L’intermédiation bancaire, dans les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), demeure insuffisante en dépit de la progression continue des crédits à l’économie, ces derniers restant relativement faibles en comparaison aux pays émergents ou développés, selon Jacques Landry Bikaï et Moustapha Mbohou Mama, respectivement chef de service de l'analyse et de la modélisation des économies à la direction de la recherche, et chef de service du suivi et analyse du système financier à la direction du crédit, des marchés des capitaux et du contrôle bancaire à la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC).
En 2016, le ratio des crédits bancaires au secteur privé non financier sur le produit intérieur brut (PIB), qui traduit la profondeur financière, était ainsi en moyenne inférieur à 20% dans la sous-région, analysent-ils dans la «Lettre de la recherche», le magazine de l’Institut d’émission.
L’accroissement de l’offre de crédit inadaptée des ressources bancaires, selon les deux experts, traduit la difficulté globale de mobilisation de l'épargne longue aux fins de financement des investissements dans la CEMAC.
En dépit d’importants progrès enregistrés entre sur la période 2010-2014, à la faveur notamment du relèvement du capital social minimum des banques et établissements financiers, le système bancaire de la zone demeure marqué par la faiblesse de ses ressources permanentes.
En effet, bien que le ratio de fonds propres sur les risques pondérés soit globalement respecté par les banques de la sous-région (11% en moyenne) les fonds propres nets des établissements de crédit ne représentent en moyenne que 9% du total de leurs ressources.
Les établissements de crédit, souvent insuffisamment outillés pour l’examen efficient de la fiabilité des projets, ne possèdent généralement pas de services spécialisés, dédiés à des clientèles spécifiques (PME/PMI, opérateurs agricoles, etc.), un état de fait qui ne favorise pas la capitalisation de l’expertise des banques et l’expansion de leurs engagements vis-à-vis des opérateurs aux profils spéciaux.
En terme de demande de crédit, les contraintes majeures au développement du financement bancaire des économies dans la CEMAC sont la qualité peu satisfaisante des dossiers de crédit, le coût prohibitif du crédit bancaire, les conditions d’accès au crédit, la faible bancarisation, la culture financière réduite et l’importance du secteur informel, évalué à plus de 70% en moyenne des emplois et environ 40 % en moyenne du PIB des économies de la sous-région.
Les réformes menées jusqu’ici par les pays de la CEMAC n’ont pas été suffisantes pour améliorer la facilité de faire des affaires et leur image auprès des investisseurs nationaux et étrangers, constatent Jacques Landry Bikaï et Moustapha Mbohou Mama : selon le classement «Doing Business 2015» de la Banque mondiale, sur les 189 économies retenues dans l’étude, les pays de la CEMAC sont tous classés au-delà de la 143èmeplace.
Hormis les faiblesses de l'environnement des affaires, qui constituent une contrainte majeure au développement de l'offre de crédits, les lenteurs et la complexité des procédures judiciaires contribuent également à fragiliser l’environnement des affaires, en favorisant notamment certains débiteurs véreux, qui ont ainsi, dans le cas du crédit-bail par exemple, la possibilité d’utiliser abusivement les actifs des établissements de crédit, avant qu’une ordonnance ne soit prise.
Entre autres mesures prises pour le développement optimal du marché du crédit et la promotion de la transparence et de la concurrence, les institutions de la CEMAC ont engagé des réformes, portant notamment sur la mise en place de règlements relatifs à la publication des taux effectifs globaux (TEG) des conditions de banque, et sur la répression de l'usure.
Par ailleurs, la BEAC a engagé un ensemble de mesures, visant tant à redynamiser le marché interbancaire qu'à fournir des informations financières fiables sur les emprunteurs, à travers la centrale des bilans, la centrale des incidents de paiement et les bureaux de crédit).
Mais toutes ces actions, concluent les deux experts, ne pourraient à elles seules booster les crédits à l’économie sans que l’appui des États ne soit effectif en matière d’assainissement de l’environnement des affaires, sous l’hypothèse que les banques soient professionnelles.