Vous étiez au Cameroun pour la première fois. Que gardez-vous de ce séjour ?
Je retiens l’accueil et l’enthousiasme au sein du festival Yarha. C’est important qu’il y ait ce genre d’initiatives, parce qu’on sent qu’il y a une envie. Le fait que le festival soit aussi un lieu de formation, un lieu d’échanges, c’est très important parce que ça permet de dynamiser les esprits, car le cinéma est un univers de rencontres. Puisqu’il s’agit d’un festival du premier film, c’est une occasion de découvrir de nouveaux réalisateurs, de nouveaux talents.
Votre film « Bienvenue à Marly-Gomont » était en ouverture du festival Yarha. Vous êtes-vous identifiée aux personnages qui sont arrivés à peu près à la même période que vous en France ?
J’avais 4 ans quand je suis arrivée en France. Je me souviens du froid parce que je suis arrivée en plein hiver, je ne parlais pas la langue, mais mes vrais souvenirs d’enfance vraiment très élaborés remontent à un peu plus tard. Le film m’a vraiment fait replonger dans l’époque de mes parents.
Le fait de créer ce look avec l’afro, les vêtements des années 70, les bijoux, ce sont des choses dont je me souviens un petit peu chez mes tantes notamment. Ce sont des images et des souvenirs qui sont revenus du début des années 80, une dizaine d’années donc après la période du film, mais il y avait encore certains aspects de cette époque-là. Du coup j’ai puisé dans mes souvenirs d’enfance en me rappelant de mes tantes, de leur gestuelle, et des femmes fortes qu’elles étaient.
En 2013, vous étiez la voix du personnage principal de « Aya de Yopougon », le film d’animation à succès. Qu’avez-vous tiré de l’expérience ?
J’étais fan de la BD. Je la lisais dans mon coin et rigolais très fort. Je trouvais cela très drôle et très tendre. Quand Marguerite Abouet (Ndlr : la réalisatrice) m’a proposé ce rôle j’étais très contente. Aya étant Ivoirienne, j’avais très peur, car la BD est écrite vraiment dans le langage parlé d’Abidjan et il y a cette musicalité, ce rythme, tout ce vocabulaire haut en couleur qui participe du rire et de l’authenticité.
On a travaillé très simplement, car Marguerite c’est quelqu’un de précis et agréable. Elle m’a menée dans le travail et m’a décomplexée, en me disant qu’à l’époque où elle a vécu à Abidjan, la ville était très cosmopolite, avec des Africains de tout le continent qui venaient y vivre. Et dans son quartier populaire, il y avait toutes sortes d’accents, et elle a réuni des acteurs de plein de pays africains différents.
Vous faîtes du théâtre, du cinéma et des téléfilms dans un univers où être actrice noire n’est jamais facile. Comment au fil des années vous en êtes-vous sortie ?
Quand j’ai commencé à faire des films en France j’avais 20 ans. Comme tous les comédiens et toutes les comédiennes, j’ai commencé avec le rêve d’exercer ce métier. Et puis très rapidement, j’ai compris que ça allait être beaucoup plus compliqué que ce que j’avais imaginé, parce que les esprits et les mentalités étaient vraiment très étroits.
Et du coup certains directeurs de casting, metteurs en scène, producteurs, scénaristes, avaient du mal à envisager une actrice qui n’était pas blanche, si cela n’était pas écrit spécifiquement « actrice noire », « actrice asiatique », etc. Les rôles qui nous étaient réservés étaient très souvent clichés, très stéréotypés.
Cela m’a demandé d’aiguiser mon esprit critique et d’être capable de dire non, d’expliquer pourquoi je disais non et de proposer autre chose. Il n’y avait pas beaucoup de rôles, et quand il y en avait, je n’avais pas toujours envie de les accepter. Entre-temps, il fallait beaucoup travailler et continuer de se former.
Cela m’a aidée à m’améliorer, à ne plus voir simplement comme une actrice noire. J’ai eu la chance de rencontrer des metteurs en scène qui ont eu envie de m’avoir dans leurs films.
Certains d’entre eux ont eu de grands succès populaires et il y a eu un effet domino !