Le gouvernement camerounais a refusé de réceptionner la section Mbéré-Ngaoundéré de ce tronçon à cause de la mauvaise qualité de la prestation, poussant Andrade, l’entreprise, à reprendre le bitumage de cet axe long de 89 km.
C’est presque de l’inédit dans le microcosme des marchés et des travaux publics au Cameroun. Une entreprise sommée de reprendre les travaux d’un ouvrage. Depuis quelques semaines, les engins du Groupement d’entreprises Andrade Gutierrez-Zagope qui avaient réalisé les travaux querellés de 2009 à 2012 ont été redéployés sur le terrain. Au niveau du village Mbéré, à une cinquantaine de kilomètres de Meïganga, les habitudes des riverains ont de nouveau changé. Les petits commerçants ont flairé le bon coup. Ils ont installé des abris de fortune pour vendre les vivres aux voyageurs et aux employés de l’entreprise Andrade mobilisés sur le site. Les usagers de cette route ont, eux, dû revoir leurs habitudes. Pendant la durée des travaux, il faudra ajouter trente minutes à une heure sur le temps de voyage qui s’est rallongé. La circulation est alternée sur les lieux. Seules une file de voitures est autorisée à circuler sur un itinéraire de 10 km environ. Un drapeau vert est remis à l’assistant du conducteur qui ouvre la file. De part et d’autre de la chaussée, les panneaux indiquant la reprise des travaux, est implantée de Meïganga à Ngaoundéré.
La semaine dernière, le préfet de la Vina, Justin Mvondo, est descendu sur le terrain pour une réunion d’information et de sensibilisation. La séance de travail s’est tenue à Dibi, à la basse vie de l’entreprise Andrade, à une trentaine de kilomètres de la ville de Ngaoundéré. Nyambaka et Ngaoundéré 1er, deux arrondissements de la Vina, seront fortement impactés par les travaux. Les sous-préfets de ces unités administratives, les maires des deux communes, les chefs traditionnels, les populations locales, les chercheurs d’emplois et les délégués départementaux des ministères concernés par le projet, ont également assisté à cette réunion publique au cours de laquelle le préfet a tenu à mettre les points sur les « i ». José Teles, directeur des travaux de l’entreprise Andrade-Gutierrez-Zagope et Thomas Lakounlé, chef de la mission de contrôle Egis international, ont donné des précisions techniques sur les travaux effectués.
La genèse du projet a été présentée par le chef de la mission de contrôle. On apprendra que dans le cadre du projet-pilote de facilitation des transports et du transit en zone Cemac, le gouvernement camerounais avec l’appui financier de certains bailleurs de fonds, notamment la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale (BM), a entrepris d’aménager le corridor prioritaire Douala-N’Djamena sur le tronçon Garoua-Boulaï-Ngaoundéré long de 268 km qui fait partie de la Route Nationale N°1.
L’entreprise plaide coupable
Les travaux concernent le bitumage de la route et la réalisation de travaux connexes. Ils étaient scindés en trois lots. Et c’est sur le lot 03 (Mbéré-Ngaoundéré, long de 89,2 km) que les pathologies et les dégradations ont été relevées, « moins de deux ans » après la fin présumée des travaux sur le terrain, constate sur un ton d’indignation Abba Sadou, ministre délégué à la présidence de la République chargé des Marchés publics. En circulant sur le tronçon controversé, il y a beaucoup d’ondulations. Le marché avait été attribué en 2009 au Groupement d’entreprises Andrade-Gutierrez—Zagope. Les travaux qui s’étaient étalés sur une durée de 24 mois consistaient en l’aménagement de la route en terre existante en route bitumée ayant les caractéristiques suivantes : une chaussée de sept mètres de large et deux accotements d’un mètre et demi de large chacun, une structure de chaussée de 30 cm de couche de fondation en latérite, 20 cm de couche de base en grave concassée et une couche de roulement de 5 cm en enrobé. Le cout des travaux était de 32 milliards 700 millions de F hors-taxes. Bien avant la fin des travaux, le ministère des Marchés publics et le maitre d’ouvrage-le ministère des Travaux publics- avaient attiré l’attention de l’entreprise et de la mission de contrôle sur la qualité de l’ouvrage. En 2012, le gouvernement camerounais avait refusé de réceptionner lesdits travaux. Même l’entreprise et la mission de contrôle reconnaissent aujourd’hui que les prestations réalisées n’étaient pas de qualité. C’est un mea-culpa tardif. Le mal étant déjà fait. « L’entreprise avait raté la formulation », reconnait le chef de mission de contrôle qui précise qu’une « étude de formulation a été faite cette fois-ci en France ». La reprise se fait donc aux frais d’Andrade qui a changé tout le personnel qui avait travaillé sur le projet initial. La mission de contrôle a également changé ses représentants sur le terrain. On est donc reparti sur de nouvelles bases, avec un nouveau matériel et de nouvelles personnes pour s’assurer que les travaux actuels seront bien exécutés. Les agrégats ont déjà été produits à partir d’une carrière située à six kilomètres de la basse vie.