Comme c’est toujours le cas, c’est en grande pompe que le projet de construction du barrage hydroélectrique de Mekin a été annoncé. Situé dans la région du Sud du Cameroun, il devait renforcer le réseau électrique interconnecté Sud grâce à une capacité attendue de 15 mégawatts. Seulement aujourd’hui et de l’avis de nombreux observateurs, ce projet qui était censé alimenter en priorité le village de Mvomeka’a, terre natale du président Paul Biya, ainsi que plusieurs localités du département du Dja-etLobo a tôt fait d’apparaitre comme un gros éléphant blanc.
Selon nos sources, initialement évalués à 25 milliards de Fcfa, les travaux de construction du barrage de Mekin à l’instar de nombreux projets ont finalement coûté 34,5 milliards de Fcfa. De l’avis des experts, ce surcoût de près de 10 milliards s’explique non seulement par une mauvaise planification et une gestion approximative, caractéristiques des grands projets d’infrastructure au Cameroun, mais également par une recherche effrénée de gain, pour ne pas en dire plus. Prévu pour être réceptionné en 2015, le barrage n’a été provisoirement mis en service qu’en juillet 2019, avec une puissance réduite de 11,2 mégawatts, bien en deçà des attentes initiales. La situation s’est aggravée lorsque, indiquent nos sources, quelques mois après sa mise en service. Contre toute attente, le barrage a cessé de fonctionner suite à une inondation inattendue qui a submergé les pompes à eau. Cet incident a suscité l’indignation de nombreux observateurs, qui soulignent l’ironie de voir une infrastructure conçue pour fonctionner dans l’eau être paralysée par celle-ci.
« Un barrage est conçu pour fonctionner dans l’eau, pas pour être noyé par elle », a dénoncé par exemple Me Sikati dans une tribune publiée par le quotidien La nouvelle Expression. Le barrage de Mekin, construit par une firme chinoise reconnue pour ses réalisations dans des pays comme la Thaïlande et le Kirghizistan, est devenu le symbole de l’incapacité du gouvernement camerounais à offrir des infrastructures de qualité dans les délais. Cette situation reflète un dysfonctionnement systémique, où les projets sont mal planifiés, surcoûtés et, au final, non fonctionnels. L’entreprise chinoise, pourtant réputée pour ses succès à l’international, s’est fourvoyée au Cameroun, illustrant la difficulté de travailler dans un environnement marqué par une gouvernance inefficace et une absence de rigueur.
De l’avis de nos mêmes observateurs, le cas de Mekin n’est pas isolé. il met en lumière un problème plus vaste concernant l’incapacité du Cameroun à développer des infrastructures énergétiques fiables, malgré les immenses besoins du pays. Le retard chronique dans l’exécution des projets, la mauvaise gestion des fonds publics et l’absence de transparence continuent de plomber le secteur énergétique. Au-delà de l’inondation accidentelle, ce scandale met en cause la responsabilité des autorités camerounaises dans la mise en œuvre de projets stratégiques, montrant leur incapacité à garantir des infrastructures de qualité, malgré les investissements massifs.
Ce fiasco énergétique illustre un échec à la fois technique, administratif et politique, qui pénalise non seulement les bénéficiaires locaux, mais l’ensemble du réseau énergétique national. Du coup estiment quelques analystes pointilleux, le scandale du barrage de Mekin invite à une profonde remise en question de la manière dont les projets publics sont gérés au Cameroun. il est urgent de renforcer les mécanismes de suivi et d’évaluation des projets, d’améliorer la transparence dans l’attribution des marchés et de garantir la qualité des infrastructures livrées. Sans ces réformes, le Cameroun continuera à multiplier les éléphants blancs au lieu de concrétiser les promesses de développement dont le pays a désespérément besoin.