En attendant la loi de règlement 2015 l’année prochaine, qui validera les chiffres de cette année, l’exécution des Bip illustre les difficultés en perspective.
Le gouvernement a-t-il lancé un ouf de soulagement lors de l’adoption du projet de loi des finances 2016 à l’assemblée nationale il y a deux semaines ? L’exercice est devenu habituel. Celui de voir les députés commencer la session budgétaire sans avoir sur leurs tables le projet de loi des finances. Même pas un draft. Néanmoins, le ministre des Finances et celui de l’Economie ont fait des propositions de budget sur la base des simulations. Question « de voir les perspectives en termes de recettes. Si ces perspectives sont favorables, on voit également la fraction de la part du Produit intérieur brut (Pib) qu’on peut prélever de manière efficace pour construire le budget », pour reprendre l’économiste Dieudonné Essomba.
Des sources de réalisation de ce budget sont bien connues : recettes pétrolières, fiscales et douanières. D’autres apports rentrent en jeu. Notamment les prêts projets, les dons, les émissions de titres publics, les appuis budgétaires,
les réserves sur Eurobonds et les réserves sur privatisation. L’objectif affiché étant de réaliser une croissance, qui permettrait l’atteinte des promesses que le gouvernement, à travers son président fait aux Camerounais chaque fin d’année : création des emplois, lutte contre la précarité, amélioration des conditions de vie, notamment sur le plan social. Comment ne pas le relever en prime : la réalisation totale des projets structurants et du plan d’urgence triennal.
Mais, les contradicteurs du gouvernement estiment que ce budget est irréaliste. L’un des plus virulents étant Dieudonné Essomba. L’économiste, ancien fonctionnaire au ministère de l’Economie, du plan et de l’Aménagement du territoire écrit sur les réseaux sociaux que « le budget est surdimensionné, certainement pour des raisons politiques. On gonfle un budget qui ne correspond absolument à rien ». D’ailleurs, il rappelle les directives du fonds monétaire international, qui a demandé au Cameroun de faire des budgets réalistes. Son confrère Bernard Ouandji s’est inquiété du rythme effréné de l’endettement est a estimé que « le Cameroun courait tout droit vers une dévaluation de l’ordre de 30% et un nouveau Ppte; cette fois-là, c’est la Chine qui sera appelée à annuler le plus gros morceau de la dette extérieure », avait confié l’économiste à l’un de nos confrères.Les spécialistes ont identifié, à leur manière, les tares du budget du Cameroun. Notamment, la sous-consommation des crédits ainsi que la lenteur dans l’attribution des marchés et leur exécution.
Pour l’année 2016, le ministre des Marchés publics, Abba Sadou, a promis le 9 décembre dernier, à Douala, lors du séminaire de formation sur le système de passation électronique des marchés publics, que ces derniers seront désormais attribués plus rapidement. En 2013, par exemple, 6658 marchés publics ont été passés au Cameroun. Mais, combien ont-ils été réalisés ? Si oui, est-ce dans les temps requis ? En septembre dernier, presque tous les signaux étaient au rouge, avec des taux d’exécution des budgets d’investissement public (Bip) inférieur à 50%. Certains marchés n’avaient même pas encore été attribués.
La région du Littoral était à un taux de réalisation de 15% comme nous l’indiquions déjà dans une précédente édition dont la Une était titrée «Qu’est-ce qui coince ?» Dans le Centre, le taux était plus bas 10,27% de réalisation. Le ministre de l’Economie, Louis Paul Motaze déclarait alors, que vaut mieux financer dix projets qui peuvent être réalisés à temps que cent, qui ne peuvent pas l’être.
Les deux membres du gouvernement étant dans la même longueur d’ondes quant à la qualité et à la célérité, il reste encore un aléa : la guerre contre Boko Haram ou la baisse continue du prix du pétrole sur le marché mondial. Les moins tendres ajouteront le respect de la bonne gouvernance. Car, les classements Doing Business ou Transparency International ne sont pas toujours trop sévères. L’administration « publique » est pointée du doigt dans l’échec de l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement (Omd) définis par les Nations unies et arrivés à leur terme en avril dernier. Le Cameroun est vice-champion d’Afrique de la corruption. Même si certains correctifs ont été apportés quant à son vrai classement, il est clair qu’à la préparation du budget 2017, le gouvernement se retrouvera devant le même mur de lamentations. Même si, comme l’indique le budget attribué à chaque ministère, les ambitions sont réelles.