Infos Business of Friday, 23 September 2022

Source: EcoMatin

Carburants toxiques : les mauvaises pratiques de Vitol, Trafigura, Glencore, Mercuria et Addax&Oryx

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Le ministre des Finances a procédé à la signature de la convention de restructuration de dette de la Sonara vis-à-vis de la société suisse Vitol, chef de file des neuf traders envers qui le raffineur camerounais détient une ardoise de 272 milliards de Fcfa. Mais cette signature reste hantée par des révélations de vente de fuel infecte à la consommation mises au goût du jour par une ONG suisse en 2016. Public Eye documente abondamment des accusations de mauvaises pratiques effectuées par nombre de traders de la raffinerie qui refourgue du carburant sale à leurs clients.


Hier, 22 septembre, a eu lieu à Douala, capitale économique, la signature de la convention entre le gouvernement et les traders de la Société nationale de raffinage (Sonara) dont les installations ont été incendiées le 31 mai 2019. En fait, le gouvernement a conclu un accord portant sur la restructuration de la dette de la Sonara vis-à-vis des traders que sont Vitol, Mercuria, Addax&Oryx, Gunvor, Glencore, Pstv et Trafigura. C’est avec Vitol, le plus gros créancier de la Sonara et chef de file des traders, que le projet de convention a été finalisé. Depuis 2021, il n’attendait plus que le quitus du Comité national de la dette publique ainsi que la lettre de confort élaborée pour sa signature.


À côté de ses sept traders, l’Etat doit également 98,3 milliards de FCFA à Petra et Sahara Energy. Au 31 décembre 2019, le montant cumulé de la dette conciliée de ces fournisseurs de pétrole brut et des produits pétroliers finis est évaluée à 272,7 milliards de FCFA. Seulement, parmi ces partenaires de la raffinerie, on retrouve des sociétés de négoce suisses, accusées depuis 2016 par l’ONG suisse Public Eye, d’exporter en Afrique, des carburants toxiques. Dans leurs rangs, on a Vitol, Addax & Oryx, Trafigura, Gunvor, Mercuria, et Glencore. Selon l’ONG helvétique, les sociétés Vitol, Trafigura et Addax & Oryx et Glencore « profitent » de la faiblesse des normes légales africaines pour y vendre des carburants de mauvaise qualité et « réaliser des profits au détriment de la santé de la population africaine ». En fait, assure l’ONG sur son site, «une enquête exclusive publiée en 2016 par Public Eye révèle comment les négociants suisses en matières premières profitent des faibles standards en Afrique pour vendre des carburants à haute teneur en soufre, interdits en Europe ».


Selon le rapport de l’ONG suisse, les normes en matière de carburants utilisées par ces six traders qui ont fourni des prestations à la Sonara et qui aujourd’hui vont être payées par l’Etat, sont nettement moins strictes qu’en Europe. Aussi Public Eye a-t-elle analysé des échantillons prélevés à la pompe dans huit pays. « Les résultats sont choquants : les carburants analysés présentaient jusqu’à 378 fois plus de soufre que la limite autorisée en Europe. Nous avons également décelé d’autres substances très nocives pour la santé, comme du benzène et des aromatiques polycycliques, à des niveaux interdits en Europe », révèle l’ONG.
«Notre enquête montre que les négociants suisses dominent le marché des carburants toxiques en Afrique. Vitol, Trafigura, Glencore et le groupe Addax & Oryx y ont acquis leurs propres réseaux de stations-service, ou sont impliqués dans la distribution des carburants. Ces sociétés selon Public Eye, ne se contentent pas de vendre des carburants toxiques : « elles fabriquent à dessein les mélanges de mauvaise qualité. Elles profitent de la faiblesse des standards africains pour maximiser leurs profits et n’ont donc aucun intérêt à ce que des normes plus strictes soient adoptées», explique l’ONG sur son site.
Résultat de trois ans d’enquête, le rapport « Dirty Diesel : How Swiss Traders Flood Africa with Toxic Fuels», rendu public en 2016 et 2021, a mis en lumière un modèle d’affaires qui n’était alors connu que des initiés. L’enquête de Public Eye révèle pour la première fois comment des négociants en matières premières profitent systématiquement de la faiblesse des standards en Afrique pour y vendre des carburants toxiques et réaliser des profits substantiels, au détriment de la santé des Africains et des Africaines. Ces sociétés produisent et livrent dans certains pays des carburants de mauvaise qualité qui ne pourraient jamais être commercialisés en Europe. Elles se rendent ainsi co-responsables de la mort prématurée de milliers de personnes.


Le rapport repris par plusieurs médias dont TV5 Monde ou encore Jeune Afrique, intitulé « Dirty Diesel », est le résultat de trois ans d’enquête selon Public Eye, pour qui « les négociants suisses inondent l’Afrique de carburants toxiques ». Certaines de ces sociétés ont acquis d’importants réseaux de stations-service en Afrique où ces carburants sont vendus. Public Eye selon les médias occidentaux, a prélevé des échantillons à la pompe dans huit pays (Angola, Bénin, Congo Brazzaville, Côte d’ivoire, Ghana, Mali, Sénégal et Zambie) et découvert que la teneur en soufre des carburants est jusqu’à 378 fois supérieure à la teneur autorisée en Europe.
Selon l’ONG, anciennement nommée « La Déclaration de Berne », la pollution observée dans les mégapoles du continent est liée en grande partie à la forte teneur en sulfure dans le gazole et l’essence commercialisés par ces traders qui dominent le marché africain à travers leurs filiales de distribution de carburant.


Au Cameroun, ces traders n’ont pas de réseaux connus de distribution ; mais des accusations de corruption ont secoué l’un des traders cité dans le rapport de Public Eye, Glencore, épinglé par la justice américaine dans un rapport mettant en cause des pratiques de corruption et un système de pots-de-vin international ayant mis en cause des responsables camerounais en matière d’acquisition des contrats pétroliers.
Ainsi, en plus de la corruption importée dans les contrats révélée par la justice américaine, certains traders se rendent également coupables d’intoxication des populations sur le continent et peut-être au Cameroun bien que Public n’ait pas cité le Cameroun dans son enquête.