En violation des engagements du pays avec le Fonds monétaire international (Fmi), le ministre en charge de l’Economie a déjà effectué des appels de financements extérieurs en dépassement de 102 milliards de Fcfa pour le compte de l’exercice 2018.
C’est Louis Paul Motaze qui révèle le pot-aux-roses. Dans une correspondance datée du 09 août 2018, le ministre des Finances (Minfi) révèle que son collègue en charge de l’Economie, Alamine Ousmane Mey, à travers des appels de fonds à hauteur de 695,1 milliards de Fcfa, a déjà dépassé le plafond de 596 milliards de Fcfa édicté par la loi de Finances 2018 de l’Etat du Cameroun.
En seulement neuf mois, le volume de ces appels de fonds, effectivement décaissés (404 milliards Fcfa) ou alors en attente de décaissement, sont en dépassement d’un peu plus de 100 milliards. Ce dépassement met le Cameroun en désaccord avec le Fonds monétaire international (FmI), institution financière internationale avec laquelle l’Etat est engagé dans un Programme économique et financier (Pef), très rigoureux en matière de gestion des ressources publiques et d’endettement du pays.
Ce qu’il faut comprendre c’est que, sur le plafond de 596 milliards de Fcfa inscrit dans le cadrage et la loi de Finances 2018, environ 404 milliards de Fcfa ont été effectivement décaissés à ce jour. En outre, des appels de fonds émis par la Caisse autonome d’amortissement (Caa), en charge de la gestion de la dette publique, et le Minepat, en attente d’exécution au niveau des bailleurs de fonds s’élèvent à un montant total d’environ 294,1 milliards de Fcfa.
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Les avis de tirage y afférents pourraient être reçus à tout moment pour matérialiser l’effectivité des décaissements. Louis Paul Motaze suggère à Alamine Ousmane Mey d’examiner en urgence, en collaboration avec le Fmi, «les possibilités de revoir à la hausse ce plafond pour l’exercice 2018 tout en envisageant des prévisions plus réalistes pour le cadrage budgétaire au titre de l’exercice 2019».
Effets immédiats M. Motaze de conclure : « il serait souhaitable de sensibiliser vos collaborateurs sur la nécessité de voir le montant des décaissements sur ressources extérieures à l’avenir refléter les capacités d’absorption des projets ».
Dans la même veine, le Minfi fait connaître que «tous les appels de fonds, à l’exception de ceux liés aux projets de la Can 2019, ont été gelés avec effet immédiat». Pour comprendre la justesse et la cohérence de la correspondance du ministre des Finances du 9 août sur le gel des emprunts extérieurs, il faut se référer au protocole d’accord technique signé entre le Cameroun et le Fmi le 20 juin 2017.
Au niveau du « point F, 36 », il est écrit que, « le gouvernement s’engage, de manière continue, à ne pas contracter et à ne pas garantir toute dette extérieure non concessionnelle audelà du plafond » indiqué dans le Pef. En outre, aucune entreprise publique et/ou démembrement de l’Etat ne devrait s’endetter sans l’autorisation préalable du Conseil national de la dette.
Pour autant, ce critère de réalisation ne s’appliquera pas aux emprunts contractés en Fcfa, aux bons et aux obligations du Trésor émis en Fcfa sur le marché régional de la Cemac, aux crédits normaux à court terme des fournisseurs, aux crédits ordinaires pour les importations, aux crédits au titre des appuis budgétaires, ni aux prêts du Fmi. Cet engagement constitue un critère de réalisation à respecter de manière continue. Si Alamine Ousmane Mey s’entête à ne pas écouter Louis Paul Motaze, le Cameroun pourrait être recalé dans le programme avec le Fmi et les conséquences pourraient être désastreuses pour l’économie camerounaise.
En effet, l’accord triennal (Facilité élargie de crédit) signé le 26 juin 2017 entre le Cameroun et le Fonds monétaire international ouvre la voie à des financements bilatéraux additionnels. A ce titre, 887 milliards de Fcfa sont attendus en plus du financement du Fmi (390,4 milliards de Fcfa). La Banque africaine de développement va octroyer 377 milliards de Fcfa. La Banque mondiale, 247 milliards Fcfa.
La France, à travers l’Agence française de développement (Afd), 197 milliards Fcfa. Et l’Union européenne, 66 milliards fcfa. Mais si le Cameroun ne respecte pas ses engagements, l’accès à ces financements ne lui sera plus concédé.