Infos Business of Wednesday, 2 March 2016

Source: koaci.com

Les tanneurs de Madjema et le marché artisanal

Un jeune tanneur à l’œuvre Un jeune tanneur à l’œuvre

Les produits issus de l’artisanat sont très prisés par les Camerounais et les touristes étrangers, qui malheureusement ne fréquentent plus la région, à cause de la menace Boko Haram.

La tannerie de Madjéma date d’au moins 100 ans. Elle était d’abord située dans une concession privée, puis dans une esplanade libre au centre-ville, avant d‘être déportée en 1981, à la zone forestière de Madjema, rapporte Baba Wokochaï, la quarantaine entamée, tanneur traditionnel à Maroua (Extrême-Nord).

Tout commence, explique notre interlocuteur, par le « Bain de rivière », qui est considéré comme la première étape. Le processus étant subdivisé en plusieurs phases. « Lorsque nous recevons les peaux fraiches ou sèches, la première étape, c’est l’opération dite de bain de rivière divisée en trois sous étapes. Le trempage, le mouillage ou le rinçage de la peau avec de l’eau. Ceci est fait, soit avec le détergent, un bactéricide ou de l’eau de javel. Cette phase, permet d’enlever le sang et autres saleté sur la peau », confie à KOACI, Baba Wokochaï.

La deuxième sous étape, ajoute l’enseignant d’artisanat, est, « le chaulage, qui permet l’évacuation des poils, ou des mues pour les reptiles », pour le « chaulage », les artisans utilisent, « la cendre de bois », appuyée par « la chaux » et l’opération dure trois jours, au cours desquels, les poils vont facilement quitter sur la peau.

Seconde étape du processus, le déchaulage, « En chimie, lorsqu’on utilise une base, il faudra d’abord la neutraliser dans le déchaulage, nous utilisons les enzymes qu’on appelle les fientes d’oiseaux. Ce sont des excréments de petits oiseaux, ramassés dans les zones herbeuses de Waza. Lorsqu’il y a un coin d’eau, les petits oiseaux viennent s’abreuver et laissent leurs déchets, les commerçants ou les villageois nous les revendent. Ce sont ces déchets que nous utilisons pour le déchaulage de la peau, qui dure 24 heures », explique Baba W., autre grande étape, le tannage, qui est la transformation réelle des peaux en cuir, « le tannage se fait avec l’utilisation du tanin végétal », poursuit le spécialiste.

Il précise, « le tanin végétal que nous utilisons ce sont les fruits d’acacia, “le nautica”. On essaie de le rendre en farine, en le pilant dans le mortier avec de l’eau tiède, si nous voulons une action rapide », enchaine l’artisan.

Ensuite, les artisans trempent la peau qui a été « déchaulée » et « neutralisée » ! « Si la graisse persiste, ou la chair, il faut dégraisser. Il faut écharner la peau. C’est le processus final d’assouplissement de la peau. Après cela, le cuir est prêt à être transformé en produit de maroquinerie, ou pour autre chose », explique Baba Wokochaï.

Les peaux dont les poils sont conservés servent pour les tapisseries ou pour les fourrures. Pour ce cas, précise le secrétaire général de la Tatcam, la peau peut traverser les étapes du trempage, du rinçage, mais n’utilisera pas le chaulage ni le déchaulage, par ce que la peau « n’a pas traversé une base. Elle entre directement en tannage, pour sa transformation directe en cuir, à base de tanin végétal », nous fait-il savoir.
La commercialisation

« L’activité d’artisan nourrit son homme », lance fièrement Baba Wokochaï. Il ajoute, « un artisan, gagne en moyenne 50 000 FCFA (76,22 euros) par mois. À côté de cette activité, il lui reste du temps pour faire l’agriculture, ou l’élevage ».
Toutefois, « les touristes, considérés comme les grands clients, ne fréquentent plus la région à cause des exactions de Boko Haram, ce qui cause un tort aux artisans traditionnels », nous fait-on remarquer.

Les grands commerçants passent des commandes pour faire des livraisons, soit au Gabon, au Congo ou dans d’autres pays d’Afrique comme au Burkina-Faso. D’autres font fabriquer les produits en cuir sur place dans leurs ateliers.

Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus chez Mana Adama, expert métier, maroquinier propriétaire de l’atelier, Kalkal, situé à Maroua — dont la marque « Kalkal » est déposée à l’Oapi —, un des lieux de destination finale des peaux transformées en cuir.

À l’atelier « Kalkal », les artisans fabriquent des objets à base de cuir tanné localement. Du cuir « made in Cameroon ».Ils y fabriquent de la maroquinerie, c’est-à-dire des objets en cuir. Des sacs, des portes-monnaies, des tapis, des ceintures, des bracelets de montre, des chaussures, valises…
« Le cuir que l’on utilise, c’est la peau des petits ruminants, de zébu, de l’antilope, des fois on récupère la peau de serpents ou de crocodiles que les gens ont mangés et ils ont jeté, ou abandonné », déclare Mana Adama.

Avant d’ajouter, « nous faisons des marques de sacs indéterminables. Toutes sortes de modèles nous produisons même des modèles asiatiques ou européens ».

« Le produit Adama Kalkal se vend comme des petits pains dans le monde entier, en France, en Allemagne, au Burkina-Faso… », lance avec fierté le maroquinier.

L’atelier Kalkal a remporté plusieurs trophées dont le premier prix à Abuja au Nigéria, et le premier prix régional à Maroua au salon de l’artisanat.

La ville de Maroua dispose d’un marché artisanal, où se vendent, les produits en cuir, fabriqués dans les différents ateliers de la localité.

Il faut regretter toutefois que l’État traine encore la patte, pour financer ces artisans qui en ont grand besoin.