De 2006 à 2012, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont été régulièrement espionnés par la NSA, l’agence américaine spécialisée dans le renseignement électronique, d’après des documents publiés mardi 23 juin par WikiLeaks, Mediapart et Libération.
Le contenu de ces discussions confidentielles ne surprendra pas grand monde : on y lit que Nicolas Sarkozy se considérait en 2008 comme « le seul homme capable de résoudre la crise financière » ou qu’il estimait que c’était « la première fois que les États-Unis n’ont pas agi en leaders dans la gestion d’une crise mondiale et la France va maintenant prendre la main ». Mais ces documents, hautement classifiés, permettent d’avoir, pour la première fois, un aperçu de la quantité d’informations à laquelle peuvent accéder les services de renseignement américains, et ce au plus haut niveau de l’Etat français.
Cet espionnage a perduré au moins jusqu’à l’accession de François Hollande à l’Elysée. Un document de la NSA daté du 22 mai 2012 — trois jours seulement après son entrée en fonctions — mentionne la volonté du nouveau président d’organiser une rencontre avec l’opposition allemande pour évoquer une sortie de la Grèce de la zone euro. Cette note de synthèse se base sur une conversation entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault : preuve que les grandes oreilles de la NSA ont l’ouïe qui porte jusqu’au sommet de l’exécutif. Cette réunion aura bel et bien lieu un mois plus tard.
A ce stade, l’Elysée n’a pas réagi officiellement à ces révélations. L’entourage de François Hollande fait cependant savoir à Mediapart que la conversation avec l’ancien premier ministre lui semble « tout à fait crédible ». Un conseil de défense sera par ailleurs réuni mercredi matin.
Une liste de numéros de téléphone
Un document, que Libération date de 2010, liste les numéros de téléphone auxquels s’intéresse la NSA. Parmi eux, on compte celui du président, à l’époque Nicolas Sarkozy, mais également ceux de certains de ses très proches collaborateurs, comme Jean-David Levitte (conseiller diplomatique) ou Claude Guéant (secrétaire général de l’Elysée). On compte également dans cette liste celui du porte-parole des affaires étrangères, le secrétaire d’Etat au commerce extérieur (Pierre Lellouche) ou celui aux affaires européennes (Jean-Pierre Jouyet). Plus inquiétant : figure sur cette liste un poste téléphonique de l’Elysée chargé des communications internes à l’exécutif.
Jacques Chirac, à la toute fin de son mandat, a également fait l’objet d’une forme de surveillance. Suffisamment en tout cas pour que les échanges avec Philippe Douste-Blazy, alors au quai d’Orsay se retrouvent dans une note de la NSA. Celle-ci explique que le président d’alors a donné à son ministre des instructions « détaillées » afin de propulser un diplomate au poste de secrétaire général adjoint de l’ONU. Dans cette note, celui qui est alors ministre des affaires étrangères en prend pour son grade : dans une phrase destinée à contextualiser le contenu de la note, l’analyste de la NSA explique que la précision de ces instructions peut être expliquée par sa « propension […], amplement démontrée dans le passé et qui explique les nombreuses réprimandes du président, à faire des remarques importunes ou inexactes ».
Ces conversations ont-elles été captées depuis les dispositifs de surveillance installés, depuis longtemps, au dernier étage de l’ambassade américaine, située à un jet de pierre des jardins de l’Elysée ? Ou bien par d’autres moyens, notamment des antennes allemandes, comme croit savoir Mediapart ? Les documents publiés ce mardi sont très discrets à ce sujet.