Au cœur d’une profonde psychose due aux coupures intempestives du courant électrique dans les villes camerounaise, le ministre de l’Eau et de l’Energie s’en va réveiller cette semaine un projet compromis qui aurait dû démarrer depuis 2006.
Objectif de la cérémonie de lancement des travaux de construction du barrage de Nachtigal, désamorcer une grogne sociale qui ne cesse d’enfler à l’encontre des responsables du secteur de l’électricité.
C’est un autre coup de génie que vient de trouver le Dr Basile Atangana Kouna comme solution à la crise énergétique qui agite le Cameroun depuis quelques années.
En optant de lancer dès cette semaine les travaux de construction du barrage de Nachtigal, adossé sur le fleuve Sanaga au niveau de la ville de Ntui, le ministre de l’Eau et de l’Energie, n’a sans doute qu’une ambition dans l’esprit: tempérer le mécontentement général qui a gagné les Camerounais depuis que la récurrence des délestages perturbe gravement leurs activités, en ville comme en zone rurale.
En effet, depuis quelques semaines, particulièrement à Yaoundé, il ne se passe plus de jours sans rupture inattendue de l’énergie électrique dans les quartiers, malgré le retour des pluies. Idem à Douala et dans d’autres villes du pays. La situation est encore plus critique dans les régions où des villages entiers passent souvent 2 semaines, voire 1 mois, sans électricité.
Une situation au cœur de récriminations sur la capacité du gouvernement à satisfaire ce besoin primaire des populations, et qui a amené tout un député du Rdpc Peter William Mandio, à écrire pour dénoncer le partenaire du gouvernement Enéo.
Face à la poussée de grogne généralisée, le gouvernement a manifestement opté de jouer la carte de la séduction. Le directeur général de projet Lom Pangar Dr Ismaël Nsangou, dans une récente sortie médiatique, a indiqué que le transport de l’énergie électrique sera bientôt résolu grâce à la mise en fonctionnement du barrage de retenue, pourtant les premières mises en eau ont déjà eu lieu.
Son homologue du projet de Memvelé l’a suivi lui qui est peu disert sur la marche de son chantier, pour annoncer que le projet est réalisé à hauteur de plus de 80 %, quand bien même la mise en eau était prévue pour l’année dernière. Comme si l’instruction leur était dictée d’en haut. Une véritable offensive médiatique manifestement destinée à rassurer l’opinion sur les efforts déployés par le gouvernement, en dépit de la persistance du phénomène du délestage.
250 milliards de FCFA de financement
L’annonce du lancement de la construction du barrage de Nachtigal à Ntui participe manifestement de cette campagne de bonification de l’image du régime face au mécontentement ambiant, au moment où les affidés du président Paul Biya sollicitent encore un bail à Etoudi pour leur champion. Basile Atangana Kouna va, comme à son habitude, faire de grandes annonces. 330 mégawatts supplémentaires que devrait apporter la mise en route de ce projet, et qui devra étendre les activités d’Alucam.
Avec une incidence incontestée sur l’amélioration de l’offre d’énergie dans les zones desservies par le bassin de la Sanaga.
Mais pour de nombreux observateurs au faîte du dossier, on n’est pas loin de la poudre aux yeux, le projet étant déjà plombé par des appréhensions nourries qui sortent de son propre ministère. Les sceptiques rappellent que c’est depuis 2006, date initialement prévue pour son démarrage, que la construction du barrage de Nachtigal est dans la pipe des projets gouvernementaux.
Mais il n’a jamais été concrétisé. « En 2010, le plan de développement énergétique l’avait reprogrammé pour 2015, mais l’année s’est achevée sans le moindre début du chantier, faute de financement», susurreton au Mine.
De quoi amener certains de ses collaborateurs à se demander d’où le ministre prendra les 250 milliards de financement nécessaires pour la réalisation de ce projet qu’il veut engager en grande pompe.
Un financement qui doit être supporté conjointement par l’Etat du Cameroun, dont on connait la détresse financière, et la société Alucam qui ne serait pas mieux lotie. Surtout que l’entreprise chinoise, retenue pour la réalisation du marché, exige une avance de paiement avant de s’engager dans les travaux.
Dans les coulisses, il se dit que les chinois sont devenus sages et rigoureux face à l’insolvabilité du gouvernement dans le règlement des factures liées à l’exécution de certains marchés publics.
Suffisant pour corser les appréhensions chez les sceptiques, convaincus que même démarrés au forceps, les travaux pourraient connaître un arrêt, faute de financement, comme c’est le cas avec la réhabilitation du stade omnisports Ahmadou Ahidjo de Yaoundé où les Chinois, las d’attendre leur paiement, ont simplement abandonné le chantier.
Autant le dire, on n’est pas loin d’un autre projet mort-né.