Le réalisateur revient sur les motivations qui l’ont poussé à tourner son dernier film «Le mythe de Mapout.»
Votre film Le mythe de Mapout est sorti lors de la dernière édition des Ecrans noirs. Pourquoi l’avoir baptisé ainsi ?
J’ai prononcé le mythe au cours d’un forum en 2010 qui portait sur la tradition et la modernité. Chaque participant devait présenter un conte issu de sa tradition ou dire une histoire orale. C’est l’histoire de mon père que j’ai pu dire. Je présentais le récit de sa capture pendant la période coloniale : celle dite du maquis.
Emmené par les hommes du grand chef Ngok pour être exécuté, il réussit miraculeusement à s’échapper. Le mythe de Mapout est inspiré de l’histoire de mon père. J’ai mis en exergue le mystère qui plane sur l’histoire des «maquisards» au Cameroun. L’histoire officielle les a tellement diabolisés qu’on a fini par les haïr. Il existe suffisamment de contradictions, au point où personne ne les connaît réellement.
En 2000, le Cameroun célébrait son cinquantenaire de l’indépendance. On a prétendu la réhabilitation de Ruben Um Nyobè et les autres héros appelés «maquisards».
Alors que les discours l’annonçaient, les médias officiels semblaient se limiter au mythe sans chercher à réhabiliter l’image de ces derniers. Cette image qui leur a été collée depuis la colonisation française. On rapporte qu’ils étaient considérés comme des bandits, des terroristes, etc. Le mythe de Mapout traduit aussi le mythe de chaque Camerounais qui a lutté pour l’indépendance, dont l’histoire demeure mystérieuse et cachée pour les proches et tous les jeunes.
En réalité, chaque Camerounais doit s’identifier aux «maquisards» et aux héros nationalistes pour se sentir plus fort. Ainsi, il pourrait dignement soutenir la lutte contre Boko Haram.
Le film est-il un récit autobiographique ou avez-vous voulu simplement traiter d’un sujet proche de vous ?
Ce n’est pas un récit autobiographique. En fait, avant le cinquantenaire de l’État du Cameroun, il m’était plus difficile de traiter l’histoire du maquis, voire impossible d’en parler avant cet événement. Tous les producteurs qui lisaient mon projet semblaient intéressés. La plupart souhaitait que je le traite selon la version officielle de l’histoire.
En même temps, j’avais toujours peur de dire des choses qui pouvaient choquer les autorités politiques qui n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour dire la vérité sur l’histoire des maquis. Il fallait que je fasse un film bien et sur la réalité historique qui ne subisse pas la censure. J’étais aussi inquiet qu’aucun producteur camerounais n’ait le courage de m’accompagner. Heureusement, Cyrille Masso m’a encouragé à aller au bout.
Le film se construit sur des images très personnelles, rencontres avec quelques acteurs et peu d’images d’archives. Dans cette disparité sur la vie des maquisards, à quelles archives avez-vous eu accès ?
Les archives n’étaient pas facilement accessibles. Celles qui étaient disponibles ne m’arrangeaient pas. Elles n’étaient pas assez fournies en éléments pour que je fasse un film intimiste. Je voulais traiter essentiellement du maquis.
Or les archives disponibles sur l’histoire officielle des maquisards ne correspondaient pas à la vérité des faits. Personnellement, j’ai dû fouiller chez différents membres de la famille pour trouver des archives : soit sur mon père, soit sur les anciens «maquisards» de mon village. Je n’ai rien trouvé. Je me suis renseigné auprès de chercheurs en histoire, sans succès.
Pensez-vous, en tant que familles et enfants de «maquisards», à demander réparation à l’Etat camerounais ou français ?
Ce n’est pas mon rôle en tant que cinéaste de demander une réparation. J’ai fait le film parce que c’est mon rôle d’attirer l’attention sur certains détails et problèmes historiques que je trouve opportun de traiter aujourd’hui, si nous voulons trouver des solutions à nos problèmes actuels et anticiper sur le futur.
Je souhaite que l’État encourage les anciens «maquisards» encore vivants à raconter leur histoire aux jeunes afin de leur servir de modèle. Car il faut garder cette mémoire à travers l’enregistrement des témoignages et autres supports.
C’est à partir de là que les jeunes comprendront au mieux l’histoire de leur pays. Ils pourraient s’identifier à ceux qui ont été de vrais combattants. Cela contribue à nous réconcilier avec notre histoire.