Le Cameroun traverse un moment tumultueux, en ce qui concerne l’économie nationale et la situation sociopolitique. La guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO), les scandales de corruption, de vol et de détournements de fonds, la mauvaise gestion, la dictature et d’autres maux sociaux sont des facteurs qui retardent l’émergence du pays.
Plusieurs personnes sont inquiètes quant à l’avenir du pays qui s’obscurcit. L’avocat au barreau de Paris Me Christian Bomo Ntimbane est de ceux-là. Il a écrit un texte publié sur les réseaux sociaux lundi le 05 décembre 2022 que la rédaction vous suggère de lire.
Alerte : la situation économique du Cameroun dégénère et vire au rouge
Le gouvernement avoue son incapacité à apporter des solutions. Je voudrais m'excuser auprès des lecteurs d'être assez long. Mais compte tenu de la gravité de la situation, cela s'avère nécessaire.
Un audio devenu viral sur WhatsApp depuis ce matin, fait entendre le ministre des Finances, lors de l'examen du budget 2023 du Cameroun.
Parlant au nom du gouvernement camerounais et non en son nom propre, ce ministre déclare que les recettes fiscales et douanières du Cameroun s'élèveraient en 2023 à quelques 3 000 milliards de francs CFA.
Mais que ces 3000 milliards vont simplement couvrir dans leur entièreté, les dépenses courantes de fonctionnement.
Il n'y aura donc pratiquement rien pour les investissements et le paiement de la dette surtout intérieure. Les prestataires de services de l'Etat, et autres créanciers de l'Etat comme les enseignants doivent bien se préparer à tirer le diable par la queue.
Cette déclaration fait froid au dos et doit sérieusement inquiéter les camerounais. En effet, en 2023, l'argent collecté permettra essentiellement de payer les fonctionnaires, les militaires, les dépenses militaires, les achats de voitures administratives, le carburant des administrations...
Il n'y aura pratiquement rien pour l'investissement public surtout productif (industries). Bref le développement du Cameroun sera davantage mis entre parenthèses. Cette situation était prévisible depuis des années, au vu des orientations budgétaires sur les dépenses de l'Etat.
Aucune véritable politique d'investissement productif capable de générer de ressources n'a été mise en place depuis 2006, année de l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE.
On se souvient encore des lancements d'alerte de feu l'économiste Christian Penda Ekoko ou encore de Dieudonné Essomba.
Le Cameroun s'est contenté de recourir à l'endettement extérieur pour financer les dépenses courantes de l'Etat ou alors des infrastructures qui interrogent jusqu'à présent sur leur fiabilité économique.
La Banque africaine de développement (BAD) qui est l'outil panafricain pour le financement du développement en relation avec l'Union africaine (UA) et l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) a produit le 24 novembre dernier, alors que les Camerounais étaient plongés dans l'ambiance de la Coupe du monde, un classement sur le faible niveau d'industrialisation du Cameroun.
Malgré ses énormes potentialités, notre pays est classé 24ème derrière le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Congo. Une inquiétante dégringolade par rapport à son rang dans les années 80, où il trônait parmi les premiers pays les plus industrialisés d'Afrique.
Ce classement très peu honorable, interroge une fois de plus, sur l'aboutissement de tous ces projets structurants annoncés en grande pompe lors des campagnes présidentielles du RDPC : "Grandes ambitions, grandes réalisations...".
C'est la preuve aussi que l'important endettement du Cameroun qui se chiffre à 12 000 milliards en juin 2022, selon le dernier rapport de la Caisse autonome d'amortissement, n'aura pas servi à doter le Cameroun d'outils de production.
Ce qui permet de dire que l'endettement du Cameroun est improductif. Car la dette doit pouvoir créer et générer des activités qui la remboursent. A quoi, donc aura véritablement servi toutes ces dettes, ces emprunts qui auraient dû soutenir le développement industriel du Cameroun ?
Lors des questions au gouvernement, le député PCRN l'honorable Cabral Libii avait posé, une question essentielle, mais volontairement restée sans réponse, sur la part de l'investissement productif sur le budget et l'endettement du Cameroun.
Que met le Cameroun comme argent pour son industrialisation ? Même les infrastructures tels que les barrages hydroélectriques, les autoroutes et routes sont inachevés et en deçà de leurs attentes de productivité. C'est le cas des projets "endettivores" du barrage de Meemvele ou de l'autoroute Douala – Yaoundé.
La conséquence de cette politique économique tatillonne, est qu'il n’y a pas d’industries, et plus globalement pas d'activités dans le secteur des investissements productifs à grande échelle pouvant impacter la croissance de l'économie Camerounaise.
Pour rappel, ce sont les investissements productifs qui créent la richesse, boostent la croissance et génèrent les emplois dans un pays. Ce sont aussi les rendements des investissements productifs directs qui permettent de rembourser les dettes.
Or l'absence d'investissements productifs, oblige le Cameroun à rembourser sa dette :
- En s’endettant encore plus lourdement, pour payer ses dettes. C'est ce qu'on appelle le refinancement. C'est qui s'est passé en 2021 avec le dernier eurobonds de 450 milliards de francs CFA, qui est un emprunt obligataire à l’international, qui avait permis de rembourser un autre eurobonds de 2015.
- En procédant à l'augmentation des impôts et taxes.
Conséquence, c'est le petit peuple, privé déjà des conditions existentielles minimales de vie qui est appelé à rembourser la dette improductive contractée par le gouvernement. D'où cette folle augmentation des impôts qui a cours avec la loi de finances 2023.
Et pourtant, dans leur propre SND30 et bien avant le DSCE, ils avaient pourtant inscrit les investissements productifs et particulièrement l'industrialisation notamment par la transformation de nos matières premières comme priorités.
Et comment parvenir à une industrialisation du Cameroun donc de l'investissement productif quand par exemple, la loi minière ne réserve que 15% de nos ressources minières pour la transformation locale ?
Tous les experts industriels sont unanimes à dire que ces 15% réservés à l'industrie locale ne peuvent pas permettre de développer le secteur industriel d'un pays, qui a véritablement des ambitions d'industrialisation.
C'est le cas aussi avec l'industrie forestière. Après avoir pris des lois et même des règlements au niveau communautaire, le Cameroun continue d'exporter les billes de bois, alors que celles- ci transformées localement aurait créé des industries génératrices de revenus et créatrices d'emplois.
De même en matière de pêche, le Cameroun ne dispose pas d'industries halieutiques permettant de pêcher le poisson sur ses cotes maritimes. Ce qui aurait par ailleurs éviter des importations de poissons qui creusent davantage le déficit en devises.
Selon un récent reportage d'une chaîne de télévision belge, plus de 100 navires étrangers battant faussement pavillon Cameroun, pêchent sur les côtes camerounaises, après avoir obtenu des permis de pêche de façade des autorités camerounaises.
Tout ce poisson est vendu à l'extérieur et ces bateaux de pêches emploient essentiellement des étrangers. Le ministre des Finances a par ailleurs évoqué l'exemple des prix en augmentation du prix du clinker qui est la matière première qui permet la fabrication des ciments.
Comment peut- on admettre que le Cameroun soit encore obligé d'importer du clinker alors que cette matière se trouve en abondance à Guider ?
Il suffit juste de créer une usine de Clinker à cet endroit pour alimenter les différentes cimenteries du pays. Avec ces quelques exemples, le régime RDPC montre qu'il n'a aucune intention d'industrialiser ou de favoriser l'investissement productif au Cameroun.
Pour le démentir, le code minier du Cameroun doit donc être révisé sur le quota des 15% de ressources minières réservées aux industries locales, l'interdiction d'exportation des billes de bois doit être mise en application, ainsi que les créations de sociétés camerounaises de pêche et de fabrication de clinker à Guider.
Même au niveau de la SNH qui gère nos ressources d’hydrocarbures, des informations font état de ce que le Cameroun est en négociation avec la Guinée Equatoriale pour y exporter nos ressources gazières pour leur transformation industrielle en Guinée Equatoriale.
Comment peut- on aller développer l'industrie de Guinée Equatoriale en lieu place de celle du Cameroun ? Une telle entreprise est un acte de haute trahison. Elle doit être stoppée.
Où est la préférence nationale dans tout ça ? Les jeunes camerounais ont besoin d'emplois et c'est au Cameroun qu'ils doivent trouver des industries qui les emploieraient.
Aussi, relativement à la somme de 800 milliards de subventions annuelles de carburant que le gouvernement se targue de supporter pour éviter des augmentations à la pompe, pourquoi ne pas s'endetter pour construire et doter le Cameroun d'une raffinerie qui traitera son propre pétrole ?
Qu'est- ce qui peut bien, autrement justifier le maintien des importations des pétroles raffinés ou à raffiner, si ce n'est des captations de commissions, par quelques intervenants et acteurs tapis dans la haute administration ?
Et Dieu seul sait combien les commissions sur le trading des produits pétroliers sont juteuses. Néanmoins, vu l’urgence, le gouvernement doit se ressaisir en suivant les propositions suivantes :
1- Elaborer un plan Marshall de son industrialisation au- delà des prévisions éparses, non modélisées contenues dans le SND30.
2- Créer en urgence une Agence de l'investissement productif au Cameroun, non soumise aux tutelles alourdissantes de la Présidence et des ministères.
Ce doit être une structure autonome bénéficiant d'une part, de la garantie souveraine de l'Etat pour lui permettre d'obtenir des emprunts extérieurs pour les projets, et d'autre part, que la moitié du budget d'investissement public du Cameroun lui soit allouée pour qu'elle puisse l'affecter aux secteurs industriels productifs en relation avec les investisseurs privés.
Cette structure doit avoir à sa tête un expert privé, tenu aux résultats et, doté des compétences avérées en montages de projets.
Elle sera en outre, l'interlocutrice opérationnelle de tous les porteurs de projets industriels nationaux, qu'elle accompagnera.
3- Lancer le démarrage effectif de la Caisse des Dépôts et Consignations pourtant créée depuis 2007, et dont j'ai personnellement participé en 2001 en tant qu'Avocat à la rédaction des versions No1 des projets de lois et de décrets portant respectivement régime des consignations, dépôts et des titres au Cameroun et création de la Caisse de dépôts de consignations et des titres.
Cette structure que les réseaux de banques classiques, qui continuent de gérer illégalement les dépôts et consignations, bloquent l’avènement, au travers de petites mains corrompues de l'administration, permettra de booster le développement comme elle le fait dans des pays comme le Maroc.
4- Modifier le code minier et augmenter de 50% les réserves minières destinées aux industries locales.
C'est par exemple le cas de la convention minière sur le fer de Lobe – Kribi qui réserve 15% à l'industrie locale et que nous avons toujours présenté comme le projet phare du développement du Cameroun, mais bradé à une société qui ne fera qu'exporter le minerai au détriment de l'industrie métallurgique locale.