Manuella Kuisseu, 40 ans et Clémence Djuidja Tedom, 37 ans, étaient jugées au Tpi de Douala-Bonanjo ce 6 novembre, accusées par sept plaignantes pour escroquerie en coaction. En 2015, par divers moyens telle la promesse d’une opportunité d’affaires, le secours à une « sœur en Christ » en difficulté, des soins à un proche désespéré, etc., elles auraient réussi à dépouiller des dizaines de femmes toutes inconnues mais porteuses de récits similaires truffés d’anecdotes.
La septuagénaire Julienne Tedom a ouvert le bal des accusations.
« Les femmes-là m’ont tournée comme ça… comme ça… Je ne comprenais plus ma tête (sic) », a expliqué la vieille dame dans une salle tordue de rires par son français mâtiné d’exclamations typiques des grassfields.
Si Mme Nodem, commerçante au marché Deido, ne « savait plus ce qu’elle faisait », au point de remettre 800.000 F à des inconnues qu’elle a amenées jusqu’à sa banque, c’est qu’elle a dû être victime de quelque sortilège. C’est du moins ce qu’a clamé une des requérantes, chef d’agence d’un établissement de micro finance : « Elles pratiquent ! C’est comme si elles mâchent des remèdes (sic) avant de parler. Sinon, comment aurais-je pu ? ».
Dans les témoignages, mots et procédés reviennent : « Je n’imaginais pas que les femmes aussi frappaient [escroquaient, Ndlr] ; elles m’ont dit qu’elles ont essayé de se faire aider en vain par le pasteur, le curé [le nom est donné à chaque fois pour la paroisse correspondant au domicile de la victime, Ndlr] ; elle a salué ma voisine en prétendant que c’est sa cousine paternelle et plus tard ma voisine a expliqué qu’elle a répondu parce qu’elle croyait que c’était ma sœur ; j’étais dans le taxi, elle s’est mise à fumer, et je me suis évanouie ; elles pleuraient en frappant à ma porte ; le taximan m’a dit qu’il allait d’abord me déposer… ; elles ont prié et dit que j’ai été seule à accepter de les aider chrétiennement ; après leur rencontre j’ai passé plusieurs jours prostrée… »
En réaction, les accusées ont tout nié sauf un seul cas, celui d’Odette Ngounou. Selon Mme Kuisseu, indignée, tout serait parti d’une dette contractée auprès de Mme Ngounou, « Clémence étant témoin ». Mensonge, rétorque la plaignante car elle ne les « avait jamais vues auparavant ». Et pourquoi diable prêter de l’argent à des inconnues ? Simplement : « pour aider un enfant malade et rencontré à l’hôpital ». La défense tentera aussi de montrer la cupidité en face. Les accusées auraient fait croire qu’elles disposaient de dizaines de millions de francs détournés par un parent en fuite dans une banque en faillite et gardés dans une maison sous scellés.
Le prêt devant servir à corrompre les gardes. Reste un os : les accusatrices, étrangères l’une à l’autre, ne peuvent s’être entendues pour nuire. C’est le résultat d’une action des médias d’après les accusées : « En août 2015 quand on nous a amenées au commissariat, [une radio] a annoncé cela, des femmes (une vingtaine) ont accouru… ».
Pour éviter que le procureur ne requière leur culpabilité le 4 décembre 2015, Manuella Kuisseu et Clémence Djuidja Tedom qui se présentent comme d’honnêtes commerçantes n’ont pas pu expliquer comment des appels entre le téléphone de cette dernière et celle d’une plaignante, Martine Dipoko, ont pu se faire neuf mois avant l’interpellation suite à une rencontre fortuite. C’était le dernier hic.