En 17 ans, près de 9350 milliards FCFA ont échappé à la comptabilité nationale à travers des transferts de fonds illicites selon une récente étude du Laboratoire d’analyse et de recherches en mathématiques économiques.
Les pertes dues à la fuite des capitaux sont hallucinantes pour le Cameroun. L’alerte est donnée par le Laboratoire d’analyse et de recherches en mathématiques économiques (Larem). Ce centre de recherches fondée par le Industrie pétrolière, ancien ministre délégué auprès du ministre des Finances entre 1996 et 2002 vient de publier une étude portant sur la fuite des Capitaux dans l’exploitation des ressources naturelles au Cameroun. Il en ressort que 17 milliards de dollars ont échappés à la comptabilité nationale sur l’intervalle 1995-2012 à travers des mécanismes de fuites des capitaux.
En monnaie locale, cette somme équivaut à environ 9350 milliards de FCFA. A titre de comparaison, ce «butin délesté et dissimulé » principalement par les multinationales, est de loin supérieur à la somme des budgets de l’Etat pour les exercices 2017 et 2018. Pis, le tiers de ces fonds détournés aurait permis au Cameroun d’autofinancer à trois reprises tous les 13 grands chantiers dont la facture est estimé à 3200 milliards de FCFA. Sans recourir à l’endettement.
Sur la période couverte par l’Etude, la moyenne annuelle des pertes subies par l’économie camerounaise s’élève à 1 milliard de dollars, environ 550 millions de FCFA. Ces pertes confirment à nouveau le classement du Cameroun dans le top 10 des pays d’Afrique subsaharienne ayant enregistrés les montants les plus élevés des fuites de capitaux.
Fausses factures
En effet, le classement élaboré en 2012 par les économistes James Boyce et Léonce Ndikumana, hisse le pays de Paul Biya au 10e rang des plus grandes victimes de la fuite des capitaux en Afrique subsaharienne. Les deux économistes constataient alors que les fausses factures représentaient 83% des fuites des capitaux enregistrées par le Cameroun entre 1970 et 2010. Cinq ans plus tard, cette situation s’est aggravée. De 1995 à 2012, la part des fausses factures dans la fuite des capitaux estimée à 18,3 milliards de dollars, soit 10 175 milliards FCFA, «surpassent même les fuites globales» avec un taux de 107,5%, s’alarment les chercheurs du Larem.
Selon ces derniers: «la fausse facturation dans les opérations commerciales consiste à la falsification du prix ou de la quantité des importations ou des exportations afin de dissimuler des sommes ou en accumuler dans d’autres juridictions». Dans le cas du Cameroun, cette fraude se décline sous deux aspects. D’abord la sous-facturation de la valeur des produits d’exportation qui contribue à concurrence d’environ 2,8 milliards de dollars (1540 milliards FCFA) aux fuites. Ensuite, vient la surfacturation des importations dont l’impact se chiffre à 4,6 milliards de dollars US.
Pétrole et bois en proie
Le rapport du Larem analyse singulièrement l’industrie du bois et la production pétrolière du Cameroun. Sur la période 1970 – 2010, ces deux secteurs cumulent à eux seuls 90% des revenus générés par l’exploitation des ressources naturelles et en moyenne 70% des exportations camerounais. A l’échelon des six principaux partenaires commerciaux du Cameroun, le secteur pétrolier semble être le refuge préféré des fraudeurs. Dans l’intervalle 1995-2016, les fausses factures d’exportation dans ce secteur culminent à 3960 milliards de FCFA (7,2 milliards de dollars) alors que les exportateurs de bois ont fait volatiliser 935 milliards de milliards de FCFA (1,7 milliards de dollar) via des fuites de capitaux. Les autres secteurs de l’économie (hors pétrole et bois) sont dominés par la contrebande dont l’incidence en termes de fuite des capitaux tourne autour de 1,7 milliard de dollar.