La bataille concerne 12,5 hectares de terrain acquis par la Mutuelle secours de la compagnie tombée en faillite.
C’est à la demande du liquidateur de la société Bekolo and Parteners, représentée par Emile Christian Bekolo qui a introduit une requête le 21 octobre 2015, aux fins de constater la dissolution de la Caisse de Secours mutuel de la Société Cameroon Airlines (Csm).
La décision est donc rendue et l’expert judiciaire Désiré Elouna Atangana est désigné comme liquidateur de la Csm. Ce qui n’est pas du goût de certains ex-employés, du moins la grande majorité qui sont membres de pleins droits de cette structure créée en 1973 et qui s’est octroyée 12,5 hectares de terrain au quartier Logbessou à Douala.
En parcourant l’extrait des minutes du tribunal de grande instance du Wouri, en page 3, le tribunal s’entend : «ordonner la liquidation des biens en application des dispositions de l’article 37 des statuts».
Ici donc commence la grande confusion juridique, car à voir les documents brandis par les uns et les autres, on peut se demander ce qui a motivé la justice à rendre une telle décision sans tenir compte des arguments de tout le monde.
Dans le jugement rendu, le nom de Me Marquise A. Eboutou, notaire à Douala comme auxiliaire judicaire portant statuts authentiques de la Caisse de secours mutuel des ex-employés de la Camair.
Ce qui apparait comme une grande contradiction puisqu’en date du 23 novembre 2010, Luc Ndi Ndi, juge au tribunal de première instance de Douala Bonanjo saisi par certains membres de la mutuelle qui ont constaté la vente des parcelles du terrain de la Csm, a fait une descente au cabinet du notaire pour authentifier les statuts cités plus haut. Dans la copie du document à nous remis, il est clairement écrit : «le document que la Camair présente comme étant une expédition ne vient pas de notre cabinet», reconnait Me Ngo Boock au terme de l’enquête.
Bataille autour de 12.000 m² de terrain
A en croire certaines sources, tout commence en 2006 avec la grande annonce affichée au babillard de la Camair en liquidation sur la vente du terrain. Un groupe de mutualistes qui sont informés va se précipiter en saisissant Dakayi Kamga, alors directeur général de la compagnie, qui a demandé à voir le titre foncier qui «a été malheureusement caché par les personnes de mauvaise foi tapies dans l’ombre», nous explique-t-on.
Aucune suite n’est donc donnée jusqu’à l’arrivée de Ngamo Hamani à qui l’on aurait promis 2 hectares. «C’est cela qui l’a motivé à sortir une note de service, ordonnant la vente d’un terrain collectif», déclare un membre du collectif contestataire qui a saisi le tribunal pour la rétraction de l’ordonnance n° 1710 du 29 décembre 2008 qui avait été donnée au Liquidateur Sté Bekolo and Partners qui avait sollicité et désigné Pierre Etienne Tam comme liquidateur de la Caisse Secours mutuel la désignation.
Le débat est tranché le 21 décembre 2010 avec l’ordonnance n° 664 de référé d’heure en heure qui au regard de l’urgence, annule et «ordonne la rétraction de l’ordonnance n° 1710 du 29 décembre 2008 rendue par Madame la présidente du Tribunal de première instance de Bonanjo Douala – condamne la société Camair SA en liquidation aux dépens… »
Revenant sur les statuts, les professionnels du droit sont formels. «Il ne peut avoir deux statuts pour une même structure». Et les sources proches du dossier au tribunal nous révèlent que : «les statuts en vigueur sont ceux qui ont été consignés sur le document signé le 14 août 1982 par le président directeur général, Amadou Bello et qui n’ont au total que 29 articles et non 37.»
Des informations vérifiées puisque le document est dans les archives bien conservées par un membre du collectif, et l’on peut lire dans l’article 4, alinéa 2 que : «la perte de la qualité de membre affilié ne rétroagit pas sur les droits à prestations ou avantages nés antérieurement à la date de cette perte..»
Et l’esprit du texte est donné : «ceci veut dire clairement que ceux qui ont été là à la création et affiliés restent bénéficiaires de tous les acquis. La seule que nous perdons ce sont les remboursements des frais médicaux. Et c’était fait pour 99 ans», explique B.G.B qui va plus loin, en nous faisant lire le protocole d’accord relatif au traitement du volet social de la privatisation de Cameroon Airlines du 16 août 2016.
En son article 3, alinéa 2, « Caisse de secours mutuel : «ordonner un audit complet de la CSM – reverser la dette de Cameroon Airlines à la CSM – Réactiver la CSM», lit-on. Pour le collectif, «il n’a jamais été question de liquider la Caisse de Secours mutuel des ex-employés de Cameroon Airlines, puisque cela constitue un patrimoine privé, un bien commun qui ne peut être confisqué par une minorité qui n’a même pas été là au moment de sa création et qui s’est attribuée des lots non sans vouloir vendre le tout.»
Cet autre jugement rendu par François Xavier Mbono, président du tribunal de Grande instance du Wouri, vient une fois de plus semer la confusion dans les esprits d’une majorité des ayant-droits qui crient au scandale, parce que n’ayant même pas été informés, encore moins présents à l’audience du 4 janvier 2016.
En rappel
C’est en 1973 que tout débute. Les cadres ayant des remboursements médicaux à 100%, les agents de maitrise, un peu. Les subalternes, rien du tout. Amadou Bello, qui décide de créer la caisse de Secours Mutuelle avec pour but de permettre aux employés de payer leurs frais médicaux. Et tout marchait à merveille et dans les caisses, 70 millions Fcfa ; nous sommes là en1979, avec 1750 membres.
Et le bureau en place pense donc à l’investissement au lieu de garder l’argent. Et de commun accord avec tous les membres, un terrain est acheté à Logbessou (Douala) de 12,5 hectares en 1980 ; le titre foncier sort en 1982 et c’est le fruit de cotisation de 2000 agents. Les responsables de l’époque pensent plus sérieusement et une instruction portant le statut de la caisse Secours mutuel du 14 août 1982 signée par Amadou Bello.
1990, débutent alors les compressions alors même que les membres avaient contacté les banques et certains organismes internationaux pour créer une cité dans l’espace querellé aujourd’hui. Dans le cafouillage, tous les mutualistes partent de la Camair et sans penser au terrain acquis. Ce qui va profiter aux «esprits éclairés» qui, en 1995, décident de rédiger un document appelé «nouveaux statuts» qu’ils iront déposer chez le notaire, Me Marquise Eboutou. Juste pour leur donner des titres et droits d’un terrain pourtant collectif.
L’affaire va donc connaitre d’autres rebondissements dans les tous prochains jours, le collectif ayant décidé d’attaquer le jugement en faveur du liquidateur Bekolo, «..La caisse Mutuelle n’est pas un bien de la Camair pour que le liquidateur s’y mêle. C’est nos cotisations et rien de plus. Et la copropriété est indivise. Ce qui veut dire qu’on ne décide pas seul sur la gestion. Les ayant-droits se concertent et décident du mode de gestion», soutiennent-ils à l’unanimité.