Teint noir ciré, taille moyenne, le sourire de rigueur et la quarantaine à peine entamée, Rosine Tcheutchoua nous accueille comme si elle était obligée de le faire. Il se dégage de la jeune femme une espèce de timidité qu’elle a du mal à cacher derrière son visage avenant. Engager la conversation semble un supplice. Mais encouragée par son époux, pour ne pas dire contrainte, elle consent à nous accorder un moment de son précieux temps, qu’elle veut tout consacrer à son travail.
«La cordonnerie est un métier que j’ai aimé en voyant mon mari exercer. J’ai voulu comprendre, je me suis essayée et à force, il m’a formée et je me suis lancée », dit-elle tout de go. Et pourtant, ça n’a pas été aussi évident, surtout quand elle voyait les difficultés liées à la disponibilité du matériel et des machines. Pas de nature à se laisser abattre ou décourager, elle se sent l’obligation de le soutenir et s’engage définitivement.
« Je ne regrette pas mon choix, surtout que beaucoup d’hommes m’ont fait confiance. Ce qui m’a énormément encouragée et donné la motivation nécessaire pour bien faire mon travail », et de clamer sa satisfaction. « Dans ce métier d’hommes, je suis satisfaite d’avoir réussi. Il n’y a pas grand-chose que je ne sache faire aujourd’hui », déclare-t-elle avec fierté. Et cerise sur le gâteau, elle a déjà eu à former des femmes et des hommes, et tient à leur dire que « la cordonnerie permet à chacun de gagner son pain quotidien comme tout autre métier, subvenir à ses besoins et nourrir sa famille ».
Reste des doléances qui lui tiennent à cœur, à l’endroit des pouvoirs publics, qui ne font pas « confiance aux cordonniers locaux, et privilégient la friperie et les produits chinois. Regardez dans les collèges d’enseignement technique, il n’y a aucune filière consacrée à la cordonnerie. Qu’on ne nous oublie plus et qu’on nous fasse confiance ». Le message est passé, aux décideurs de chausser leurs crampons pour en faire une réalité.