Amadou Mohaman, Aminou Hamadou et Theodore Kotto Epané sont à pied d’œuvre pour maximiser l’enregistrement des contribuables dans le fichier informatique de la Direction générale des impôts. Ils entendent maximiser l’atteinte des objectifs assignés par la direction générale des impôts et limiter la corruption et diverses fraudes fiscales.
« Il m’a été donné de constater que plusieurs contribuables ne figurent pas dans le fichier en ligne de la direction générale des impôts. Je tiens à préciser que seuls les contribuables en ligne sont considérés comme nos partenaires. A cet effet, j’invite tous les contribuables à se faire immatriculer. »
A travers un communiqué rendu public le vendredi 09 octobre 2015, Theodore Kotto Epané, chef du centre des impôts divisionnaires de Bafoussam, entend renforcer l’adhésion des contribuables de son centre à l’informatisation du fichier en marche au niveau de la Direction générale des impôts du Cameroun.
Il précise que «seuls les contribuables en possession d’une carte de contribuable peuvent inscrits dans le fichier et bénéficier de tous les droits liés à leurs activités et à leurs régimes ». Dans cette foulée, le patron de la division des impôts dans le département de la Mifi demande aux commerçants reclassés à la patente d’établir leur registre de commerce dans l’optique de se faire établir une carte de contribuable actualisé.
Certains commerçants n’y comprennent rien et semblent traîner le pas… Car le 13 octobre 2015 date butoir fixée pour cette régularisation est passée, mais tout le monde n’est pas à jour.
«Pour des besoins professionnels, il faut se mettre à l’informatique. Mes collaborateurs et moi sont à jour. Nous déployons des efforts pour ne pas être à la traîne. Il faut pouvoir gérer les fichiers client en tenant compte de leur informatisation par l’administration fiscale. Au niveau de mon cabinet, je suis arrimé aux exigences de modernisation de l’administration fiscale avec son informatisation.
Mais je comprends aussi les pesanteurs dans lesquelles sont englués certains opérateurs économiques. Ils ont des méthodes qui ne répondent pas toujours à la logique du management moderne », explique Hugues Ngonkeu, conseil fiscal agrée de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale et exerçant à Bafoussam.
Avant-gardiste cet expert en droit fiscal a anticipé. Car aujourd’hui au niveau du centre régional des impôts de l’Ouest à Bafoussam, la devise en vigueur est : «C'est aujourd'hui l'heure du zéro papier » : toutes les professions s'y sont mises, alors pourquoi pas l'administration fiscale ?
Dénicher les fraudeurs et limiter les abus
Pour lui, toute personne figurant dans un traitement automatisé ou un fichier comportant des mentions nominatives dispose d'un droit d'accès aux informations qui la concernent et peut exiger que soient rectifiées ou complétées les informations inexactes ou incomplètes. Et si l'entreprise n'est pas en mesure de produire le fichier exigé dès le début du contrôle ?
La sanction tombera. Alors que, dans le passé, les pénalités étaient lourdes mais théoriques, les nouvelles directives prévoient une pénalité qui sera certainement appliquée à la diligence du chef de centre divisionnaire. Surtout, si elle s'oppose à la transmission du fichier ou ne respecte pas les règles de tenue de la comptabilité informatisée, elle peut subir une évaluation d'office des bases de taxation, ou voir sa comptabilité rejetée.
Ce fonctionnaire est autant catégorique qu’il trouve qu’il est urgent de démasquer les fraudeurs et permettre à l’administration fiscale d’atteindre ses objectifs. Il est autant engagé que courant le mois de mars 2014 au marché « A » de Bafoussam sur près de 2000 contribuables déclarés au régime de l’impôt libératoire plus de 250 fraudeurs avaient été reclassé au régime de la patente.
Il parait donc constant que l’administration considère alors que la comptabilité n'a pas de valeur probante et peut définir un nouveau chiffre d'affaires, qu'il est ensuite très difficile de contester car il y a renversement de la charge de la preuve.
Et c'est alors une spirale dans laquelle il vaut mieux éviter de rentrer. Ainsi, en ce qui concerne la Direction Générale des Impôts, le droit d'accès peut s'exercer notamment au regard des fichiers suivants : impôt sur le revenu, taxe foncière, bail et bénéfices industriels et commerciaux.
Pour ce cadre de l’administration fiscale, cette informatisation, est une option qui favorise la transparence et limite diverses fraudes qui entravent le travail de l’administration fiscale et font, parfois, naître des incompréhensions entre contribuables et agents des impôts.
Pour Aminou Hamadou, les contrôles fiscaux feront le grand bond en avant. Mais dans esprit de courtoisie et de dialogue. « Nous discutons de toutes les questions avec les contribuables. Nous tenons à ce qu’ils aient la bonne information. Notre devoir est aussi de les mettre en confiance afin qu’ils payent le juste impôt », précise-t-il.
C'est en effet presque acquis que les entreprises devront remettre leur comptabilité sous forme informatisée à leur vérificateur, en vertu des dispositions adoptées par la Direction générale des impôts du Cameroun.
Au niveau du Centre des impôts des moyennes entreprises (Cime) de Bafoussam, les fichiers des contribuables provenant de toutes les villes de la région sont affichés à l’extérieur des services.
Au niveau du centre divisionnaire de la Mifi, c’est le même décor. Des actions de communication et d’arrimage à la modernité qui correspondent aux directives de Modeste Mopao, directeur général des impôts, font partie des pratiques. Amadou Mohaman, chef de centre régional des impôts de l’Ouest veille au respect de cette instruction de la hiérarchie de l’administration fiscale.
Pour lui, il est question de travailler en respectant les normes fixées. C’est ainsi que s’adressant à ses collaborateurs, il insiste beaucoup sur le respect des textes, notamment de la loi des Finances et du code général des impôts. Aminou Hamadou, responsable au niveau du centre régional des impôts de l’Ouest se comporte au quotidien en défenseur de cette exigence.
« Nous faisons le tour des centres pour vérifier que les directives de la direction générale des impôts sont respectées. Nous tenons à disposer de toutes les informations pour anticiper, limiter et limiter des conflits ou des contentieux », déclare-t-il. En clair, les contrôles risquent d'être beaucoup mieux ciblés.
On pourrait par exemple voir se multiplier les questions sur la Tva ou les provisions, deux axes déjà en tête de liste des dossiers d'investigation des brigades de vérification des comptabilités informatisées dans les dossiers des directions des vérifications nationale et internationale, qui travaillent essentiellement sur les grandes entreprises.
Par ailleurs, certains redoutent la disparition du «débat oral et contradictoire», qui se noue traditionnellement entre l'entreprise et son vérificateur. Le vérificateur ne peut-il pas travailler sur les fichiers informatiques en laissant le contribuable dans l'ignorance de la nature et de l'étendue des contrôles effectués, ce qui est contraire au principe du débat contradictoire ?
L'entreprise ne peut-elle ensuite se voir notifier des redressements très importants, qu'elle ne comprend pas. À elle de reconstituer le raisonnement et les traitements de l'administration fiscale pour les démonter ? Résolument, il y a aussi un risque en termes de confidentialité.
«L'administration doit restituer les fichiers qu'on lui a confiés. Mais comment savoir si l'administration voire le vérificateur ne conservent pas sur leurs propres systèmes une copie de ces données. Je n'ai jamais pu avoir d'indication sur les éventuelles procédures de contrôle interne mises en place par l'administration pour protéger les données des contribuables, j'ai donc tendance à penser qu'il n'y en a pas…», analyse un expert.
Ainsi, les contraintes pour les entreprises sont d'ores et déjà importantes, et les conséquences sur les contrôles fiscaux pourraient, à terme, se révéler majeures. Et que faire face à l’informatisation du fichier des contribuables ?
Dépersonnalisation des rapports…
Le premier problème est donc d'ordre technique : l'entreprise doit être en mesure de fournir sous le bon format les éléments exigés par l'administration. « Il faut être capable d'extraire les données de ses systèmes d'information, ce qui n'est pas toujours simple dans une grande entreprise, qui utilise un Erp ou bien tient sa comptabilité sur plusieurs logiciels », indique T.Nganteu, spécialiste du droit des entreprises. Mais, au-delà de la technique, beaucoup s'interrogent sur ce que l'arrivée de l'informatique va changer, concrètement, au contenu des contrôles fiscaux.
« L'administration veut lire le fichier fourni par l'entreprise avec ses logiciels, pour y effectuer des tris, des sélections d'écritures, ou encore des vérifications de cohérence avec la liasse fiscale. Elle pourra ainsi s'assurer de la régularité de la comptabilité informatisée, mais aussi préparer le contrôle fiscal sur pièces, en orientant les futures demandes de traitement», explique Hugues Ngonkeu.
« Cela n'est pas une révolution du contrôle fiscal, mais l'informatique va certainement changer la pratique : les investigations et les démarches vont être plus standardisées, plus automatisées », estime Fabrice Ngassam. Pour qui, la limitation des incompréhensions entre fisc et contribuable, pourrait surgir à partir de cette modernisation et de dépersonnalisation des rapports.