Traditionnellement très critique envers le Cameroun, le dernier rapport du Fmi est pourtant élogieux sur les performances économiques du pays.
Comme pour marquer la fin de la période de désamour entre l’institution et le Cameroun, la directrice générale du Fonds monétaire international effectue, dès ce jour, une visite, au pied levé, de 48 heures au Cameroun. Rendre moins inaudible le dialogue de sourds entre les autorités camerounaises, et les différentes missions annuelles de l’institution de Bretton Woods, tel apparaît être l’autre objectif de ce déplacement.
Une vingtaine d’années déjà que le Cameroun n’avait pas reçu la visite d’un Dg du Fonds monétaire international (Fmi). Dans l’imagerie populaire au Cameroun, Fmi rime avec Plans d’ajustement structurel, dévaluation, monnaie, austérité, coupes de salaire et autres restrictions budgétaires. La chronique mondaine rapporte par exemple que c’est pour contourner les mesures restrictives de l’institution sur le budget national que la présidence de la République avait imaginé un montage financier complexe pour pouvoir acquérir un aéronef destiné aux déplacements du chef de l’Etat. Acquisition foireuse qui a provoqué la déchéance de plusieurs faucons du régime. Un épisode qui résume par ailleurs la nature fortement teintée de méfiance entre les autorités camerounaises et le Fmi. Les échanges souvent tendus entre les missions de consultations annuelles du Fmi et le gouvernement camerounais sont un exemple de cette coopération difficile.
En effet, au titre de l’article 4 des statuts du Fonds, il est stipulé que l’institution « exerce une ferme surveillance sur les politiques de change des États membres et adopte des principes spécifiques pour guider les États membres en ce qui concerne ces politiques ». Le même article précise que « chaque État membre fournit au Fonds les informations nécessaires à cette surveillance et, à la demande du Fonds, à des consultations avec ce dernier sur ces politiques ». De retour au siège, les membres de la mission rédigent un rapport qui sert de cadre aux délibérations du Conseil d'administration. Au Cameroun, ces rencontres donnent souvent lieu à des passes d’armes, à fleurets mouchetés, entre les deux parties. Ces dernières années, la question de la subvention du gouvernement aux produits pétroliers, pour soutenir des prix bas à la pompe, a fortement divisé.
Taux de croissance
A chacune de ses descendes, dans le cadre des missions citées supra, Mario de Zamaroczy, le monsieur Cameroun du Fmi, tel un leitmotiv, n’a eu de cesse de rappeler, en public comme en privé, que l’Etat devait cesser de verser des subventions pour les hydrocarbures. Ce qui irritait ses interlocuteurs, ces derniers arguant qu’il s’agissait d’une nécessité pour la stabilité sociale. Le gouvernement a finalement décidé, en juillet 2014, de procéder à une suspension partielle desdites subventions.
Autres points de dissonance entre le Fmi et le Cameroun : la croissance. Une affaire de verre à moitié plein, et de verre à moitié vide. Les rapports du Fmi sur la question n’ont cessé ces dernières années de relever la croissance faible du Cameroun. Les chiffres de l’institution basée à Washington. Dc, aux Etats-Unis, ont presque toujours été contestés par la Cameroun. En 2012, le Fmi notait une croissance de l’économie camerounaise de 4%, là où le gouvernement apportait plus de 5%. De même, le Fmi déplore continuellement une croissance qui ne profite qu’aux riches, et défend une croissance inclusive qui toucherait toutes les couches de la population et tous les secteurs d’activité. Performances économiques
Pour sa première visite au Cameroun depuis qu’elle a été portée à la tête de cette institution en 2011, Christine Lagarde pourra exposer aux autorités camerounaises de nombreux points de convergence. Le dernier rapport du Fmi sur le Cameroun, validé par le Conseil d’administration en novembre 2015, salue en effet les performances économiques du pays. Le Fmi note que « L’économie camerounaise a fait preuve de résilience face au double choc de la chute des prix du pétrole et de la montée des menaces pour la sécurité, et la croissance vigoureuse de 2014 s’est poursuivie en 2015 ». Un discours qui devrait plaire au chef de l’Etat qui va recevoir l’ancienne ministre française des Finances en audience ce jour. Des motifs de satisfaction pour la politique économique validée par le Fmi, qui note par ailleurs que « l’inflation annuelle devrait s’élever à 2,8 % et n’a pas trop subi les effets de l’augmentation de 15 % des prix administrés des carburants le 1er juillet 2014. Les recettes totales devraient augmenter en 2015 grâce à une forte performance de l’impôt non-pétrolier ». Le Conseil d’administration du Fmi apprécie, et se félicite « de la remarquable résilience de l’économie camerounaise et du maintien de sa solide croissance, jusqu’à présent, en dépit de la chute marquée des cours mondiaux du pétrole et de l’aggravation des menaces sécuritaires dans la région ». La visite du top management du Fmi devrait sceller la fin du désamour entre l’institution et le Cameroun.
Les dossiers sensibles de Christine Lagarde
Chute des prix des produits pétroliers, croissance économique, développement infrastructurel, endettement, stabilité…le séjour de la Dg du Fmi au Cameroun est loin d’être une balade de santé.
La visite de Christine Lagarde sera à n’en point douter, l’occasion pour le Fonds de plancher véritablement sur la question de l’évolution des prix des produits pétroliers en zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). L’ancienne patronne des Finances en France est claire lorsqu’elle situe sa tournée en Afrique et surtout dans la sous-région dans un contexte marqué par « le double choc de la chute des cours du brut et des perturbations sécuritaires » auxquelles font face le Cameroun et l’ensemble de la région Cemac. Dans le programme de la Dg du Fonds, il est d’ailleurs prévu une table ronde vendredi 8 janvier 2015 avec les ministres des Finances de la Cemac sur « La persistance de la chute des prix des produits pétroliers et les grands écarts infrastructurels ».