique et de la répression de la fraude au ministère du Commerce, indique que la flambée du prix des produits de première nécessité n’est pas la faute des commerçants. « Ce n’est pas une augmentation unilatérale des commerçants », dit-il d’emblée.
« Après avoir cherché les origines, nous avons découvert que par exemple au niveau des huiles, il n’y a que 20% des huiles qui sont produits localement, alors que c’est principalement l’huile de coton. Actuellement la campagne n’a pas encore commencé », fait-il savoir, précisant que 70% des huiles que les Burkinabè utilisent sont des huiles importées qui viennent notamment d’Indonesie, du Togo et de la Côte d’Ivoire, même si c’est 5% qui arrivent de ces deux derniers pays.
« C’est pour dire que les augmentations que nous avons observées, c’est surtout au niveau de l’international », ajoute-t-il.
M. Kiema note qu’au niveau de la Côte d’Ivoire, c’est surtout l’huile de palme qui est importée au Burkina. « Là-bas, on a constaté que c’est dû à une mauvaise saison des palmes. La production n’a pas été bonne. Ça fait qu’il y a des restrictions d’exportation à ce niveau ».
Le plus grand fournisseur du Burkina Faso en huile, c’est l’Indonésie, selon lui. Le Directeur général du contrôle économique et de la répression de la fraude indique qu’il y a trois phénomènes qu’on assiste chez le fournisseur.
« D’abord, il y a l’augmentation du dollar. Le mois d’octobre le cours était à 597 cfa. Aujourd’hui nous sommes à 637 cfa », explique-t-il. Il y a ensuite, poursuit-il, l’huile même qui a connu une augmentation au niveau de son prix. Et enfin le coût des transports. « Il semble qu’on ne trouve même pas de conteneurs pour importer les huiles vers le Burkina Faso ».
Le ministère du Commerce suit donc régulièrement ces augmentations à travers ses contrôles. « Souvent c’est justifié », selon Olivier Kiema qui dit surveiller les commerçants qui seront tentés d’exagérer au niveau des prix sur le marché au Burkina.
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Une police derrière les commerçants
Dans ce genre de situation, les autorités reconnaissent qu’il y a des commerçants qui versent dans la surenchère. C’est pourquoi le ministère du Commerce veille au grain pour limiter l’exagération des prix des produits.« Dès que les importateurs arrivent, nous partons prendre leur fiche de composition des prix. Nous regardons leurs charges et leurs prix qu’ils ont proposés. Si c’est non justifié, on peut les sanctionner par rapport à ça », affirme Olivier Kiema.
Ce dernier avertit les commerçants, car, dit-il, son institution a reçu des instructions fermes pour les contrôler et les sanctionner. « Tout dérapage sera sanctionné conformément à la loi. C’est-à-dire lorsqu’il y a une hausse exagérée des prix, des diminutions des quantités des produits, nous serons fermes. La boutique sera fermée jusqu’à nouvel ordre ».
Il ajoute que si le ministère constate des produits qui pourraient attenter à la vie des populations, l’auteur « ira en prison ».
Comment sont alors décidés les prix ?
Au niveau du ministère burkinabè du Commerce, il y a des produits dont les prix sont fixés et, pour d’autres, ce sont les marges qu’on fixe. « Par exemple au niveau de l’importation, l’Etat concède 12% des marges pour les huiles importées, 12% pour le riz, 15% pour le sucre. Donc ce sont les marges qui sont fixées », explique M. Kiema.Et donc les importateurs sont contrôlés sur ces marges. Et il y a des produits dont l’Etat a jugé nécessaire de donner des prix fixes pour ne pas perturber le marché. C’est l’exemple du carburant.
« Au niveau des céréales, l’Etat ne peut pas fixer des prix sans consulter les principaux concernés. C’est dans un cadre de concertation que l’Etat arrive à fixer ces prix ».
Olivier Kiema fait savoir également que le gouvernement a donné pouvoir aux gouverneurs de fixer les prix des céréales dans leurs localités respectives.
Soulager le panier de la ménagère
Le gouvernement dit avoir pris des mesures pour que les Burkinabè puissent avoir accès, sans trop de difficulté, aux produits dits de grande consommation.Avec le contrôle des prix mis en place par les autorités du pays, Olivier Kiema indique qu’on aura une tendance à la hausse mais raisonnable, avant de connaître « une tendance baissière après quelques moments ». Il souligne qu’au niveau des céréales, le pays connaît une tendance baissière à cause de la campagne agricole qui « est très bonne ».
« Avec l’initiative présidentielle et à travers l’offensive agrosilvopastorale du ministère de l’agriculture, en octobre dernier nous étions à 38 000 FCFA pour le sac de 100Kg de maïs. Aujourd’hui nous sommes à 30 000 FCFA pour le même sac », informe le Directeur général du contrôle économique et de la répression de la fraude.
Il informe également que le gouvernement sera ferme par rapport aux exportations non réglementées. Pour lui, les céréales du Burkina qui ont connu une belle campagne cette année. Mais les gens seront tentés d’exporter cette céréale dans les pays voisins qui sont en difficulté au niveau de leur campagne agricole. C’est là où l’Etat interviendra, selon lui.
« Si nous mettons la main sur des gens qui exportent des céréales, ils seront sanctionnés conformément à la loi. L’exportation des céréales est interdite jusqu’à nouvel ordre », avertit M. Kiema.
Un appel au calme
Le service de contrôle des prix sur le marché continue ses investigations et est à pied d’œuvre pour juguler le phénomène. Selon le Directeur général du contrôle économique et de la répression de la fraude, cette hausse des prix des produits de première nécessité est passagère.« Avec la production des huiles en Indonésie, on espère que d’ici un mois, on va constater une baisse de ces prix. Nous demandons aux consommateurs d’être patients », projette-t-il.
Il reconnaît que c’est une période très dure que traverse la population, mais appelle les consommateurs « à accompagner le gouvernement et surtout d’éviter les accusations à tort et à travers », étant donné, selon lui, que le ministère du Commerce joue son rôle dans le contrôle des prix.
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