Agé de 31 ans, Yvan Sagnet a été élevé au rang de Chevalier de l’ordre du Mérite en Italie pour sa lutte contre l’exploitation indigne de migrants africains dans les champs de fruits et légumes du pays. Une distinction reçue des mains du Président italien, en compagnie de quarante (40) autres personnes.
Pour en arriver à cette reconnaissance par l’Etat italien (qui pendant longtemps a feint d’ignorer cette tragédie humaine en ce 21ème siècle), Sagnet a dû affronter la colère de la mafia locale de la région de Pouilles, alors qu’il ne pouvait pas rester sans action au regard des conditions de vie inhumaines, des salaires misérables que vivent les migrants africains et par rapport auxquelles il a été témoin. Et c’est ce combat qui lui vaut cet honneur.
Comment Yvan Sagnet en est là?
«J’avais raté un examen, je n’avais plus droit à ma bourse. Il fallait trouver de l’argent, alors sur les conseils d’un ami, je suis parti ramasser des tomates», raconte Yvan Sagnet. C’était en 2011 où, jeune immigré, il était à la recherche d’un boulot pour financer ses études. Et c’est ainsi qu’il fut conduit à Nardo où une exploitation était à la recherche des saisonniers employés à la journée.
Il fut sidéré par sa découverte. «Sur place, j’ai découvert un camp de tentes où vivaient environ 800 personnes, avec seulement cinq douches, des conditions d’hygiène inimaginables», décrit-il. «Il y avait des Tunisiens, sans doute les plus nombreux, mais aussi des Marocains, des Angolais, des Burkinabé, des Maliens… J’étais le seul Camerounais», se rappelle Yvan Sagnet. «Certains travaillaient en plein ramadan, sans manger ni boire. Si quelqu’un s’évanouissait, on ne l’aidait pas à se relever et s’il voulait aller à l’hôpital, il devait aussi payer pour son transport», indique-t-il indigné. Selon ses témoignages, il a vu des immigrés africains réduits à l’état d’esclavage dans les champs de tomates, de melons, de pastèques. Ils travaillent jusqu’à seize heures par jour, souvent sous un soleil de plomb pour un salaire de misère de 20 à 25 euros par jour.
«L’État, la commune, le maire, tous connaissent le problème, (…). Mais ils font semblant de ne rien savoir», fait remarquer le Camerounais. Car, selon lui, le syndicat FLAI-CGIL (Syndicat des travailleurs agroalimentaires) estime à environ 400.000 le nombre de saisonniers travaillant en Italie sous la coupe de la mafia.
Sonner le tocsin
Les autorités italiennes étaient déjà au courant de la révolte qu’Yvan Sagnet a conduite dans les champs d’exploitation de Nardo. Le soulèvement avait amené des journalistes à se rendre à l’évidence de cette servitude infligée aux migrants. «Les tomates ou les coulis que nous rapportons chez nous, la pastèque que nous dévorons, assoiffés, sont probablement le fruit de conditions de travail et de vie inacceptables (de personnes vivant dans des baraques de fortune, privés de sanitaires, d’électricité, d’assistance médicale, sous une menace permanente), d’autant plus pour un pays qui se prétend civilisé», avait dénoncé Carlo Petrini, journaliste et critique gastronomique dans un éditorial de «La Repubblica» en 2012.
Toutefois, l’Etat italien a pris des mesures pour sévir contre cette forme d’exploitation moderne. Mais ces dispositions sont jugées pour la plupart timides.
Yvan Sagnet n’a pas abandonné son combat. Il s’est engagé dans le syndicalisme et dans l’écriture comme «Ghetto Italia», ouvrage sorti en 2015 et dans lequel il dénonce «les vrais responsables» de l’exploitation des migrants que sont les enseignes de la grande distribution.
Aussi, faut-il souligner la poussée de l’extrême droite dans les pays européens qui exacerbent la haine raciale. Pour autant, les Etats arrivent à réguler cette nouvelle forme de «fascisme moderne». Comme c’est le cas récemment en Hongrie où la journaliste Petra Laszlo a été condamnée à trois (03) ans de mise à l’épreuve pour avoir frappé des migrants en septembre 2015, alors qu’elle filmait le passage de réfugiés à la frontière serbe.