La population camerounaise étant en majorité agricole, les pouvoirs publics ne lésinent sur aucun moyen pour faire de ce secteur un véritable levier de développement socioéconomique du pays. Pour ce faire, l’Institut de recherche agricole pour le développement (Irad) est mis en place en 1996. Depuis sa mise en branle, pour assurer la sécurité et l’autosuffisance alimentaires, la recherche porte davantage sur des céréales, des fruits, des légumineuses et des maraîchères, des plantes industrielles et stimulantes, des produits de transformation, des tubercules, l’élevage et la pêche et des produits forestiers.
#RechercheAgricole Au fil des ans, l’institut que dirige le docteur Woin Noé engrange les lauriers. Les plus récents, obtenus à l’international, récompensent ses efforts dans l’amélioration des variétés de manioc 8034, de sorgho Cs54, de maïs Coca Sr et de patate douce Tlb1. En effet, ces quatre variétés végétales ont reçu des médailles d’or, au cours de la 44è édition du Salon international d’inventions à Genève (Suisse), en avril dernier. Le 10 mai à Yaoundé, la ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation, le Dr. Madeleine Tchuente, a présenté ces différents prix aux médias nationaux, en présence des chercheurs de l’Irad dont son ministère assure la tutelle.
Au lendemain de la célébration de ce sacre homérique, le bihebdomadaire La Météo est allée à la rencontre des responsables de la pépinière des semences améliorées de Nkolbisson (Yaoundé) pour s’enquérir, d’une part, sur l’impact des variétés végétales ayant fait hisser haut le drapeau du Cameroun à l’étranger. Et d’autre part, sur d’autres productions. D’autant plus que dans son discours d’ouverture du Comice agropastoral d’Ébolowa en 2011, le président Paul Biya recommandait aux Camerounais «de consommer ce qu’ils produisent et de produire ce qu’ils consomment». Bien plus, le chef de l’État soutient : «Toute politique d'amélioration des conditions de vie de la population passe par l'augmentation de la productivité agricole.»
Créé par décret présidentiel n° 96/050 du 12 mars 1996 et réorganisé par le décret n° 2002/230 du 6 septembre 2002, l’Institut de recherche agricole pour le développement est un établissement public administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Placé sous la double tutelle technique du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation et financière du ministère des Finances (Minfi), l’Irad est chargé de mettre au point une programmation scientifique autour des axes prioritaires pour le développement du pays, à partir des besoins réels des utilisateurs, tant sur le plan national que dans chacune des zones agro-écologiques, d’assurer la gestion durable des ressources naturelles et la conservation de l’environnement, de favoriser la valorisation et mettre à la disposition des utilisateurs des données technologiques répondant à leurs besoins et de générer toutes les informations ayant un impact sur le développement agricole. Ses principales missions sont : la réponse aux préoccupations des acteurs du développement (agriculteurs, éleveurs, transformateurs des produits agricoles, forestiers et d’élevage, commerçants) ; la promotion du développement agricole dans les domaines des productions végétales, animales, halieutiques, fauniques, forestières et de l’environnement ; et la mise au point des innovations technologiques agro-alimentaires et agro-industrielles.
Depuis sa création, à la suite de la fusion de l’Institut de la recherche agronomique (Ira) et de l’Institut de recherches zootechniques et vétérinaires (Irzv), l’Irad ne ménage visiblement aucun effort pour trouver des voies et moyens susceptibles de booster la productivité agricole nationale. Ce d’autant plus que le pays de Paul Biya, de par son potentiel agricole avec des terres arables, s’affiche comme le grenier alimentaire de bon nombre d’États de la sous-région. L’Irad dispose de 5 centres régionaux de recherche répartis dans les 5 grandes zones agro-écologiques, de 4 centres spécialisés de recherche à vocation régionale et internationale, de 15 stations polyvalentes, de 5 stations spécialisées dont 3 à vocation régionale et internationale, de 33 antennes de recherche, et de 10 laboratoires d’envergure régionale. Et c’est visiblement fort de sa dimension en matière de recherche (agricole) au Cameroun que la ministre Madeleine Tchuinté a entamé sa tournée dans les différents instituts sous sa tutelle par l’Irad, le 22 avril dernier. Une étape couronnée par la réception de 19 véhicules tout-terrain sur financement du Contrat de désendettement et développement (C2d)/Programme d’appui à la recherche (Par).
En effet, du 13 au 17 avril dernier, l’Irad a pris part à la 44è édition du Salon international des inventions de Genève, solennité placée sous le quadruple patronage de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), du gouvernement Suisse, de l’État et de la ville de Genève. Une manifestation annuelle d’envergure mondiale dédiée exclusivement à l’invention. Parmi les 695 exposants qui ont pris part à ces assises promouvant une saine émulation des chercheurs venus des quatre coins de la planète, l’Irad, le fleuron camerounais en matière de recherche agricole pour le développement s’est particulièrement distingué en remportant 4 précieuses médailles en or. Les variétés végétales primées ont pour caractéristiques communes : leur capacité d’adaptation à diverses écologies et leur résistance aux maladies, leur potentiel élevé de rendement à l’hectare, leur capacité à répondre au besoin alimentaire humain, animal et industriel.
Des spéculations faisant partie du patrimoine de l’Irad qui s’est enrichi en 2012 de 17 certificats d’obtentions végétales, délivrés par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi) dont 10 variétés de céréales, 3 variétés de légumineuses, 4 variétés de tubercules, et 1 brevet sur une formule de biscuits à base de riz. Il s’agit des variétés qui sont le fruit d’un travail ardu, savamment mené par les équipes de chercheurs du terroir, grâce à l’appui constant du gouvernement et de l’accompagnement de plusieurs partenaires au développement à l’instar de l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), l’Agence française de développement (Afd). Bonne option pour l’émergence agricole du Cameroun !
Le sorgho de variété Cs54
La céréale développée par les chercheurs de l’Institut de recherche agricole pour le développement, est l’une des obtentions végétales ayant décroché la médaille d’or au cours du Salon international des inventions de Genève (Suisse), du 13 au 17 avril dernier. D’après les responsables de la structure qui a son siège au quartier Nkolbisson à Yaoundé, le sorgho Cs54 primé au cours du challenge des inventeurs de Suisse est «un aliment de base des populations des régions du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun, correspondant au type de climat soudano-sahélien d’Afrique, caractérisé par une pluviosité annuelle très irrégulière (soit 400 à 1200 mm par an) et une période de sécheresse très rude». Parmi plusieurs autres variétés développées par l’Irad (principal bras séculier du gouvernement en matière de recherche agricole), le sorgho Cs54 a bénéficié d’un certificat d’obtention végétale valide de 16 ans en 2012. Un sésame délivré par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi).
Et grâce à cette variété potentiellement productive, les chercheurs soutiennent que «les superficies ensemencées ont considérablement augmenté dans les deux régions susmentionnées, au point d’occuper aujourd’hui 33% environ des surfaces cultivables». Pour ses rendements hautement élevés (3 à 4 tonnes par hectare) avec un cycle de maturité de 90 jours, d’après un spécialiste : «le sorgho Cs54 a permis d’atténuer considérablement les crises récurrentes de famine et d’améliorer les revenus d’environ 600 000 ménages paysans». Ajoute-on que «sa tolérance aux stress biotique et abiotique est précoce». En rappel, la production en moyenne du sorgho au Cameroun est de 1 500 000 tonnes par an, avec un rendement moyen de 1,2 tonne par hectare et des superficies annuelles variant entre 1 200 000 hectares et 1 300 000 hectares.
Le manioc de variété 8034
De son nom scientifique manihotesculenta, le manioc 8034 qui a également valu la médaille à l’Institut de recherche agricole pour le développement, au cours du Salon international des inventions de Genève, est d’une adaptabilité facile aux différentes zones agro-écologiques du Cameroun, à savoir : la zone forestière mono-modale, la zone forestière bi-modale, la zone des hauts plateaux, la zone des hautes savanes et la zone soudano-sahélienne. Les chercheurs de l’Irad rassurent : «Même sur les sols pauvres, le manioc 8034 donne des rendements raisonnables. Il résiste à la sécheresse, ce qui fait de lui une denrée propice en périodes de sécheresses et de famines». Le cycle végétatif de cette variété améliorée (dont la culture est généralement associée à l’arachide et autres) est de «9 à 12 mois, pour un rendement de 30 à 40 tonnes par hectare». Cultivé en boutures pour une densité de 10 000 plants par hectare, le manioc médaillé d’or de Genève résiste à la plupart des maladies. De couleur de la chair blanche, cette variété est appropriée à la transformation pour l’obtention de l’amidon, du gari, de farine de couscous…
Pour mémoire, au Cameroun, le manioc est particulièrement cultivé dans la zone agro-écologique de forêt humide (Centre, Sud, Est, Ouest) avec une production annuelle estimée à 4,5 millions de tonnes pour 21.500 hectares. Et plus de 70% de cette production provient des petits exploitants qui utilisent des variétés traditionnelles et obtiennent moins de 10 tonnes à l’hectare.
Le maïs de variété Coca Sr
De son nom scientifique Zea mays L., le maïs Coca Sr qui a honoré le Cameroun, à travers l’Institut de recherche agricole pour le développement, au Salon international des inventions de Genève, est une variété très sollicitée en raison de son potentiel de rendement : 5 à 6 tonnes à l’hectare, avec un cycle de maturité de 130 à 140 jours. Bien plus, d’après les experts de l’Irad, «le maïs Coca Sr résiste davantage aux stress biotiques, notamment sa tolérante aux maladies foliaires d'altitude et à la striure».
Cette céréale est utilisée dans l’alimentation humaine (épis rôtis ou bouillis, mets locaux tels que le ‘’Sanga’’ chez les Beti, bouillies, beignets, biscuits…), animale (provende pour volaille, porcs…) et dans l’industrie (fabrication de bières, de la pâte à papier, de l’amidon et de l’huile). La zone agro-écologique de prédilection de cette céréale au Cameroun est les Hauts-plateaux de l’Ouest et du Nord-Ouest.
Il est à relever que Dr. The Charles (de regretté mémoire) a développé une vingtaine de variétés de maïs composites/synthétiques, ainsi qu’une multitude de lignées pures qui, en combinaison, ont permis de mettre au point une dizaine de variétés hybrides de maïs à haut rendement, tolérantes aux stress et adaptées aux diverses zones agro-écologiques du Cameroun. Certaines de ces variétés font aujourd’hui le bonheur des agriculteurs au Ghana, au Tchad, en République Centrafricaine (Rca), en Guinée Équatoriale et au Gabon. Les fruits de sa recherche ont contribué à l’augmentation de la production nationale du maïs qui est passée de 450 000 tonnes en 1984 à environ 1 200 000 tonnes en 2010.
La patate douce variété TIb1
De son nom scientifique Ipomoea batatas, la patate douce TIb1 qui a aussi hissé le drapeau du Cameroun à la première marche du podium du Salon international des inventions à Genève en avril dernier est, selon les as de la recherche de l’Irad, le quatrième tubercule utilisé pour la nutrition humaine, animale et la pâtisserie. D’un cycle de maturité qui oscille entre 120 et 150 jours, la variété de patate douce TIb1 donne un rendement de 15 à 20 tonnes par hectare.
Les tubercules de cette culture sont consommés diversement : cuites, grillées, frites, comme croustilles ou pomme de terre purée. Sa farine est de plus en plus utilisée en boulangerie pour la fabrication des gâteaux, du pain et des biscuits. Ses feuilles se consomment à la manière des épinards Et ses racines sont utilisées dans l’élevage. Il est à relever que dans les pays développés, la patate douce est utilisée dans la production du biocarburant.