Très attendue, l’échéance de juin 2017 devrait être un grand moment au sein de la Société Nationale de Raffinage. C’est à cette période que seront livrés les travaux de la première phase du projet de modernisation des installations de cette entité industrielle dont la mission est de garantir l’approvisionnement du marché camerounais en produits pétroliers raffinés. « Au stade actuel, nous sommes certains que les travaux seront livrés à temps, et que notre entreprise en sera totalement métamorphosée », confie un cadre de l’entreprise.
Les équipes techniques de la Sonara évaluent à ce jour l’exécution des travaux à 95 %. Elles rassurent donc que le gros œuvre est terminé avec la fin des travaux liés à l’extension de l’ancienne raffinerie qui date de 1981. En plus de cette extension, il faut ajouter la construction de dix bacs de stockage. Dans le dossier technique de cette première phase, ces bacs doivent servir à conserver le surplus de production de la nouvelle usine étant donné qu’au terme de cette première phase des travaux, la Sonara envisage d’augmenter sa capacité de production annuelle. Elle passera donc de 2,1 millions tonnes à 3,5 millions tonnes dès l’année prochaine.
Ce dopage de la capacité de traitement de la firme devrait permettre, selon le Directeur Général, de générer un surplus de production substantiel pouvant lui permettre d’exporter vers les marchés sud américains via le tout nouveau port de Kribi. « La réussite de ce vaste programme va assurer une pérennité à la Sonara et garantir l’indépendance énergétique du pays. La compétitivité de l’entreprise s’en trouvera nettement améliorée dans la sous-région où la Sonara est déjà un partenaire qui compte et sur qui il faut compter.
C’est pourquoi afin d’optimiser l’utilisation de la capacité de raffinage, la Sonara se tourne résolument vers le marché d’exportation. Ainsi, elle consolide sa présence et sa bonne réputation sur les pays de la CEMAC et ceux de la côte ouest africaine, depuis le Sénégal jusqu’à la Namibie. La mise en service du nouveau port lui permet d’exporter vers l’Europe, les Etats-Unis et l’Amérique du Sud », fait savoir un cadre de l’entreprise.
3,5 MILLIONS DE TONNES
A la fin des travaux de cette première phase du projet en début 2017, les capacités de l’usine de la Sonara seront dopées. En plus de distiller comme on l’a dit 3,5 millions de tonnes chaque année, elle va également faire de la distillation sous-vide à hauteur de 1,3 million de tonne par an. Cette technologie innovante de traitement du pétrole brut consiste à raffiner deux fois les pétroles bruts lourds comme ceux produits au Cameroun, pour les rendre consommables. C’était, à en croire les experts de la Sonara, le principal objectif de cette première phase des travaux car le pétrole camerounais est particulièrement pauvre en produits légers. Conséquence : il n’était pas raffiné à la Sonara qui était donc obligée d’importer du Nigeria des variétés de brut plus adaptées à ses installations techniques.
Il s’agit essentiellement de l’Okwori, du Bonny light, de l’Ea et du Brass river. De plus, toujours dans le cadre de ces travaux, la Sonara va augmenter sa capacité de stockage avec la construction de nouveaux bacs. En clair, ce projet a été lancé pour annuler la trop grande dépendance de la Sonara vis-à-vis des bruts extérieurs, comme l’explique un haut dirigeant de l’entreprise : « ce projet vise un triple objectif : stratégique, économique et marketing. Au niveau stratégique, il est question de maximiser l’utilisation du pétrole brut produit au Cameroun. Au plan économique, poursuit ce responsable, ce projet a pour but d’atteindre une taille critique permettant d’améliorer le taux d’utilisation de toutes les unités de la raffinerie. Et enfin côté marketing, il s’agit de maximiser les produits dont le marché camerounais et régional est demandeur, à savoir le gazole et le kérosène ».
APPROVISIONNEMENT
En achetant directement le pétrole brut camerounais, la Sonara pourra obtenir sa matière première à un faible coût en économisant au moins sur les coûts de transports. Mais surtout, une fois raffiné, ce pétrole pourra être écoulé à bas prix sur le marché national comme l’indiquait Yenwo Mollo, l’ancien responsable du projet aujourd’hui à la retraite. Du coup, le Cameroun sera durablement à l’abri des ruptures de l’approvisionnement du marché en produits pétroliers.
Dès 2017, la fin de la première phase des travaux va induire d’autres avantages. Par exemple le nombre de camions citernes chargés par jour augmentera grâce à la construction d’un îlot de chargement supplémentaire et à l’amélioration du matériel de comptage. De plus, la sécurité des installations et la conduite des unités seront nettement améliorées grâce au système numérique et à la salle de contrôle blast proof.
Côté environnement, la modernisation de la raffinerie permettra de réduire les émissions de gaz polluants, tandis que les stations de traitement des eaux de rejet seront agrandies et modernisées afin de pouvoir obtenir une eau de rejet conforme aux spécifications. Cerise sur le gâteau, l’entreprise chargée d’approvisionner le pays en produits pétroliers pourra désormais être autonome sur le plan énergétique. Une situation qui a longtemps été vécue comme une difficulté majeure au sein de cette entreprise. « La production des utilités, c’est-à-dire de la vapeur, de l’air et surtout de l’énergie électrique a toujours été un problème à la Sonara.
Pour augmenter notre capacité de production de l’énergie électrique, nous allons investir dans une unité de cogénération qui permettra de produire suffisamment de vapeur mais aussi cette vapeur permettra de produire suffisamment de l’électricité devant permettre à la Sonara d’être énergiquement autonome », explique un responsable de l’entreprise. Cette unité de production d’électricité viendra ainsi remplacer les trois groupes diesel en fonctionnement depuis la création de la raffinerie et ferra passer la production d’électricité de 9 à 16 mégawatts. Pour Ibrahim Talba Malla, le directeur général de la Sonara, la fin de cette première phase est une victoire. Et ce n’est pas exagéré de le dire. Quand il est choisi en février 2013 à l’issue d’un conseil d’administration de la Sonara pour remplacer Charles Metouck, le projet de modernisation lancé en 2010 par son prédécesseur traverse une zone de turbulence à cause de la rareté des financements.
Cette occurrence explique la raison pour laquelle la première phase des travaux n’a pas pu être livrée en mai 2014 comme initialement prévu. Face à cette difficulté, Ibrahim Talba Malla a tenu à ce que cet ambitieux projet de modernisation des installations ne connaisse pas de court-circuit. A son arrivée à Limbé, Ibrahim Talba Malla va donc s’activer à donner un nouveau souffle à ce projet qui tient en haleine l’opinion publique ainsi que le gouvernement de Yaoundé. Pour y arriver, il fallait mobiliser très rapidement les 270 milliards de francs CFA nécessaires pour boucler la première phase. Ce qui a été fait. Tout comme les fonds requis pour le financement de la seconde phase ne sont plus une réelle difficulté. Il est à noter que l’ensemble du projet est estimé à 500 milliards de francs CFA.
Les autorités de Yaoundé sont, elles aussi, déjà enchantées par la fin annoncée de ces travaux. Pour la raison que ce projet de modernisation de la Sonara s’accompagne d’un chapelet d’avantages. On apprend ainsi qu’en augmentant la production annuelle de 1,4 million de tonnes, la Sonara pourra satisfaire la demande locale mais aussi d’aller à la conquête du marché de la côte ouest-africaine et même des Etats-Unis. Mais pour réaliser ces projets d’expansion, la Sonara doit être capable d’atteindre une taille critique permettant d’améliorer le taux d’utilisation de toutes les unités de la raffinerie. De bonne augure car c’est l’un des objectifs visé par le projet depuis sa mise en route en 2010.
EXPANSION
Les envies d’expansion de la Sonara sont aussi conditionnées par un marketing efficace, selon quelques avis d’experts. Ceux-ci soulignent que la Sonara doit maximiser les produits dont le marché camerounais et régional est demandeur, à savoir le gazole et le kérosène (jet fuel avions/lampant). Mais il faut aussi prévoir que seuls les produits excédentaires soient destinés au marché d’exportation dans la zone Cemac, au marché de la côte ouest africaine et aux Etats-Unis.
L’enjeu pour la Sonara est de parvenir à saturer la demande sous régionale, car la celle-ci n’est satisfaite qu’à 40 % malgré la construction par les Chinois d’une raffinerie au Tchad voisin, tandis qu’au Nigeria, géant pétrolier, deuxième puissance économique du continent et donc grande consommatrice d’énergie, la capacité limitée des quatre raffineries opérationnelles, ne comble pas les besoins de son marché intérieur fort de quelque 200 millions d’habitants.