Près de 5 millions de personnes utilisent ces facilités technologiques qui ont bousculé certaines habitudes. Enquête sur un secteur en pleine mutation.
Hier dimanche, Awal et sa famille quittent leur domicile de Nkolbisson pour se rendre à Tsinga, assister à une conférence. Au lieudit Nkol-Bikok, ils descendent du taxi pour emprunter un autre. Le chef de famille se rend compte qu’il a un billet de dix mille Fcfa. Difficile de trouver un taximan qui peu accepter changer ce billet pour en prendre trois cent francs qu’il compte payer pour le trajet.
« Je me suis dirigé seulement vers un call boxeur et j’ai fait un retrait de 2000 Fcfa. Ils m’ont permis de payer le taxi, d’acheter une bouteille d’eau etc », raconte Awal. Comme lui, des Camerounais, par millions ont ouvert des comptes auprès des entreprises des téléphonies mobiles. « Mon compte Orange money est à la fois mon porte-monnaie, mais aussi mon compte bancaire. Je fais toutes mes transactions via ce compte. Avant, s’il faut envoyer 5000Fcfa à ma mère, ça fait une semaine pour qu’elle les touche. Maintenant, c’est une affaire de minute », explique, Jean Kalvin, maçon.
Cette façon de faire séduit finalement toutes les couches sociales. Selon nos confrères du Quotidien de l’Économie, depuis 2011, Orange et Mtn réalisent des chiffres importants. En cinq ans d’activités, le service «Orange Money» par exemple revendique plus de 2,8 millions de clients. Son réseau compte aujourd’hui 3600 points de vente au Cameroun. Et depuis le 6 décembre 2016, il a mis sur pied sa carte de paiement électronique «Visa Orange Money» qui coute 10 000 F.Cfa. Cette carte permet aux opérateurs d’obtenir des liquidités à tout moment dans n’importe quel guichet automatique de banque Visa au Cameroun.
Elle permet également de régler les achats dans tous les magasins et autres enseignes partenaires équipés d’un terminal électronique de paiement Visa, de jour comme de nuit. On se rappelle aussi que la Banque Internationale pour le Commerce, l’Épargne et le Crédit (Bicec), partenaire de Orange, avaient tablé sur un volume de transactions de 2 milliards de F.Cfa au bout de 5 ans. «Nous sommes aujourd’hui à 12 milliards de francs Cfa de monnaie électronique émise», disait-il en fin de l’année dernière Stéphane Huret, le Directeur Central de la Bicec.
Selon diverses sources, 2,6 millions de nos compatriotes utilisent le service Mtn Mobile Money dans notre pays. Pour conquérir plus des clients, Mtn signe en octobre dernier un partenariat avec WorldRemit, une firme britannique qui revendique le leadership mondial du transfert d’argent digital. «Les Camerounais expatriés peuvent ainsi, détaille un communique de l’entreprise, directement dans l’application mobile ou sur le site web de World Remit, envoyer de l’argent sur les téléphones portables de leurs proches ou amis vivant au Cameroun, et ce, de manière sécurisée ».
Cette ruée soulève un certain nombre de questionnements. D’abord est-ce que les entreprises de téléphonie mobiles ont vocation à mener cette activité ? Le débat n’est pas totalement évacué même si l’on sait que la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Beac) avait autorisé le transfert d’argent par le biais du téléphone portable au Cameroun. Dénommé « le mobile payement », le service est la traduction de l’accord d’exploitation attribué par la Banque centrale à la firme française Orange, avec pour partenaire bancaire, la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec).
« Il s’agit davantage d’un projet concernant plus une population non bancarisée », explique-t-on, ce qui « n’impose pas forcément l’ouverture d’un compte bancaire », ont indiqué les deux partenaires. D’après les termes de l’accord, la Beac autorise la société Orange, non seulement le transfert d’argent via le mobile, mais également d’autres services tels que le paiement des factures d’électricité. D’après la Beac, il y a un projet visant l’harmonisation du transfert d’argent électronique pour l’ensemble des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
L’autre problème, c’est la mort programmée des entreprises comme Express union, leader pendant des années dans le transfert d’argent. Des milliers de jeunes Camerounais y sont employés. Que vont-ils devenir au moment où l’entreprise a du mal à s’adapter à cette nouvelle donne. Des licenciements ne sont pas à exclure. Il est vrai que l’on observe des kiosques Express union dans certaines rues, mais la réponse est timide. Cette ruée est donc une menace pour certains emplois. Un débat sur la sécurité de ces transactions se pose aussi, mais aussi des rumeurs. « Breaking news : Si vous avez de l’argent à Orange money veuillez vider vos comptes. L’Etat a autorisé de fermer les comptes orange money-system.
Faites circuler et sauvez les Avc ». Ce message est partagé en boule sur les réseaux sociaux. Orange a été obligé de réagir en envoyant des messages à ses abonnés. « Cher client, de fausses informations sur la fermeture des comptes Orange Money circulent. Veuillez les ignorer et effectuer vos transactions en toute sécurité ». La même ruée est observée en Afrique de l’Ouest. Sauf que la bas, la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Bceao) vient d’interdire les transferts de fonds entre les pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et la France via la société de téléphonie Orange. C’est le cas du Mali, membre de l’Uemoa.
La Bceao argumente que le service Orange Money est autorisé dans et entre les pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Mais la société Orange n’a pas de licence pour faire ou recevoir des transferts internationaux, notamment de la France. Un cadre de la Bceao explique à nos confrères de Rfi qu'un opérateur, émetteur de monnaie électronique, est différent d’une banque autorisée à effectuer des transferts internationaux. Après la suspension de ce service, des propriétaires de kiosques de transfert se plaignent. Le service suspendu entraîne un manque à gagner. Les citoyens également recevaient par ce canal de l’argent de la très active diaspora malienne en France.