Commercial Bank Cameroon, dont l’administrateur provisoire est traqué par le Tcs pour une affaire de plus de 3 milliards FCfa détournés, est en voie d’être expulsée de tous ses locaux pour de colossaux arriérés de loyers.
Martin Luther NjangaNjoh finira par entraîner la banque dont il est l’unique dirigeant dans sa propre descente aux enfers. La Commercial Bank of Cameroon (CBC), sous administration provisoire depuis début novembre 2009, devrait bientôt faire l’objet d’expulsions en cascade aussi bien à sa direction générale, sise à Douala que dans ses agences de Bafoussam, Garoua et Yaoundé. Croulant sous d’abyssaux arriérés de loyers, elle se heurte, surtout, à l’entêtement et à la mauvaise foi de son administrateur provisoire qui, face aux réclamations du bailleur, devant les pénalités qui s’accumulent et autres décisions de justice défavorables, a choisi la voie du jusqu’au-boutisme.
Ainsi, rien que pour la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, l’ardoise s’élevait à 2.732.523.696 de francs Cfa hors taxes. Ce à quoi il faudrait ajouter les pénalités de retard de paiement qui, au-delà de 8 jours et selon les clauses contractuelles, donnent lieu à majoration de leur montant de plein droit de 10%. Pour la même période considérée, lesdites pénalités s’élevaient ainsi à 273.252.369 Fcfa, pour un cumul général de l’ordre de 3.265.990.065 Fcfa. Dans une série de relances aux accents parfois acidulés, ledit bailleur, Ekitagroup, a engagé des procédures d’expulsion auprès de la justice dont l’avènement ne serait plus qu’une question de jours, selon des sources proches du dossier.
Malversation. Dans une posture que d’aucuns qualifieraient d’obstinée, voire de suicidaire, Martin Luther Njanga Njoh a développé plusieurs entourloupes pour ne pas avoir à payer les loyers. A Bafoussam, où la cour d’appel de l’Ouest le coince pour un montant cumulé de 129.600.000 Fcfa d’impayés, à quoi s’ajoutent 12.960.000 Fcfa de pénalités et 11.103.750 Fcfa d’intérêts de retard, le pilleur de la Cbc a expliqué qu’une banque en restructuration ne pouvait être traînée en justice.
De la restructuration, parlons-en ! Selon la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC), la fin de la restructuration de la banque est achevée depuis le 31 décembre 2014 et son président, Lucas Abaga Nchama, constatant que «la période de restructuration étant achevée sans que CBC respecte la règlementation prudentielle», a décidé de soumettre «ce dossier à l’appréciation de la Commission bancaire qui en tirera toutes les conséquences malgré les énormes efforts consentis par l’État». Autrement dit, tous les actes posés depuis plus d’un an par le sieur Njanga Njoh sont frappés d’illégalité flagrante.
Manœuvres dilatoires.
Une autre fois, le même a argué que l’établissement, du fait de son régime spécial, était placé sous la responsabilité du ministère des Finances et le contrôle de la COBAC. Il est pourtant patent de constater que Martin Luther Njanga Njoh, sans la moindre gêne, se prévaut des prérogatives d’un gestionnaire à plein temps et aux pouvoirs élargis et, de ce fait, a l’obligation de répondre des actifs et du passif de l’entreprise dont il a la charge. Et les loyers font partie des engagements financiers qu’il a le devoir d’honorer. Sans oublier que la personne morale qu’est Ekitagroup ne peut être confondue à la personne physique Yves Michel Fotso, que ses manœuvres dilatoires semblent viser directement. Décidément en manque de repères, Martin Luther Njanga Njoh a «oublié» qu’en homme honnête qu’il est – n’est-ce pas !–, il aurait pu cantonner les loyers consommés dans un compte séquestre.
Dans le même ordre d’idées, l’étourdi a fait valoir que le Tribunal criminel spécial (TCS) lui avait prescrit de recenser et de bloquer tous les comptes ouverts au nom de Yves Michel Fotso, l’actionnaire majoritaire de la CBC, ou sous d’autres noms, raisons ou dénominations sociales et pour lesquels M. Fotso détient un pouvoir de signature, seul ou conjointement avec d’autres individus. L’allusion ici est clairement faite à la société immobilière Ekitagroup, le bailleur dont la CBC est actionnaire et auquel il s’obstine à ne verser aucun sou. De plus, même dans le cas du blocage d’un compte bancaire, aucune disposition juridique n’en interdit l’approvisionnement.
Comble de l’étourderie, l’administrateur illégal de la CBC brandit pour sa défense une ordonnance de juin 1996 disposant que «toute action engagée à l’encontre d’un établissement en restructuration, ainsi que toute procédure d’exécution sur son patrimoine sont suspendues à compter de la date de publication de l’arrêté ordonnant la restructuration». Dans l’entendement de M. Njanga Njoh, cette disposition le soustrairait ainsi de toutes ses obligations juridiques, contractuelles ou conventionnelles.
Ainsi acculé par la justice, Martin Luther Njanga Njoh s’est essayé à une autre tactique consistant à affirmer que les arriérés de loyers à lui réclamés étaient à la disposition du TCS. Manque de pot, cette haute juridiction est aujourd’hui à ses trousses pour l’obliger à apporter la preuve de ses insinuations. Déjà auditionné sur la question en décembre dernier, il devrait de nouveau y être cuisiné ces jours-ci sans préjudice d’une mise sous mandat de dépôt.
Dans le même temps, et selon des sources introduites, la cour d’appel de Bafoussam devrait bientôt constater la résiliation de fait des contrats de bail de la CBC d’avec Ekitagroup et, dans la foulée, prononcer l’expulsion de la banque de ses représentations avec, en prime, une condamnation aux dépens.
Renseigné sur la situation actuelle de la CBC, le ministre des Finances, qui comme le chef de l’État prône régulièrement la rigueur dans la gestion des finances publiques, aurait initié des mesures d’urgence pour le sauvetage de cet établissement bancaire placé sous son contrôle. A en croire nos sources au Minfi, M. Alamine Ousmane Mey, manifestement courroucé par un Njanga Njoh qui bafoue allégrement les normes prudentielles, les recommandations du gouvernement camerounais et de la COBAC, aurait saisi cette dernière aux fins de débarquer l’administrateur provisoire. «Et ce n’est plus qu’une question de jours», susurre-t-on au MINFI.