Infos Business of Sunday, 8 May 2016

Source: journalducameroun.com

Scandale de l’attribution des concessions minières

Le Relufa et le Canadel en conférence de presse Le Relufa et le Canadel en conférence de presse

A la différence des concessions foncières, les conventions minières sont parfois octroyées sans en informer les possesseurs de terres

Le dispositif législatif en vigueur au Cameroun dénote la “volonté” “d’exclure toute participation du public” dans l’attribution des concessions minières, dénoncent le Réseau de lutte contre la faim (Relufa) et le Centre d’accompagnement de nouvelles alternatives de développement local (Canadel).

Les deux organisations de la société civile (OSC) ont présenté hier, vendredi 06 mai, à Yaoundé, les résultats de l’étude de base et de l’audit des dispositifs légaux et institutionnels relatifs à la transparence et à la participation dans le processus d’attribution et de gestion des concessions foncières et minières au Cameroun.

D’après ce qui a été indiqué aux journalistes, l’étude a été conduite entre 2005 et 2015 dans les régions du Centre, du Sud et du Nord.

A la différence des concessions foncières où l’Etat intervient comme gardien du domaine national en prenant l’avis des populations dans le cadre d’une commission consultative, les mines, elles, sont gérées différemment.

La nature des prérogatives de l’Etat sur les mines, telle que précisée dans l’article 6 de la loi du 16 avril 2001 portant Code minier dispose que: “la propriété des mines est distincte de celle du sol. Les mines sont et demeurent la propriété de l’Etat”. Au vu de cette loi, le Relufa et le Canadel regrettent que tout se négocie entre l’Etat et le demandeur; “même les propriétaires et possesseurs de terres ne sont informés qu’après la conclusion de la convention minière”.

Depuis l’avènement du nouveau Code minier en 2001, révisé en 2010, le Cameroun a attribué 325 permis miniers “qui demeurent pour la plupart au stade de l’exploration”. Riche de plus de 52 ressources minérales, le sous-sol camerounais demeure sous exploité; tout comme son sol, reconnaissent le Relufa et le Canadel.

D’après des données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui ont été reprises dans l’étude restituée hier à Yaoundé: le Cameroun dispose d’environ 6,2 millions de terres arables, sur lesquels 26% sont effectivement utilisés (environ 1,3 million d’hectares); 240 000 hectares de terres irrigables mais où seuls 17% de ces dernières (33 000 hectares) sont exploitées.

Opacité entretenue

“Depuis 2008, on observe une augmentation significative de demandes de terres arables”, relève l’étude. “En effet, avant 2008, les plus grandes superficies avoisinaient les 58 860 hectares pour un investissuer et aujourd’hui, les demandes identifiées par l’étude dépassent le seuil de 600 000 hectares pour un seul investisseur”.

Il s’agit en l’occurence de la Société malaisienne Sime Darby, qui a sollicité 600 000 hectares de terre pour développer des plantations de palmier à huile et d’hévéa. Les négociations sont encore en cours.

Côté mines, l’étude du Relufa et du Canadel nous apprend que “plus de 17% du territoire national sont sollicités aux fins de projets miniers industriels”. Dans certaines régions, comme l’Est, 33 210 Km2, soit ? de la superficie de cette région, ont déjà été mises à disposition de certains industriels aux fins de concession minières.

Opacité entretenue, corruption: deux maux qu’on le retrouverait aussi bien dans le domaine agro-industriel comme dans celui des mines.

Responsables d’administrations au niveau central comme au niveau régional, autorités traditionnelles, élites locales: tous feraient parfois prévaloir leurs propres intérêts au détriment du bien être des populations. “Au terme de l’analyse sur le jeu des acteurs, il a été donné de constater qu’aucune des parties prenantes ne saurait être dispensée dans l’opacité qui caractérise le processus d’attribution des terres aux fins d’exploitation agroindustrielles et minières”, affirment les deux OSC.

Recommandations

Pour une meilleure prise en compte des intérêts des populations et une participation plus efficiente de ces dernières lors de l’attribution des concessions foncières, le Relufa et le Canadel plaident pour une réforme de la Commission consultative prévue dans le décret du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national. Cette dernière, recommandent les deux organismes, devrait comprendre des représentants de la société civile et des élus locaux.

La Commission siège actuellement avec au moins huit membres: deux notables, un chef traditionnel et le reste venant de l’administration. En cas de vote dans ce cas pour un projet litigieux, l’administration prendrait toujours le dessus. “Que dans le texte, nouveau, la commission consultative avec la nouvelle composition n’aie plus un simple rôle de constat de la mise en valeur, mais devienne une force de proposition en ce que son avis est pris en compte pour la décision d’octroi des concessions définitives”.

Outre la sensibilisation des populations et acteurs locaux sur leurs droits, le Relufa et le Canadel suggèrent, dans leur audit, de réviser le Code minier en y inscrivant notamment que “les mines sont la propriété du peuple camerounais” et l’Etat en assure sa gestion, ce qui pourrait l’amener à rendre régulièrement compte aux bénéficiaires.

Il faut cependant souligner que les communautés sont tout de même consultées pour des projets miniers au Cameroun, dans le cadre d’audiences publiques lors de la réalisation des études d’impact environnemental et social ainsi que des audits environnementaux et sociaux.

Le Cameroun a aussi adhéré à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui l’oblige à rendre régulièrement public un rapport sur l’exploitation de ses ressources naturelles. Mais pour la société civile camerounaise, des efforts restent encore à faire.