Infos Business of Monday, 25 April 2022

Source: Mutation du 25-04-2022

Produits pétroliers : l'inquiétante situation que cache Yaoundé

Le Cameroun est au bord d'une penurie Le Cameroun est au bord d'une penurie

Après Eneo qui s’est plaint de ne plus être approvisionnée normalement en gasoil pour faire tourner ses centrales thermiques, SOSUCAM ferme temporairement son usine de Mbandjock, faute de carburant.

Le spectre d’une pénurie de carburant plane sur le Cameroun. Depuis plusieurs semaines, le gasoil, particulièrement, est rare dans certaines parties du pays et, les récents développements font planer le risque d’une généralisation de la rareté des produits pétroliers dans tout le Cameroun. Une note d’information en circulation sur les réseaux sociaux et attribuée au directeur général adjoint (Dga) de la Société sucrière du Cameroun (SOSUCAM ), annonce la suspension temporaire d’une partie des activités de la structure. Emmanuel Castells explique dans ce document que cette décision est consécutive à des restrictions en termes de livraisons de carburant. « Depuis hier [21 avril, Ndlr], notre fournisseur de carburant ne parvient plus à honorer les livraisons journalières de carburant nécessaires pour notre exploitation », écrit le Dga de la SOSUCAM . La restriction en carburant dans la société, mentionne la correspondance, a commencé en début de semaine dernière, avant d’atteindre le point critique le 22 avril dernier.

Pour faire face à cette situation et en attendant d’avoir une meilleure visibilité, l’entreprise a, notamment, décidé de fermer temporairement son usine de Mbandjock dans la Haute Sanaga (Centre). Cette mesure conservatoire prise dans un contexte marquée par une forte demande en sucre liée au jeûne du Ramadan sera levée, rassure SOSUCAM , dès la reconstitution d’un stock et la reprise régulière des livraisons par le fournisseur.

Cet incident confirme, s’il le fallait encore, les difficultés d’approvisionnement en produits pétroliers en ce moment dans le pays. Le secteur industriel qui fait faisait déjà à une explosion des coûts des facteurs de production relativement à la flambée du fret et des cours des matières premières sur le marché international accusent déjà le coup de cette tension des stocks de produits pétroliers. Mi-mars, le concessionnaire du service public de l’électricité, Eneo, signifiait déjà au gouvernement « l’insuffisance de combustible (Lfo) au niveau de la Société camerounaise de dépôts pétroliers (SCDP) ».

Subvention

Il y a quelques jours, le même opérateur a annoncé que les contraintes qui s’aggravent dans l’approvisionnement en combustibles vont impacter la production de sa centrale thermique de Limbe à partir du 18 avril 2022. Avec comme conséquence, l’accentuation du déficit énergétique, notamment dans la région du Sud-Ouest. Comme la plupart des pays qui dépendent des importations des hydrocarbures, le Cameroun subit en effet les contrecoups de la guerre en Ukraine, qui a provoqué une envolée du cours du pétrole sur le marché mondial. Le cours du baril de pétrole brut, qui avait progressé sur le marché international de 51 dollars à 91 dollars (+78%) entre janvier 2021 et janvier 2022, a bondi à 139 dollars début mars 2022 du fait de ce conflit russo-ukrainien dont les conséquences pour l’économie nationale semblent encore imprévisibles.

A noter que depuis la fermeture de la Société nationale de raffinage (CSPH) en 2019 suite à un incendie qui a ravagé toutes ses installations, le Cameroun qui ne disposait que de cette unique raffinerie importe en totalité les produits pétroliers finis pour sa consommation domestique. Et si l’on en croit le ministre du Commerce et non président du conseil d’administration de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), Luc Magloire Mbarga Atangana qui était face à la presse le 30 mars, le tarif hors subvention d’un litre de super revient actuellement à 1016, contre 1027 Fcfa pour celui du gasoil et 849 Fcfa pour le pétrole lampant. Le gouvernement a pris l’option, pour le moment, de maintenir les prix de ces produits à la pompe à 650 Fcfa, 575 Fcfa et 350 Fcfa, respectivement.

Retour à la normale

Le ministre du Commerce a fait savoir que ce choix va peser lourdement sur le trésor public, qui devra dépenser jusqu’à 672 milliards Fcfa pour soutenir ces prix en 2022, contre seulement 100 milliards Fcfa en 2021. Dans un communiqué signé le 20 avril, le ministre de l'Eau et de l'Energie (MINEE), Gaston Eloundou Essomba, a pourtant annoncé l’arrivée de nouvelles cargaisons de produits pétroliers. Selon lui, ces stocks sont disponibles dans le dépôt primaire de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) à Douala et dans celui la CSPH, à Limbe.

La situation en cours dans certaines entreprises et qui commence à toucher le secteur pétrolier aval vient en tout cas doucher ces assurances du gouvernement. Au MINEE, des sources confient qu’au regard de la conjoncture, la priorité était à l’approvisionnement des stations-services. Et que des dispositions sont prises pour un retour à la normale dès ce lundi. Hier dimanche, il n’y avait pas de gasoil dans les stations- services de Bafoussam, dans la région de l’Ouest.