Le fiscaliste s’offusque de l’accueil que le Cameroun a réservé à Christine Lagarde. Arrivée au pays le jeudi 07 janvier 2016, la DG du FMI a eu un calendrier particulièrement chargé.
Elle a entre autres rencontré le Chef de l’Etat, Paul Biya ; le Ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey ; le Premier Ministre, Philemon Yang ; le Gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), Lucas Abaga Nchama ; les Ministres des Finances de la CEMAC… Avant le Cameroun, elle avait séjourné au Nigéria, du 04 au 07 janvier 2016. Deux jours plus tard, elle a effectué une descente dans la cité économique. Samedi le 9 janvier dernier, la directrice du Fonds monétaire international a rendu visite dans un orphelinat situé au quartier Bonamoussadi à Douala. Elle a offert au nom de l’institution qu’elle dirige, un chèque de 7 500 dollars, soit environ 4,5 millions de Francs Cfa à cette association qui opère depuis 25 ans. Avant de quitter la capitale économique du Cameroun à bord d’un vol Air France à destination de Paris à 23 heures 55, elle a eu droit à un diner privé à l’Hôtel Pullman. Seulement, des experts en fiscalité ne voient pas d’un bon œil le passage du DG du Fmi au Cameroun. La Nouvelle Expression a donné la parole à l’un d’eux.
Selon vous, qu’est-ce qui a motivé l’arrivée de la directrice générale du FMI au Cameroun et en cette période ?
Si on décrypte les différentes articulations de la visite de la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) au Cameroun, on constate avec amertume que cette visite cachait un agenda obscur qui consistait à venir faire répéter aux dirigeants monétaires de la CEMAC leur attachement indéfectible au Franc CFA et c’est cela qui a été fait. Ces derniers, malgré leurs convictions intimes différentes, ont cru devoir se plier aux desiderata du pouvoir politique en cherchant à justifier l’injustifiable. Cette visite est faite en ce moment en réaction au débat sur la sortie de la zone CFA des pays africains qui effraie nos pouvoirs politiques, le TCHAD excepté, et qui est animé par les sociétés intellectuelles et civiles africaines avec une virulence qui a fini par donner des insomnies et des coliques à la France et à l’Union européenne politiques.
Quel rapport avec la sortie des pays africains de la zone CFA ?
Pour donc faire amende honorable et bénéficier des circonstances atténuantes pour services rendus à la France, relativement à ses démêlés avec la justice française dans l’affaire Bernard TAPIE, elle profite de sa position de gendarme financier et monétaire international pour soutenir son pays dans sa descente irréversible vers Lucifer, comme l’a reconnu l’ex Président français, Nicolas Sarkozy lorsqu’il a déclaré mardi 4 janvier à BFM /TV : « La France ne peut pas permettre que ses anciennes colonies créent leur propre monnaie pour avoir le contrôle total sur leur Banque centrale. Si cela se produit, ce sera une catastrophe pour le Trésor public qui pourra entraîner la France au rang de 20ème puissance économique mondiale. Pas question de laisser les colonies françaises d’Afrique avoir leur propre monnaie ».
Vous parlez de Sarkozy…
Observez la concordance des évènements entre le discours de Sarkozy et la visite de Lagarde au regard des sujets traités, et vous comprendrez pourquoi SARKOZY considère en 2016 nos Etats comme des colonies françaises, et pourquoi Lagarde invite le Gouverneur de la BEAC et les ministres des finances de la CEMAC à une visite nationale !!
A entendre Mme la DG du FMI, on pourrait dire que de façon voilée, elle rappelle au Cameroun ses obligations en matière de gestion. Quelle leçon le FMI peut-il donner au Cameroun ?
J’ajoute : quelle réponse le Cameroun devait-il donner au FMI et qu’il n’a pas donnée ? Que le FMI soit en train de donner des injonctions au Cameroun en plein toast sans égards, alors qu’il a été incapable partout où il est passé de réussir ses politiques d’ajustement structurel, et qu’une réplique cinglante du style « Ne reste pas au pouvoir qui veut mais qui peut », ne lui soit pas infligée, me pose un problème. Une institution qui a affiché son incompétence chronique comme le FMI n’a aucune leçon à donner à qui que ce soit dans le domaine de gestion de l’économie. Donc, le Cameroun n’a aucune obligation à respecter ses obligations vis-à-vis de ces gens.
A votre avis, le Gouvernement camerounais a-t-il tiré les leçons de la longue période d’ajustements structurels ?
Effectivement, si le Cameroun avait tiré des leçons sur son concubinage avec le FMI, il aurait saisi cette occasion pour demander à cette institution des comptes sur le bilan de la longue période d’ajustement structurel. On aurait demandé à son DG s’il est vrai que ajuster en économie signifie broyer ; et le structurel signifie, le social. Autrement dit, elle n’aurait jamais quitté le sol camerounais sans répondre à la question de savoir si l’ajustement structurel qu’ils nous ont imposé signifie en réalité : broyer le social ? Alors l’homme du commun aurait compris que nos dirigeants ont tiré des leçons. Nous avons été appauvris, ruinés, brimés, volés par le FMI et nous acceptons que notre bourreau vienne parader chez sa victime ! La corruption n’a jamais atteint des proportions aussi inquiétantes qu’elle ne l’a été pendant la période des politiques d’ajustement structurel. Nous avons bradé tout notre portefeuille ; toutes nos entreprises publiques ont été arrachées et reprises au franc symbolique par ces gens, des années de travail et d’efforts ont été anéanties un matin, et vous voulez qu’au nom des bonnes pratiques nous applaudissions ! Ma réponse c’est NON.
Globalement, que peut-on retenir de la visite du DG du FMI au Cameroun ?
La Directrice Générale du FMI est venue nous rappeler que le développement n’est pas pour nous et nous devons y renoncer un peu comme son compatriote nous avait dit un jour que : « la démocratie est un luxe pour l’Afrique ». Malheureusement pour l’Occident, le jour où les peuples africains se réveilleront, l’Europe disparaîtra de la carte des puissances économiques. Et les peuples africains se réveilleront bientôt. Et le monde tremblera, n’en déplaise à nos compatriotes assimilés et buvardés