La communauté Bele Bele et le public intéressé ont récemment appris, lors d’une conférence à la fondation AfricAvenir à Douala, que les autorités allemandes se trouvent depuis peu dans de bonnes dispositions pour remettre le Tangué de Kum’a Mbape Bell alias Lock Priso à la famille de ce souverain des Bele Bele, à l’époque de l’invasion coloniale allemande au Cameroun. Le Tangué est en effet la proue de la pirogue princière à bord de laquelle Lock Priso menait la résistance à l’envahisseur.
Vaincu, le prince régnant sur ce qui était alors Hickory Town, aujourd’hui connu comme Bonabéri (Douala IV), perdra ce signe de prestige et de leadership. Le consul allemand Max Buchner qui fit bombarder l’enclave nationaliste d’Hickory Town dira alors du Tangué qu’il venait de prendre par la force, qu’il s’agit de son « butin le plus précieux […] une grande sculpture » qu’il enverra à Munich comme trophée de guerre.
Seulement, plus d’un siècle plus tard, le professeur Kum’a Ndumbe III, petit-fils et successeur de Lock Priso, a entrepris de faire rentrer dans le patrimoine familial le Tangué de son illustre ancêtre. D’un point de vue historique et moral, la pirogue battant pavillon royal des Bele Bele n’est-elle pas plus légitime sur les eaux du Wouri que dans un musée ethnographique allemand ? Ainsi semble résumée et clarifiée la question que Kum’a Ndumbe III a régulièrement portée à l’attention du public camerounais.
Pour autant, les discussions entamées avec les autorités allemandes ont achoppé sur des questions procédurales. En somme, la position de l’Etat de Bavière, qui possède et peut disposer du Tangué selon les lois allemandes est qu’« Il sera nécessaire de prendre les précautions et les garanties concernant la revendication légale de la propriété. Les documents permettant d’établir la preuve de propriété devront être fournis par l’ayant-droit, pour […] que le Tangué rentre là où il se doit ». Une position de bon augure pour ce bien culturel et politique, témoin de la résistance camerounaise à la colonisation ; même si les dates prochaines à suivre dans le calendrier des discussions demeurent encore imprécises.