Véritable bain de sons, de talent et de maturité. Le dernier album de Lady Ponce, si l’on s’en tient aux premières notes d’écoute, a été bien accueilli par les médias et, probablement, par les mélomanes camerounais. L’auteure des tubes à succès « le ventre et le bas ventre », « confessions » ou encore « bombe atomique » et « poisson fumé » n’a pourtant pas débarqué à Mutations avec la tête enflée comme nombre de stars camerounaises ivres de succès.
Dans une modestie et un franc-parler qui ont dérouté bien de journalistes de ce quotidien iconoclaste, Adèle Rufine Ngono, pour l’état civil, s’est livré avec élégance au jeu de questions-réponses.
Elle s’est exprimée sur sa discographie, ses relations avec des artistes qui font –ou qui faisaient-sensation sur la scène nationale et internationale, ses débuts dans la musique, ses tenues sur scène (qui lui valent d’incompréhensibles diatribes sur les réseaux sociaux), la situation actuelle du droit d’auteur au Cameroun, sa vie de famille, etc.
Pendant plus de deux heures, l’artiste aux coups de reins électriques a usé ses meilleures cordes vocales pour dire haut et fort qu’elle est bien dans sa peau et que rien ne l’arrêtera dans l’expression de son talent connu et reconnu.
Même pas « ses ennemis de la toile » qui la présentent sous le plus mauvais jour. A déguster !
Lady Ponce, il y a quelques jours vous avez présenté officiellement au public camerounais votre cinquième album baptisé « Bain de sons ». Combien de temps pour la réalisation d’un tel projet de 18 titres?
Je compose une chanson chaque jour. Bain de sons cela fait deux années que je mettais les chansons de côté. Normalement, on devait sortir deux Cd mais, je me suis dit, si on mélange avec les titres de Papa Christian Nguini avec qui j’ai travaillé une partie de cet album soit 10 titres et les autres 20 titres, j’ai travaillé avec mon équipe. Et finalement mon équipe et moi avions décidé de mettre les titres de Papa Nguini de côté et de produire les nôtres. On a donc arrêté dix-huit titres. Pourquoi dix huit titres simplement parce que c’est l’âge de la maturité, je me sens bien dans ma peau, je n’ai plus trop de pression, même si on a toujours à prouver dans ce métier.
Dans cet album, vous avez fait une autoproduction. Pourquoi avoir choisi cette option ?
En ce moment au Cameroun, nous n’avons pas de producteurs, mais des bluffeurs. Ces hommes qui ont envie de se faire voir. Moi j’ai eu la chance d’avoir un grand producteur comme Angoula Angoula et ensuite, je suis tombée sur Jps qui a produit mes autres albums, à ce moment, il a arrêté la production. Mais, je ne pouvais non plus arrêter ma carrière. J’ai eu pas mal de propositions, mais le problème de la production est le suivant : la plupart d’entre eux viennent, ils offrent un bon cachet, ils vont presser les Cd ou peut-être pas. Parfois, les clips, ils ne les font pas au bon niveau. Au vu de cela, je me suis dit que j’ai déjà acquis l’expérience qu’il faut en travaillant avec un certain nombre de producteurs. Pour cet album, j’ai collaboré indépendamment avec un certain nombre de professionnels dans les arrangements.
Vous avez parlé plus haut de maturité dans votre carrière. Aujourd’hui, vous êtes à votre cinquième album. Etes-vous satisfaite de votre parcours ?
J’ai encore beaucoup à donner. Je parle de maturité en tant que femme. Donc j’ai eu mon premier disque j’avais à peine 23 ans. J’étais une jeune fille un peu extravagante qui se cherchait. Je voulais m’affirmer en tant que femme. En prenant de l’âge aujourd’hui, je me sens bien dans ma peau, je suis fière de ma personne. On a souvent ce manque de confiance en soi qui nous entraine à faire des mauvais choix. Je suis psychologiquement mieux qu’à mes débuts.
Dans votre titre « O Bale Ma » vous rendez hommage aux artistes décédés. Est-ce que vous avez travaillé avec l’un d’entre eux à un certain moment de votre carrière ?
Non, pas particulièrement. Mais, la personne qui m’a apporté un soutien parmi ceux que je cite, c’est Bebe Manga. Je me rappelle de ma toute première soirée dédicace, Bebe Manga à fait le déplacement. Elle m’a beaucoup apporté surtout avec ses conseils. Chaque fois qu’elle venait à Yaoundé, elle me contactait. Maintenant, je leur rends hommage pour ce qu’ils ont fait pour la musique, il n’ya pas que les artistes bikutsi. Même si à leur époque, j’étais encore une gamine, je garde néanmoins certains souvenirs. Dans ce titre également, je parle au Seigneur. Je lui demande pourquoi il laisse autant d’injustices. Beaucoup de musiciens pensent que le talent vient de chez le marabout. On n’achète pas le talent ni chez le marabout, ni dans les sectes. Le talent, c’est le travail. Je dis aussi au Seigneur de me protéger de tout ce qu’on fait sur moi, et de tout ce qu’on dit sur moi.
Lady Ponce, c’est vraiment le paradoxe dans ses chansons. Un coup on a des titres au dessous de la ceinture tel que « la la la », d’un autre côté on a une Lady Ponce qui chante merveilleusement bien dans « O Bale Ma ». Est-ce que c’est le show bizz qui vous impose cette dualité ?
Ce sont les jeunes qui viennent dans mes spectacles. Je prends un exemple. Je fais un featuring avec Koffi Olimide, je ne sais même pas si le public a pris la peine d’écouter la profondeur des textes de ce morceau mais, cela ne dit rien aux jeunes. Vous savez, moi aussi j’ai besoin de payer mon loyer, je veux pouvoir me construire, mettre le carburant dans ma voiture. Vous allez voir les artistes qui se sont mis dans ce genre de musique, ce sont des artistes qui tournent, mais, ces derniers ne peuvent pas joindre les deux bouts. On compte du doigt ceux-là qui s’en sortent. Ce sont les jeunes qui viennent à mes spectacles, mon public c’est la jeunesse. Quand je chante « là là là », j’incite juste les femmes. Parce que nous les femmes, à une semaine de relation on exige déjà la bague au doigt. Je leur demande simplement de s’amuser, sans commentaires, sans condition, si c’est pour faire la fête on fait la fête. C’est une chanson que j’ai chanté pour les femmes afin qu’elles essayent de vivre et profiter de la vie.
Comment réussissez-vous à revêtir les deux personnalités que vous avez. A la fois femme douce et beaucoup plus femme chaude surtout sur la scène ?
Quand je suis sur la scène, je suis Lady Ponce. Quand je tourne mes clips, je dois vendre. Parfois lors des tournages des clips, j’affiche une mine de timidité, et le réalisateur me demande d’être beaucoup plus vivace. A ce moment, c’est l’artiste qui travaille. Dans la vraie vie, je suis une personne normale. Je m’appelle Adèle Ruphine Ngono, je prépare comme toutes les femmes.
Lady, tous les titres de vos deux premiers albums ont connu un succès fulgurant. Mais qu’est-ce qui s’est passé avec l’album « Secoue secoue » dont seul le titre phare s’est démarqué ?
Je ne vais pas reprendre les mélodies de mes anciennes chansons. Si vous écoutez bien mes albums, mes chansons ne se ressemblent pas. Mais le problème avec le public c’est qu’il veut que Lady Ponce redevienne celle de « Trahison » dans son premier album. Si je reprends les mêmes mélodies, vous serrez les premiers à me critiquer. Voilà pourquoi je n’écoute pas mes chansons une fois qu’elles sont sorties, je préfère écouter les autres. Cela m’évite de me recopier. En même tant, il y a la pression. Lorsque tu es sous contrat avec un producteur, il te demande un album chaque année. Ce fut le cas avec Jps, j’avais un contrat de trois ans avec ce dernier. Donc j’étais même obligée de lui dire pardon, essayons même après deux ans. Il refuse ! Ce qui donne beaucoup de pression, du coup tu n’as même plus le temps de réfléchir, tu es en panne d’inspiration.
Lorsqu’on vous entend parler, on n’a pas l’impression que c’est la même personne qui chante. Pourquoi vous choisissez de mimer la grand-mère quand vous chantez ?
Je n’imite pas la grand-mère. Quand je chante je veux copier ma mère. C’est de cette manière que ma mère chantait. Quand je commençais la musique, j‘étais dans les groupes de rap, de Ndombolo, R and B, etc. Quand je me mets dans le bikutsi, je n’avais pas de repères. Je commence à chanter, avec une petite voix de blanche. Et mon arrangeur de l’époque m’a demandé de changer de voix en adoptant le bikutsi du village. J’étais perdue et je commence à chercher dans ma tête. Puis je vois ma mère quand elle chantait, elle était une grande cantatrice toujours inspirée. D’un autre côté, je voulais aussi copier l’humour de maman K-Tino parce que c’est quand même la référence dans le bikutsi. Avec tous ces mélanges, il fallait alors que je travaille énormément.
Vous avez été enceinte. On sait que beaucoup de femmes qui font de la musique, du cinéma, etc., mettent la maternité entre parenthèse parce que cela peut constituer un frein. Qu’est-ce qui vous a motivé à être enceinte et à continuer sereinement votre carrière ?
Je suis ne pas le style d’artiste qui fait de la musique pour chercher les mecs. Une femme artiste à une vie. Je ne vois pas pourquoi je devrais me cacher. Je ne suis pas dans la musique pour venir tout le temps belle. Si je suis enceinte, cela ne peut pas m’empêcher de travailler. Je ne vends pas mon corps, je vends mon art. Si les gens viennent me voir parce qu’ils espèrent que je sois célibataire c’est dommage. Même s’il est vrai que je ne suis pas mariée mais…
Lors de la célébration des 20 ans de carrière d’Ahidjo Mamadou, vous êtes apparue dans une tenue qui laissait transparaître les parties les plus intimes de votre corps, ce qui a provoqué un tollé dans les réseaux sociaux. Où est passée votre pudeur ?
N’ai-je pas déjà eu à répondre à cela ? Il y avait un gars de leader câble qui était à cette soirée, c’est ce dernier qui a posté la photo dans laquelle on me voit avec un collant. Je n’ai jamais dansé sans collant. Je suis d’abord pudique même quand je suis sexy. Je ne peux pas danser le bikutsi dans une tenue qui me colle, sinon je vais beaucoup transpirer. On porte les tenues de scènes afin de pouvoir laisser le corps respirer. Le problème avec nous est que personne ne voit le mouvement qui commence de la tête aux pieds, mais c’est mon entre jambe qu’on va regarder. Il y a des cérémonies où je chante sans avoir besoin de danser. Les endroits comme le cabaret Carrossel c’est la danse. Quand tu portes une tenue légère, cela te permet de mieux te déployer. Vous ne me verrez jamais caresser mes parties intimes quand je danse.
Vous voulez dire que cette photo n’a jamais existé ?
Je ne sais pas comment ils ont fait cela, vous pouvez demander les vidéos initiales aux chaînes de télévisions qui étaient présentes. Vous verrez mon petit collant qui sort juste de côté. Franchement, c’est ce que je chante dans mes chansons. Quand je me suis mise dans ce métier, c’est parce que je l’aimais, je croyais qu’il allait m’apporter la richesse, la gloire, mais tout cela conduit à beaucoup de haine, de jalousie. Certaines personnes le font espérant me casser ou alors récupérer les fans de Lady Ponce. Non ! Même si je meurs aujourd’hui, je garderais toujours mes fans. La preuve Micheal Jackson qui est décédé à toujours des fans pour lui. Il en est de même pour maman K-Tino qui ne fait plus dans la musique, mais, elle a toujours des fans qui sont prêts à mourir pour elle. Je crois aussi que si cette dernière donne un spectacle ici, elle peut faire le plein du stade Omnisport, parce que personne ne prend les fans de l’autre. C’est donc cette malchance que nous avons aujourd’hui, des jalousies. On a même dit que je vends des ossements humains, or je crois qu’il faut être médecin pour faire ce genre de chose.
Comment réagissez-vous face à cette contre campagne sur les réseaux sociaux visant à vous déstabiliser ?
Je fais peur à certains de mes collègues qui ne supportent pas ma notoriété. Je sais même que ce ne sont pas mes collègues eux-mêmes qui le font. Ce sont des personnes qui les entourent. Ces derniers pensent que s’ils salissent mon image, ça peut augmenter la notoriété de leur artiste. J’ai toujours dit à mes collègues que nous faisons un travail spirituel. Chanter et composer c’est la spiritualité. Si tu ajoutes cette spiritualité à la jalousie et à la haine cela va te bloquer. En pensant nuire par exemple à Mani Bella, à Charlotte ou à Coco, c’est une perte de temps qui ne mène nulle part. Au début quand je voyais tout cela, je m’enfermais et je pouvais pleurer deux jours durant. Mes frères luttaient partout pour moi. Mais aujourd’hui tout cela m’a rendu forte.
Vous avez tantôt évoqué K-Tino, est-ce que vous êtes toujours en contact ?
Je crois qu’à un moment, elle a coupé les ponts avec tout le monde. Mais, quand elle est là, elle nous conseille, elle va nous apporter son soutien. Je la comprends si elle s’est retirée de ce milieu. En effet, la musique est un milieu à la fois bien et diabolique. Entre nous les artistes, on n’a pas de problème. A un moment, on a juste envie de prendre du recul pour vivre normalement. Donc en ce moment, je pense que maman K-Tino avait envie de vivre sa vie.
Quels sont vos rapports avec Majoie Ayi ?
J’ai de très bons rapports avec tous les artistes. Quand on se retrouve, on est courtois l’une envers l’autre. Quant à Charlotte Dipanda, nos enfants se connaissent ; c’est également le cas de Mani Bella avec qui je suis dans l’intimité totale. Le reste des artistes, on se retrouve occasionnellement.
Mais lorsque j’apprends par exemple que Majoie à deuil, je l’appelle. L’autre raison est qu’on travaille énormément, on n’a vraiment pas de temps pour se retrouver. Je préfère par ailleurs côtoyer les artistes qui sont ambitieux et qui regardent aussi dans la même direction que moi. Je ne vois pas le problème que j’ai avec Majoie, on ne se dispute rien.
Elle a son style à elle, j’ai le mien. Il y a tellement de place pour les artistes. Je ne peux pas occuper tout le continent pour faire des spectacles. Je n’ai jamais compris pourquoi les gens cherchent à tisser des histoires derrière nous. Majoie Ayi et moi on s’appelle « Ma Sœur », on se respecte beaucoup.
Quelles sont les rapports que Lady Ponce entretien avec le droit d’auteur au Cameroun ? Est-ce que Lady Ponce reçoit ses droits ou alors elle estime qu’elle peut se passer de cela ?
Je ne voudrais pas me retrouver à bagarrer dans cet environnement du droit d’auteur. Il y a d’abord un manque de respect ou quelqu’un ne vas pas te laisser t’exprimer. Ou alors quand tu décides de t’exprimer quelqu’un va t’insulter dans la salle. Et comme je n’ai pas envie qu’on me froisse dans ces réunions, je préfère rester à la maison.
Je n’ai pas de problème avec le droit d’auteur. La Socam n’a pas d’avenir, elle n’est pas reconnue sur le plan international. Quand tu arrives par exemple à la Sacem, on va te parler de la Cmc et non de la Socam. Mais les gens ne veulent pas entendre la vérité. On ne connaît pas la Socam.
Il y a un désordre énorme au sein de cette société. Le droit d’auteur au Cameroun ce sont les artistes eux-mêmes. Ceux qui sèment ce désordre sont ceux-là qui n’ont pas de carrière et ils entrainent les autres là dedans. Il y a quand même des hommes qui peuvent gérer le droit d’auteur c’est le cas de Roméo Dika.
Cependant, le problème de ce dernier est qu’il écoute trop. S’il veut être leader, il doit arrêter d’écouter. L’autre artiste qui peut également mieux gérer le droit d’auteur est Sam Mbendé et l’avantage de ce dernier par rapport à Roméo Dika c’est qu’il n’écoute pas « les on dit ». Il est ferme et décisif.
Et Ndedi Eyango
C’est une personne qui au fond a de bons projets. Mais je n’ai pas encore eu le temps de l’observer. Je retiens juste qu’il a beaucoup fait pour la culture de ce pays. Les trois que j’ai cités sont tous grands. Mais je connais mieux Sam et Roméo.
Qu’en est-il de vos rapports avec le ministère des Arts et de la Culture ?
Le ministère la de Culture est toujours absent dans certains évènements. J’ai une fois été en Côte d’Ivoire soutenir certaines grosses pointures de la musique africaine.
Imaginez-vous que lors d’une discussion avec un collègue d’un autre pays d’Afrique, ce dernier vous dit qu’il a reçu 20 millions de son ministère de la Culture parce qu’il a sorti un album. Vous avez envie de lui demander de se taire. C’est une honte pour nous.
J’ai eu la chance de sortir mon deuxième album à l’époque de la Cameroon Music Corporation (Cmc) malgré le fait que j’avais un producteur, la Cmc, avec le soutien de la Caisse de soutien aux arts que le chef de l’Etat avait octroyée ; j’ai quand même reçu deux millions cinq cent mille. Quand je sors mon quatrième album, le ministère de la Culture m’appelle pour me proposer un million. En ce moment vous connaissez le coût des clips, je ne suis même pas partie.
Pour finir, Lady Ponce, où en êtes-vous avec votre projet de prise en charge des orphelins ?
En ce moment, nous n’avons même pas encore un centime dans les caisses. Pour le moment nous avons juste des sociétés qui nous aident quand nous faisons des descentes dans les orphelinats. Nous sommes également en train de suivre un groupe de jeunes chanteurs que nous avons détecté dans un orphelinat. Ils sont en ce moment en studio.
Mais en ce qui concerne le projet de construction d’un foyer des jeunes filles mères, nous n’avons pas encore d’argent. On travaille encore là-dessus, la Société immobilière du Cameroun (Sic), nous a déjà accordé son soutien et donc, je pense qu’elle pourra nous aider à bâtir une partie de ce foyer dans lequel je compte aussi loger les femmes du troisième âge qui sont souvent oubliées.
Pour ce projet, nous comptons beaucoup sur les sponsors. Même comme la plupart d’entre eux préfèrent investir sur les artistes étrangers.