Le torchon brûle entre la Socapalm et les riverains d’Apouh à Ngock dans l’arrondissement d’Edea 1er. A l’origine des revendications des populations portées par l’association des femmes riveraines de la Socapalm (Afrise), le projet d’extension de palmeraie à travers une opération de replanting. « J’ai l’honneur sur instruction de monsieur le préfet de la Sanaga Maritime de vous mettre en garde contre toute action susceptible d’entraîner tout trouble à l’ordre public vous exposant aux sanctions prévues par la réglementation en vigueur ». Extrait de la réaction du sous-préfet d’Edea 1er à la lettre ouverte de l’Association des femmes riveraines de la Socapalm d’Edea (Afrise) contre le replanting par la Société des palmeraies du Cameroun par correspondance du 17 avril 2024 adressée à dame Félicité Ngo Bissou, présidente de ladite association. Tel qu’il le lui rappelle plus haut dans ladite correspondance, le chef de terre l’a « …sommé de ne plus distribuer des tracts aux alentours de la Socapalm perturbant de ce fait la quiétude de nos populations et en vous invitant par la même occasion à me faire tenir le récépissé de déclaration de votre association pour assurer la convivialité de vos futurs échanges avec la Socapalm ».
Face aux durcissement du dialogue entre cette agro-industrie de production de l’huile de palme et les riverains notamment ceux du village Apouh à Ngock dont le chef, sa majesté Mercure Litope Lisoume avait dû signer une lettre d’engagement auprès des autorités administratives de ne plus jamais parler de ce problème, les femmes ont pris le relais de la revendication et saisissent par correspondance datée du 3 et 5 avril 2024, les autorités administratives et la Socapalm. Les réactions ne tardent pas à fuser ! Celle de l’autorité administrative partiellement exploitée plus haut et celle de la Socapalm, objet des tourments des populations d’Apouh à Ngock, localité située dans l’arrondissement d’Edea 1er à environ 25 km du centre-ville sur l’axe EdeaKribi.
Ce 25 avril 2024, dans le village d’apparence paisible, les populations semblent vaquer tranquillement à leur occupation quotidienne. Ce n’est que leurre ! Un feu ardent de discorde brûle sous cette cendre à l’aspect froid. « Nous vivons mal ici à l’unité Socapalm d’Edea. Actuellement, le grand problème c’est le replanting. Nous avons vécu 40 et plus cette vie. Et nous voyons mal comment reprendre cette vie avec des enfants et petits-fils. Nous avons demandé à Socapalm de nous donner des espaces pour des champs » , certifie Marie Thérèse Ngon Ndoume, secrétaire générale d’Afrise. Le replanting des palmiers est une opération d’extension de sa palmeraie lancée par la Socapalm. Ce qui n’est pas du goût de la population qui l’accuse d’accaparement de leurs terres ancestrales. « Il y a juste une ruelle qui sépare le lycée de la plantation. Je suis obligé de travailler sous la haute tension. Je ne peux plus reconstruire une autre maison. Je ne parle même pas du cas de mes enfants et petits-enfants. Au-devant, de l'autre côté de la route Edea-Kribi, il prévoit encore replanter cette année. Ce que la population refuse. Parce que nous réclamons l'espace vital », dénonce Bernard Yomba, notable à la chefferie Apouh à Ngock en assurant que « Si nous l'avons aujourd'hui, le reste ne nous dit absolument rien ».
Espace vital
Il fait allusion ainsi au non-respect de son cahier de charge par la Socapalm. Lequel prévoit entre autres : l’électrification des quartiers, la construction des forages d'eau pour les populations. « Il y a des choses à faire dans les établissements. Pour le reconnaître, ils ont construit deux forages dans deux quartiers différents, c'est tout. Pour le reste, ils ne font absolument rien » , s’offusque Bernard Yomba. La visite des cimetières encastrés dans la palmeraie ou de la lagune d’où émane des odeurs nauséabondes selon les habitants, pour témoigner de la véracité des plaintes des populations d’Apouh est une emprise risquée. Il faut user de subterfuge que nous ne dévoilerons pas ici, pour s’y rendre. En réponse au courrier de l’Afrise qui présente les frustrations des femmes « indignées » et « trahies » surtout après le non-respect des clauses de l’échange qu’elles ont eu avec le directeur général de la Socapalm en date du 23 décembre 2023, lors d’une « causerie familiale sur la paix entre Afrise et la Socapalm » , Dominique Cornet écrit : « … Qu’il s’agit d’abattre de très vieux palmiers et de replanter de jeunes plants, clairement entendu dans le titre foncier de la Socapalm et qui ne souffrirait d’aucune discussion » .
Le directeur de la Socapalm soutient également : « qu’il s’agit d’opérations tout à fait normales dans le cadre d’exploitation du palmier à huile qui sont réalisées dans le strict respect du cadre légal » . Et au sujet des termes du bail emphytéotique signé en juin 2000 entre la Socapalm et l’Etat du Cameroun dans lequel il est mentionné une surface de 250 ha à préserver de tout replanting autour des villages, Dominique Cornet répond : « Pour rappel ainsi que pour la compréhension de chacun, la plantation d’Edéa ne faisait pas partie de la Socapalm à ce moment-là et jusqu’aujourd’hui, sa spécificité est qu’elle dispose de titres fonciers propres. Vous comprenez donc que cette notion ne peut s’appliquer à Edea » , accusant au passage les riverains d’être animés d’une volonté de nuire à l’image citoyenne de l’entreprise.
Désormais à l’étroit sur la terre de leurs aïeux, les populations d’Apouh à Ngock qui se sentent « abandonnés » par les pouvoirs publics ; incompris par l’agroindustriel, n’entendent pas cependant lâcher prise. La lutte s’annonce ardue et le pire est à craindre.