A l’issue d’un colloque organisé à l’Iric, ils ont appelé les autres pays de l’Afrique centrale à rejoindre Yaoundé dans son accord bilatéral avec l’Union européenne.
«Les participants invitent les autres Etats à se joindre au Cameroun dans la signature de cet accord.»; «Les participants soutiennent l’Etat du Cameroun dans son choix.»: voilà respectivement et en intégralité la troisième recommandation et la première résolution du colloque organisé ces 12 et 13 décembre par le Département de l’intégration et de la coopération pour le développement de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) sur le thème «les enjeux de l’intégration en Afrique centrale au miroir de la signature des APE entre le Cameroun et l’Union européenne dans un contexte de mondialisation: vers de nécessaires réformes».
Le ministère camerounais de l’Economie, de la Planification et de l’aménagement du territoire, qui assurait «le haut patronage» de l’évènement, ne pouvait rêver d’un meilleur soutien au moment où l’acte posé par Yaoundé (la conclusion et mise en œuvre en solitaire d’un Accord de partenariat économique [APE] avec l’Union européenne [UE]) n’est plus qu’une menace mais désormais un coup de boutoir sur le processus d’intégration régionale en Afrique centrale. Depuis le 04 août 2016 en effet, la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) n’est plus une union douanière.
Avec le début du démantèlement des barrières douanières sur les importations du Cameroun en provenance de l’UE intervenu à cette date, tous les pays de la Cemac n’ont plus la même politique commerciale vis-à-vis des tiers. Ce qui se traduit par exemple par l’existence de deux tarifs extérieurs communs (le Tec Cameroun et le Tec Cemac). L’application d’une politique commerciale commune est pourtant le socle granitique sur lequel repose une union douanière.
Le pire c’est que, cette situation que l’on pensait passagère risque de s’éterniser. Il est clair depuis le 27 octobre que la conclusion d’un APE régional avec l’UE, l’option la plus consensuelle pour remédier au problème, n’est plus d’actualité. A cette date, Bruxelles a signifié à la Commission de la Cemac, comme elle l’avait déjà faite dans une précédente lettre datée du 19 juillet dernier, que ses services sont à sa disposition pour étudier «les modalités d’adhésion à l’accord d’étape qui est mis en œuvre actuellement entre l’UE et le Cameroun».
Pour l’union, «il ne peut s’agir par conséquent de relancer les négociations régionales interrompues en 2011 et en particulier de discuter le texte d’un nouvel accord.» Aussi pour sauver l’union douanière, l’un des plus grand acquis de l’intégration en Afrique centrale, il ne reste plus qu’une option: convaincre les autres pays de la communauté d’adhérer à l’APE conclu entre le Cameroun et l’UE. Et dans ce sens les conclusions du colloque de la semaine dernière sont sans doute appréciées par les autorités camerounaises, pour ne pas dire plus. Mais les autres pays de la sous-région n’aimeront pas.
Car les universitaires camerounais leur demandent de faire ce que leur propre pays a refusé de faire à savoir sacrifier ses intérêts au profit de l’intégration. Pour justifier son choix, le Cameroun a en effet prétexté la sauvegarde de son accès au marché européen en franchise de droits de douane. Les pays comme le Tchad, la République Centrafricaine et la Guinée équatoriale qui ont déjà libre accès au marché européen en dehors d’un APE pourraient donc eux aussi rétorquer qu’ils ne vont pas adhérer à l’APE du Cameroun juste pour sauver l’intégration régionale. Les discours à la fois officiel et officieux des autorités de ces pays semblent d’ailleurs valider cette posture.
D’ailleurs lors de la 42ème session du Comité régional de coordination des négociations de l’APE entre l’Afrique centrale et l’UE qui s’est déroulé du 21 au 25 novembre 2016 à Yaoundé, il a été recommandé qu’une réflexion soit conduite en vue d’arrêter «les actions à mener pour renforcer les capacités des services de contrôle aux frontières, pour une meilleure application des règles d’origine et l’effectivité de la libre pratique.»
Au cours de la même réunion, indique Achille Bassilekin III, le secrétaire général du ministère camerounais du Commerce, «Il était symptomatique de remarquer que certains des pays de l’Afrique centrale pensent qu’il serait peut être judicieux d’établir vis-à-vis du Cameroun une zone de libre-échange alors que le Cameroun fait partie de l’union douanière. Alors revenir sur la création d’une zone de libre-échange entre le Cameroun et certains de ces pays qui sont tous membres de la Cemac, reviendrait à ramer à contre-courant de la dynamique d’intégration régionale.» Autant dire que le processus d’intégration est dans l’impasse en Afrique centrale.