L’ Abââ dans la tradition Fang est une case sacrée, exclusivement réservée aux hommes. Située en plein cœur du village, c’est là que toutes les décisions importantes concernant la communauté sont prises. On vous emmène à la découverte de cette case qui pourtant n’a rien d’extraordinaire au niveau de son architecture, mais d’une importance capitale dans la préservation de l’héritage culturel des Fang.
Lorsqu’on arrive dans un village Fang au Cameroun, on n’est souvent accueilli par un groupe d’hommes assis à l’intérieur d’une case. Elle peut-être située à l’entrée ou au milieu du village. Cette case bien particulière se nomme L’ «Abââ». Dans la société Fang cette cabane est une institution traditionnelle sur laquelle repose le respect des valeurs ancestrales. Ici, sont prises toutes les décisions importantes concernant la vie de la communauté. Le pouvoir étant réservé aux aînés, l’«Abââ» est sous l’autorité de celui qu’on appelle « nyambôrô ». Il est assisté dans sa mission par les sages du village qui lui font confiance.
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C’est un espace réservé aux hommes. Comme un club privé l’«Abââ» est le lieu où tous les hommes du village se retrouvent après les travaux champêtres ou les parties de chasse. Ils échangent entre eux autour d’une calebasse de vin de palme, d’un repas ou en se livrant au jeu du Songo. S’ils ont des problèmes dans leur ménage ou encore dans leur activité, ils soumettent leurs préoccupations à la sagesse des ainés. S’en suit alors des conseils, loin des femmes dont la présence est d’ailleurs proscrite en ce lieu.
Pour certaines femmes qui ne peuvent pas avoir un accès direct dans l’«Abââ», elles passent par leurs maris pour transmettre leurs préoccupations. Elles s’en assurent en sollicitant la vigilance d’un autre membre de l’assemblée qui viendra leur faire un compte rendu. Ainsi, sans y être, les femmes participent de manière indirecte à certaines prises de décisions. Lorsque le repas doit être servi, il revient à un adolescent de le faire ou à une fillette.
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Toutefois lorsqu’une femme est admise dans cette institution traditionnelle, c’est après l’exécution d’un rite qu’on surnomme « l’ekulu Abââ ou Yala ». Elle a en ce moment un rôle consultatif, mais ne peut assister que lors de certaines assises pour donner son avis. Au milieu des hommes la femme va porter un autre que celui de son mari ou de jeune fille. Un nom qui sera celui d’une personne du clan que l’assemblée va choisir ou par sa belle famille en fonction de certains critères. La seule fois aussi où la femme peut pénétrer ce lieu, c’est lorsqu’elle va en mariage et qu’il faut la présenter à tout le village.
L’«Abââ» est considéré comme le corps de garde. Elle est construite pour contrôler les entrées et les sorties dans le village. Dans certains villages, elle est construite en matériaux provisoire comportant une toiture en natte de raphia. Les côtés sont légèrement élevés pour avoir une bonne vue de l’extérieur sans toutefois se faire remarquer. Les arbustes entouraient la case sous forme de porte d’entrée. A l’intérieur de la case se trouve des lits en bambou qui servent d’assise. Un tam-tam qu’on utilise pour transmettre un message à tout le village. Un feu toujours allumé qui symbolise la présence des vies humaines et qui ravitaille les populations au cas où cet élément viendrait à manquer. Des armes artisanales pour se défendre face aux attaques d’animaux dangereux ou de personnes malveillantes.
L’«Abââ» symbolise aussi l’hospitalité chez les Fang. Lorsque la nuit tombée un voyageur traversait un village, il était interpellé par un ancien qui lui proposait de passer la nuit dans l’«Abââ ». Il avait de quoi de manger et un lit pour se reposer. Le matin il pouvait reprendre son chemin après une bonne nuit de repos et surtout il ne partait pas les mains vides. Il recevait des présents ou encore de quoi manger durant le trajet. Aujourd’hui avec le changement de mentalité cette hospitalité tant à disparaître. L’architecture de l’«Abââ» connait une évolution. Ce n’est plus la case en paille qu’on trouve, c’est une bâtisse en matériau solide. Mais l’esprit reste toujours le même.
L’«Abââ» n’est pas seulement un endroit où les hommes se réunissent pour discuter, c’est aussi un élément par lequel on reconnait un clan. C’est une cellule qui permet de faire la différence entre les clans. Sa présence dans une communauté marque l’esprit de solidarité entre les habitants. Les stratégies de chasse, les grandes campagnes agricoles, ou encore les décisions de mariage sont prises dans cette case. Aujourd’hui où l’on se bat à préserver nos traditions l’«Abââ» joue t-il encore ce rôle comme dans le passé ?