Lors de sa dernière mission d’inspection au Cameroun, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a constaté que l’activité de la microfinance, pourtant florissante dans le pays, se faisait en marge de la réglementation en vigueur dans la sous-région Afrique centrale, notamment dans le compartiment du transfert d’argent. Le régulateur du secteur bancaire de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Cemac) a révélé que les Emf opérant dans le transfert des fonds pratiquaient des taux autres que ceux définis par lui. En effet, les dispositions de la Cobac en la matière prévoient que, pour un transfert de 10.000 F Cfa, par exemple, la prestation de l’établissement dans lequel est effectuée la transaction coûte 25 F Cfa. Un taux qui se situe à des années lumières de ceux pratiqués par l’ensemble des établissements en activité au Cameroun : le client paie entre 400 et 500 F Cfa pour un transfert de 5000 F Cfa, et environ 800 F Cfa pour 10.000 F Cfa. Au fait, pourquoi la réglementation de la Cobac en matière de transfert d’argent ne peut-elle pas s’appliquer sur le terrain ?
« Ça ne peut tout simplement pas marcher parce qu’on essaie d’appliquer aux établissements de première catégorie la réglementation bancaire ! En banque, vous n’irez jamais transférer 5000 ou 10.000 F Cfa ; on transfert 100.000, 200.000 F Cfa et plus. Et, la commission ici est substantielle, même si elle est de 1 F Cfa, c’est visible », a expliqué mardi dernier à Yaoundé, le président du conseil d’administration de l’Association des Mutuelles communautaires de croissance (AMc2) et de la Mutuelle financière des femmes africaines (Muffa), David Tamgnoue, lors de la 6e assemblée générale de cette association. Pour lui, dans un contexte de précarité et de misère ambiante comme c’est le cas dans nos villages, « où on se trouve parfois dans l’obligation d’envoyer un transfert de 2000 voire 1000 F Cfa à un parent pour acheter un litre d’huile », il est absurde « qu’on nous demande de facturer la prestation à 10 F Cfa ou 25 F Cfa pour 5000 F Cfa ». « Quand on voit l’ensemble des charges engagées : le papier, le personnel payé, la connexion internet pour transférer, l’électricité, etc., ça revient simplement à dire que, pour quelqu’un qui veut transférer 2000 ou 5000 F Cfa, qu’on sorte 500 F Cfa de nos caisses pour les lui donner. Tout ceci fait que la recommandation de la Cobac peut difficilement passer, dans le cadre d’une finance inclusive, qui doit davantage se rapprocher des usagers », explique-t-il.
Impôt asphyxiant
Avant d’ajouter : « Tout le monde n’est pas Cca [Caisse communautaire d’Afrique, Ndlr], la Régionale ou Comeci. Eux, c’est des établissements de deuxième catégorie qui vendent leur argent et qui réalisent des bénéfices. Nous, en zone rurale, aidons plutôt l’Etat à faire sortir les populations de là-bas de la précarité. On mérite plutôt d’être encourager ». L’autre problème que posent les établissements de microfinance actuellement est lié à leur assujettissement au paiement de l’impôt sur les sociétés (Is). Ils jugent « mortel » celui-ci, dans la mesure où la plupart des établissements de microfinance fonctionnant en zone rurale affichent des bilans négatifs. « Statistiques faites, on se situe à 40%.
Si les résultats sont négatifs pendant qu’on nous demande de payer les impôts sur les bénéfices, avec un acompte de 2% qu’on prélève par mois, où va-t-on trouver de l’argent pour financer ne serait-ce que ce précompte de 2% ? On sera donc obligé d’aller puiser dans le dépôt des mutualistes pour payer l’Etat parce qu’il n’y aura pas eu bénéfice », s’offusque le chef d’entreprise. Qui conclut non sans raison qu’on ne peut pas mettre les Emf de première et deuxième catégorie dans le même panier, étant donné que les deuxièmes sont « des sociétés de capitaux, des sociétés anonymes qui ont choisi de travailler avec des usagers pour se faire de l’argent ».