Raphaël Hamadjam, chef de la cellule de traitement des statistiques et des données du commerce extérieur à la Direction générale des douanes.
Peut-on dire que le bilan de l’Accord de partenariat économique Cameroun-Union européenne à ce jour est en phase avec les projections de départ ? Concernant la mise en œuvre du démantèlement, tout se passe comme prévu. Les dispositifs mis en place tant au niveau du Comité national chargé du suivi de la mise en œuvre de l'accord de partenariat économique bilatéral Cameroun-Union européenne (CSMO-APEB/CAM-UE) qu’à la Direction générale des Douanes, fonctionnent parfaitement. Le calendrier est globalement respecté en dehors de la pause de quelques mois observée entre le 04 août 2020 et le 31 décembre 2020 du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19. Par contre, la moins-value fiscale enregistrée est bien en dessous des projections annoncées par diverses études du fait entre autres des difficultés rencontrées par les entreprises à justifier l’origine des produits, et du recours par certaines entreprises à des facilités plus alléchantes, notamment celles liées à la Loi de 2013 fixant incitation à l’investissement privé en République du Cameroun. Les populations ressentent-elles au quotidien les effets des APE? Il convient de relever que ce qui apparaît comme une perte de recettes pour l’Etat est en fait un gain pour les entreprises importatrices. Tout se passe comme si l’Etat restituait aux importateurs une partie des droits et taxes qu’ils devaient supporter. Ainsi, l’une des conséquences de cet accord est la réduction des coûts d’importation. Cet impact ne peut se capter qu’après une étude appropriée menée sur le terrain et non une simple observation, car le prix d’un produit est fonction de plusieurs variables. Sinon il peut déjà être relevé de manière générale que l’Accord de partenariat économique présente des avantages qu’il convient de ressortir. Premièrement, l’accès au marché de l'Union européenne en franchise et sans contingent pour toutes les importations des biens originaires du Cameroun. En signant cet accord avec l’UE, qui est l’un de nos principaux clients avec environ 40% des parts de marché, le Cameroun a préservé l’accès de ses produits au marché européen. Ce qui permet au pays de réduire les risques d’aggravation du déficit commercial, de garantir le rapatriement des devises, de préserver des emplois, etc. Ne pas signer un accord avec l’UE aurait conduit à un impact sur la compétitivité de nos produits. Avec des conséquences sur le volume des exportations, la balance commerciale, la balance des paiements et l’emploi généré par la production des biens exportés. Deuxièmement, l’amélioration du bien-être des populations. Quid des opérateurs économiques ? L’une des conséquences de l’ouverture commerciale acceptée par le Cameroun est la baisse des prix des produits importés sur le marché national. Ce qui devrait susciter une amélioration du surplus du consommateur et un accroissement du bien-être. Troisièmement, un gain fiscal pour les entreprises. En effet, ce qui apparait comme une perte de recettes douanières est un gain fiscal pour les entreprises importatrices. Avec ce gain, l’on assiste à une réduction du coût des importations, avec comme conséquence attendue, l’accroissement de la rentabilité et de la compétitivité des entreprises fortement utilisatrices de matières premières, de biens intermédiaires et de biens d’équipement. De manière globale, les statistiques douanières montrent que le montant de 80,4 milliards de F de moins-value fiscale a profité principalement aux importations: de biens intermédiaires (34,7%; 27,9 milliards) tels que le clinker, matière première principale pour l’industrie de la cimenterie (6,2 milliards), les intrants pour l’industrie brassicole (6 milliards), les bitumes de pétrole (3 milliards) et les engrais (1,7 milliard) ; de consommation des entreprises (33,3% ; 26,7 milliards) tels que les papiers et cartons pour l’imprimerie (13,1 milliards), les machines et appareils mécaniques (13 milliards), les pesticides, etc. ; d’équipement industriel (13,7% ; 17 milliards). Il y a aussi le matériel de transport (6,6% ; 5,3 milliards) ; de consommation des ménages (2,8% ; 2,8 milliards).