L’ex-patron d’Union Bank of Cameroon est poursuivi à la place de la banque pour n’avoir remboursé dans les délais un crédit de plus de 2 milliards de francs reçu du Trésor public.
Sanama Avit, le promoteur de l’entreprise Atlantic Agri-Tech, n’est pas au top de sa forme. En tout cas, le 22 novembre dernier, il a dit aux juges en charge de l’examen de l’affaire qui l’oppose au ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) devant le Tribunal criminel spécial (TCS) qu’il est convalescent, suite à une infection à la Covid-19. Cette situation a conduit le tribunal a renvoyé l’audience pour lui permettre de recouvrer entièrement sa santé.
En fait, le patron Atlantic d’Agri-Tech passe en jugement aux côtés de M. Akene Julius Ngwa, l’ancien directeur général (DG) de la Union Bank of Cameroon (UBC). Ils répondent de la supposée coaction de détournement de 2,2 milliards de francs.
Le rapport de l’information judiciaire (ordonnance de renvoi) rédigé par le juge d’instruction fait un résumé des faits au centre du procès. L’affaire commence le 29 septembre 1987 lorsque l’État du Cameroun et l’Agence américaine pour le Développement international (Usaid) signe un accord de prêt ayant pour objet l’importation et la distribution des engrais subventionnés dans la cadre d’une politique agricole dénommée Programme de réforme du Sous-secteur Engrais (Prsse) ; un programme porté par le Minader.
Le programme dispose en fait de deux mécanismes de financement, notamment le Fonds de Crédit Renouvelable (FCR) et la Facilité de prêt à moyen terme (Fpmt), tous alimentés par la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA). Les comptes bancaires de ces deux institutions sont ouverts dans les livres de la Standard Chartered Bank. Les fonds sont déboursés sur instruction du Comité technique de supervision (CTS) du Prsse présidé par le secrétaire général du ministère des Finances (Minfi). Les fonds sont mis à la disposition des banques qui peuvent ensuite accorder des prêts à leurs clients pour le financement des projets du sous-secteurs engrais.
Le 15 octobre 2004, la CTS du programme avait autorisé le déblocage de la somme totale de 2,1 milliards de francs au profit de la banque UBC. Au détail, UBC avait reçu le 29 octobre 2004 un prêt de 600 millions de francs au titre de la « Facilité de prêt à moyen terme » d’une durée de 6 ans, et le 18 février 2005 celui de 1,5 milliard de francs concernant le Fonds de Crédit Renouvelable d’une durée de 6 mois. UBC avait à son tour accordé des crédits à M. Sanama. Les crédits étaient destinés à l’acquisition et l’installation des équipements d’engrais et à l’achat de 16 mille tonnes d’urée nécessaires à la production des engrais.
16 mille tonnes d’urée
Selon l’accusation, si la construction de l’usine d’engrais est effective, la somme de 1,5 milliard de francs déboursée² pour l’achat de 16 mille tonnes d’urée n’a pas été utilisée à cette fin. Depuis 2012, la banque UBC n’a remboursé que 400 millions de francs.
Pour accabler M. Akene Julius Ngwa, l’accusation s’est appuyée sur les déclarations faites par son ancien collaborateur, M. Gemandze Sabuless Johnson, pendant les enquêtes. Ce dernier qui occupait les fonctions de gestionnaire des comptes des grandes entreprise à UBC au moment des faits, a soutenu « qu’à cause de la trésorerie décadente de la banque, son ancien directeur général a utilisé les fonds obtenus du Prsse comme des fonds propres de la société, sans intention ni de concrétiser l’objet pour lequel ils ont été prêtés, ni de les rembourser ».
Pour sa défense, M. Sanama limite sa responsabilité rien que sur l’utilisation des 700 millions de francs qui ont permis la construction de l’usine d’engrais. M. Akene n’a pas comparu devant le juge d’instruction. Selon une source proche du dossier, il réfute les griefs retenus contre sa personne au motif que c’est en qualité de DG d’UBC qu’il a signé la convention de prêt querellée.
Inculpée pour non remboursement de prêt dans les délais, la banque UBC a finalement été élargie au terme de l’information judiciaire (non-lieu). Pour élargir la banque, le juge d’instruction affirme que c’est depuis le 12 juillet 2016, date de la promulgation du (nouveau) Code pénal que les personnes morales peuvent faire l’objet de poursuites pénales. Or, « le fait punissable » se situe dans la période allant du 29 octobre 2004, date de l’octroi du premier prêt au 16 septembre 2010 celle du délai maximal de remboursement de la totalité des fonds en cause, alors que la loi censée la réprimer n’est intervenue que six ans après. Or, les lois ne sont pas rétroactives.