7 corps ont été découverts, dont un seul identifié, dans une palmeraie qui appartient à Agbai Okodji en fuite, de nationalité nigériane, mercredi 25 novembre 2015. Une enquête est ouverte à cet effet à la brigade de gendarmerie de Bonépoupa.
Le jeune Isaac Bwigni, un conducteur de moto de Taxi âgé de 20 ans, a été conduit à sa dernière demeure jeudi 26 novembre 2015 au village Bonépoupa dans le département du Nkam, région du Littoral. Il emporte avec lui à l’au-delà le secret des circonstances exactes de sa mort. Dieu seul sait, ce par quoi, ce « Benskineur» qui laisse derrière lui une petite fille de deux semaines, est passé dans la journée du vendredi 20 novembre 2015.
C’est depuis ce jour-là, que la famille de ce jeune débrouillard est restée sans nouvelle de leur fils. Inquiète, elle signale sa disparition à la Brigade de gendarmerie de Bonépoupa le lundi 23 novembre 2015. Cette unité qui lance aussitôt un avis de recherche. Un autre conducteur de moto témoigne l’avoir vu transporter un client dont-il avait décliné l’offre quelques minutes plutôt. Cet homme, avait alors proposé 15000F Cfa pour être conduit dans une plantation située à 6 Km de la localité de Pk 36, sur le tronçon qui conduit au village Ndjeng.
Suivant les indications données par ce chauffeur, un groupe de conducteurs de moto passe au peigne fin cette plantation de près de 100 hectares. Ils font une découverte macabre. Ce qui était jusqu’alors une palmeraie, est désormais un cadre de crime. Il y avait 4 corps humains en décomposition avancée. « Les forces de maintien de l’ordre sont arrivées sur les lieux et ont pu identifier d’autres cadavres vidés de leurs os. Il y en avait trois au total, ce qui porte à 7 le nombre des victimes », explique une source proche du dossier. Un seul corps a pu être identifié, celui du conducteur de moto taxi qui a été remis à la famille. En attendant le rapport médical, tous les indices laissent croire qu’il est mort égorgé. Les autres cadavres ont été inhumés dans une fosse commune par les sapeurs pompiers le 2 décembre dernier dans cette localité en présence du préfet du département de Nkam et des autorités judiciaires.
Un nigérian de nationalité
Même si les enquêtes sont encore en cours, tous les soupçons pèsent sur le propriétaire de cette palmeraie qui est le dernier à avoir vu le conducteur de mototaxi en vie. Il s’appelle Agbai Okodji. Il est né en 1955 à Abiriba au Nigeria et réside au Cameroun depuis plusieurs années. Ce Nigérian très redouté dans ce village est porté disparu depuis cette triste journée. Il est soupçonné de trafic d’ossements humains et est très recherché en ce moment pour répondre de ces crimes. « C’est un homme qui a terrorisé tous les riverains dans ce village. Il vivait coupé du reste du village », confie Mathias Ngoloko, un habitant du village Mangoulè 2. Selon les témoignages, il vivait avec un petit garçon dans un campement construit au milieu de cette plantation de palmiers. « Il sortait régulièrement avec un bidon de près de 20 litres. Ce qui était curieux pour un exploitant d’une grande palmeraie comme la sienne. C’est probablement dans ces récipients qu’il conservait son butin », explique une autre source.
Ambassadeur
C’est en effet depuis 2000 que cet ancien « commerçant » commence l’exploitation de ce vaste champ. Le terrain est acquis en 1994 par son défunt frère aîné, pour une exploitation commerciale. Le disparu avait prévu y construire une entreprise de transformation de noix de palme baptisée Genocid. Un investissement qui a séduit la chefferie du village Mangoulè 1 propriétaire des terre et qui malheureusement n’a jamais vu le jour jusqu’au décès de l’acquéreur. La vente de ce terrain, selon une source, a également fait l’objet d’un litige entre les chefferies Mangoulè 1 et 2, le second reprochant au premier d’avoir empiété sur son territoire.
Agbai Okodji devient alors le nouveau propriétaire du terrain après la mort de son aîné. Il sème la panique autour de lui. Ce Nigérian fait l’objet de plusieurs plaintes non seulement des villageois, mais également des chefferies traditionnelles de Mangoulè 1 et 2. Les autorités administratives du Nkam et même la Présidence de la République sont saisies depuis 2014 à cause des exactions commises par cet individu. Cependant toutes ces alertes sont restées sans suite. Il est accusé en plus de menacer les autochtones, de les empêcher de cultiver leur terre. Il refuse également d’obtempérer aux multiples convocations du chef de village Mangoulè 2. « Il aimait narguer les gens en disant qu’il est intouchable, qu’il compte sur son carnet d’adresses et qu’il est protégé par l’ambassadeur du Nigéria au Cameroun. C’est ainsi qu’il avait bloqué toutes les voies d’accès passant par sa plantation, occupait certains champs riverains et arnaquait certains habitants », se souvient un habitant du voisinage.
Un employeur hors du commun
Avant ce drame, Agbai Okodji était aussi connu pour ses frasques avec ses employés. Selon les témoins, c’était un patron réputé dans des choix peu catholiques de ses travailleurs. « Il sollicitait toujours des jeunes garçons âgés entre 16 et 18 ans, célibataires sans petite amie. Qu’il renvoyait après deux ou trois semaines sans les désintéresser », explique, un jeune de cette localité. Dibong Mbock II est l’une de ses victimes. Il fait partie d’un groupe de cinq jeune garçons employés par ce Nigérian par l’intermédiaire d’un tiers pour défricher une parcelle de 11 hectares un quart. En contrepartie, ils devaient percevoir la somme de 400 000 F Cfa. A la fin du travail qui a duré trois semaines, ils ont perçu 125 000 F CFa au lieu du montant convenu. « Il a porté plainte contre nous au tribunal de premier instance de Yabassi pour agression parce que nous lui avons demandé de nous payer notre dû. Le procès est encore en cours », explique t-il.
Cet ex-employé avoue n’avoir rien remarqué pendant cette période d’anormale dans cette plantation. Il décrit son ex-patron comme un personnage très discret et réservé qui s’adressait uniquement à son fils et lui interdisait tout contact avec les étrangers. «Quand il nous a embauchés, il nous disait qu’il devait construire une raffinerie et qu’on devait continuer de travailler ensemble », se souvient ce jeune. Cette raffinerie peut-être en gestation ne verra probablement pas le jour. C’est désormais des villageois plongés dans la peur et la stupéfaction qui pleurent leurs morts, tout en espérant que le coupable soit arrêté et châtié comme il le mérite. Une enquête est en cours avec plusieurs pistes à explorer. En attendant les résultats, plusieurs questions restent toujours sans réponses. Comment un individu comme celui qui est aujourd’hui recherché n’a jamais été inquiété même après plusieurs plaintes à son encontre ? Peut-être cette boucherie humaine aurait pu être évitée si chacun des maillons concernés avait pris ses responsabilités en main.