Deux sorties, et non des moindres, auront suffi à braquer les regards sur lui. Le 13 mars, Célestin Kamanou Tawamba, 51 ans, représentait le Groupement interpatronal du Cameroun (GICAM) aux huitièmes assises du Cameroon Business Forum (CBF), le rendez-vous annuel entre le gouvernement et le secteur privé. Une semaine plus tard, Armel François, le président par intérim du principal syndicat patronal du pays, le désigne pour conduire la délégation des patrons devant accompagner le président Paul Biya en Italie, du 20 au 22 mars.
Spéculation
Il n’en a pas fallu plus pour que la machine à spéculer s’emballe et le désigne comme le potentiel successeur d’André Fotso, le précédent patron des patrons, décédé le 2 août 2016. « Le sujet n’est pas à l’ordre du jour et je n’en fais pas une préoccupation », se défend le fondateur du holding Cadyst Invest, qui regroupe quatre entreprises dans l’agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique. Il n’empêche que ses faits et gestes sont désormais scrutés dans le petit monde des affaires de Douala. À commencer par son retour au GICAM, une maison qu’il avait quittée en 2008 à la suite d’une élection perdue par la liste sur laquelle il figurait.
Atouts
Conduits par l’assureur Protais Ayangma, les vaincus vont fonder Entreprises du Cameroun (ECAM), un mouvement rival, et Célestin Tawamba en prendra la vice-présidence. Le 16 novembre 2016, il remet sa démission et, le 8 décembre suivant, sa présence est fort remarquée à l’assemblée générale du GICAM. « Il fait partie d’un groupe de personnes approchées pour en prendre la présidence », témoigne un patron. Un ancien cadre du syndicat patronal y voit plutôt une manœuvre des fidèles d’André Fotso. « Orphelins de leur champion, ils pensent que Célestin est capable de reprendre efficacement le flambeau », éclaire-t il.
Tawamba ne manque pas d’atouts. Sa faconde et son courage l’amènent souvent à des prises de position tranchées. Non encarté politiquement, il n’a cessé de pourfendre la manière dont le Cameroun a négocié les accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne. À la tête du Groupement d’industriels meuniers du Cameroun (GIMC), il a souvent ferraillé avec le gouvernement pour défendre les intérêts de cette filière. La mobilisation médiatique fait partie de ses armes. «Nul doute qu’à la tête du GICAM il disposera d’une tribune de choix pour inscrire ses préoccupations dans l’agenda public », analyse un bon connaisseur de l’organisation patronale.
Rapprochement
Mais cette fixation autour de sa personne fait sourire l’intéressé. « J’ai toujours milité pour l’unité à partir de laquelle nous aurons un patronat fort. J’ai pour cela œuvré, bien que sans succès, à un rapprochement entre GICAM et ECAM. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé ma demande d’inscription au GICAM dès 2015. Il s’avère que les soucis de santé du président Fotso n’ont pas permis d’accélérer les choses », relativise-t il. D’ailleurs, certains patrons ont un pied dans chacun des regroupements rivaux.
Sa cooptation – avec trois personnes, dont Emmanuel de Tailly, le patron des Brasseries du Cameroun – dans le conseil exécutif, le saint des saints du GICAM, deux mois à peine après son arrivée, en a conforté plus d’un sur ses véritables ambitions. Car il faut être membre de cette instance, qui peut accueillir dix-huit élus mais n’en compte actuellement que douze, pour postuler le moment venu à la présidence. Les prochaines entrées dans ce cénacle, avant le terme de l’actuelle mandature, dans deux ans, éclaireront sur les probables candidatures. Mais l’hypothèse d’une élection anticipée n’est pas exclue. Comme le dit ironiquement un observateur avisé?: « Qui dit que nous irons jusqu’à 2019?? »