Dans son dernier ouvrage, Viviane Ondoua Biwolé fait une lecture critique de cet outil de gestion imposé par les bailleurs de fonds, et dont l’implémentation connait un échec à l’allumage sur le continent.
C’est (en principe) depuis le 1er janvier 2013, que le Cameroun a amorcé la phase opérationnelle du budget-programme ; trois ans après, cet outil de gestion, pourtant jugé efficace par les bailleurs de fonds, qui l’imposent aux Etats africains depuis près de 20 ans, semble confronté à d’énormes difficultés et contraintes dans son implémentation, en dépit du cadre juridique et institutionnel dont l’a entouré le législateur.
A la vérité, cet échec à l’allumage, ou du moins ce mauvais départ n’est pas l’apanage du Cameroun. L’ensemble (ou presque) des pays de l’Afrique au sud du Sahara ayant adopté cet outil censé asseoir la bonne gouvernance dans les Etats du continent semblent faire du surplace dans ce domaine, lorsqu’ils ne reculent pas tout simplement.
Dans son dernier ouvrage intitulé : « La budgétisation par programme en Afrique subsaharienne : Entre balbutiements et résistances », le Dr Viviane Ondoua Biwolé, chargée de cours à l’université de Yaoundé II et enseignante à l’Institut supérieur de management public (Ismp), fait une lecture critique de ce budget de programme et semble soutenir que l’Afrique, dont certains Etats s’apprêtent actuellement intégrer ce modèle de gouvernance, a fait preuve de naïveté en pensant que sa seule adoption suffisait pour obtenir de bons résultats sur le plan managérial.
En effet, l’auteure assimile la budgétisation par programme aux plans d’ajustements structurels imposés pendant la décennie 1990 aux Etats africains par le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale (Bm). « La transposition du budget de programme dans les pays africains, écrit Viviane Ondoua Biwolé, revoie à toutes ces réalités de transfert qui consistent à transposer des connaissances propres à un modèle ancien dans un nouvel environnement.
Ce qui suppose l’existence d’un modèle de référence considéré comme idéal ou ayant fait ses preuves dans d’autres environnements.» Elle identifie deux principales difficultés liées à cette transposition : premièrement, il y a les motivations et les modalités d’implémentation du budget de programme dans les pays africains laissent très peu de place à la réflexion endogène et à la popularisation du concept, des préalables qui rendraient pourtant le modèle adapté au contexte desdits pays ; la deuxième problématique est liée à la faiblesse juridique du contexte d’implémentation de ce budget de programme.
Etat de droit
« En effet, conçu dans cet ouvrage moins comme un outil budgétaire que comme un outil de gestion, c’est-à-dire un outil de politique publique dont l’objectif est de contribuer à l’atteinte des objectifs de développement, le budget de programme, du fait de ses vertus constitutives, devrait bénéficier d’un encadrement juridique adéquat », pense l’auteure.
Qui poursuit en expliquant que cet encadrement juridique pourrait notamment être « assuré par une force juridique en amont, soit parce qu’il intervient dans contexte où l’état de droit est une réalité. Ces conditions ne sont malheureusement pas toujours garanties dans les pays africains ».
Dans le premier chapitre de son opus, intitulé « Le budget de programme : une rationalité variable », Vivianne Ondoua Biwolé démontre que deux modalités ont émergé dans le transfert de cet instrument dans les pays africains : l’appropriation par coercition et l’appropriation par mimétisme. « Dans l’un et l’autre cas, il s’agit plus d’une obligation que d’un choix librement opéré par les Etats.
L’obligation est définie ici comme un devoir, une contrainte et, bien souvent, une conditionnalité en contrepartie d’une demande. Quant au mimétisme, il renvoie au mécanisme visant à copier un modèle, à dupliquer un outil ou une technique éprouvée résultant de bonnes pratiques », note-t-elle.
Le préfacier de cet ouvrage, le Pr Ndoume Essingone, en l’occurrence, pense qu’il ne suffit pas simplement d’annoncer le succès d’un outil pour qu’il produise ses effets. « Il importe, à sons sens, de le gérer afin que sa mise en œuvre soit effectivement productive.
A cet égard, l’instrument de gestion doit être pensé en lien avec le contexte, dans la phase de structuration, même, on en convient pour le budget de programme, il résulte souvent des prescriptions des bailleurs de fonds internationaux comme conditionnalités pour leur appui ». Pour mémoire, « La budgétisation par programme en Afrique subsaharienne : Entre balbutiements et résistances », est le troisième ouvrage du Dr Viviane Biwolé Ondoua, à côté de sa pléthore d’articles scientifiques.