Telle est la question à laquelle la firme spécialisée en conseil Prescriptor a tenté de répondre, dans un rapport présenté le 16 février 2016 à Libreville
Le Cameroun a-t-il fait le bon choix en signant l’accord d’étape vers un Accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne ? La firme en conseil Presciptor a tenté de répondre à cette question à travers son rapport « Le Cameroun face à l’Accord de partenariat économique avec l’Union européenne : menace ou opportunité », présenté le 16 février dernier à Libreville.
Relevant avant tout que l’UE a actionné ses outils et techniques de pression pour parvenir à arracher la signature du Cameroun, Thomas Babissakana a évoqué les attentes des acteurs locaux. « L’APE vise essentiellement le libre-échange des marchandises, même si les investissements liés au commerce peuvent être abordés (…) L’APE étant un accord commercial, il n’a pas vocation à traiter réellement et efficacement des questions relatives à l’accroissement des flux des investissements dont le rôle est primordial pour les transformations économiques structurelles et le développement des capacités productrices», a-t-il lancé.
Selon lui, il apparaît clairement que « les avis de la société civile et du secteur privé camerounais n’ont pas véritablement été considérés (…)».
« Il semble donc que la décision du gouvernement a été prioritairement commandée par des calculs et des motivations politiques», a-t-il avancé, avant de soutenir qu’aucune étude crédible ne semble savoir été réalisée, évoquant les effets de l’APE sur le commerce. «Au Cameroun, la création de commerce a 91% du total de la hausse des importations camerounaises de l’UE et dépasse largement l’effet de détournement (9%), entrainant une expansion substantielle du déficit commercial », a-t-il laissé entendre.
L’APE est également source de pertes pour l’économie camerounaise avec des effets de détournement du commerce ou encore de creusement du déficit de la balance commerciale.
« Les produits agroalimentaires pour lesquels le Cameroun n’a aucun avantage comparatif, les subventions agricoles européennes étant très présentes et leur niveau de maîtrise technologique étant plus élevé », a-t-il expliqué. A ces effets s’ajoutent l’éviction des productions nationales, la perte de recettes douanières, etc.
Thomas Babissakana a également noté un impact prévisible sur le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale. « Le gouvernement camerounais ne nous semble pas avoir réalisé d’étude crédible sur l’impact de l’APE sur le respect des droits de l’Homme en liaison avec la liberté et la justice », a-t-il affirmé, déduisant : « La viabilité économique et sociale de l’APE intérimaire signé et ratifié n’est ni établie ni prévisible pour le Cameroun (…) En conséquence, du point de vue arithmétique, les menaces et impacts négatifs prévisibles de l’APE apparaissent largement plus importants que ses opportunités et impacts positifs anticipés, aussi bien sur les plans économique, social et de l’intégration sous-régionale ». « La dimension sociale, qui est pourtant la finalité des politiques publiques, a été largement marginalisée dans les priorités d’études et analyses faites », a-t-il poursuivi.
Autant d’éléments qui ont conduit Thomas Babissakana a formuler plusieurs recommandations pour un accord équitable et bénéfique pour le Cameroun : appliquer le régime commercial du système de préférences généralisées de l’UE en cas d’échec de la signature de l’APE ; restaurer les bonnes pratiques de gouvernance] des affaires publiques en effectuant des b analyses appropriées d’impact et de viabilité économique et sociale comme bases crédibles de décision et de dialogue ; effectuer une évaluation complète de la viabilité économique ; mener une étude d’évaluation de la viabilité sociale ; réaliser une étude d’évaluation des alternatives à l’APE dans une perspective d’intégration régionale.
Par ailleurs, l’expert financier a conseillé au Gabon de s’inspirer de l’expérience camerounaise avant de signer l’APE, dont l’échéance est prévue en août prochain.