Culture of Tuesday, 6 September 2016

Source: voilamoi.over-blog.com

Le Rap Camerounais ‘Hein père’: le phénomène et son impact Acte II

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Deux mille "13"

Il y’a des superstitions qui sont souvent émises à propos du chiffre « 13 », la poisse, la malédiction et bien d’autres petites conneries. Moi j’y crois pas parce c’est mon jour de naissance, la 13ème année des années 2000 est celle à partir de laquelle le rap Camerounais commença à briller internationalement.

Bref revenons… Certains ont été témoins et d’autres peut-être pas. Lorsque le jeune et brillant animateur Stanley Enow annonça son single, on n’y croyait, d’autant plus qu’il avait rarement mis en avant ses atouts de Rappeur. En plus il disait qu’il va faire la plus grosse vidéo jamais faite au Cameroun, que son morceau irait jusqu’au States.

« Hein père » avait déjà frappé les oreilles de quelques personnes et l’écho qui se propageait était favorable. C’est en en avril que l’audio sortait officiellement sur le web notamment sur soundcloud et itunes. Et dehors ça ne dormait pas, le morceau se propageait comme une épidémie faisant monter la crédibilité de Stanley.

Des animateurs radio tels que Brice Albin, Tchiérry Karol, Bonas, Tchop Tchop et bien d'autres s’y sont mis. Du petit garçon de la maison jusqu’à la grand-mère, il y’avait du répondant. Les « Nanga-Mboko » en firent même un hymne.

Le plus gros buzz de Rap kamer

Sur le web c’était un buzz qui s’annonçait, la diaspora, les webzines, les technophiles, tout le monde en parlait. Je me rappelle qu’en un mois l’audio avait fait « 7000 écoutes » sur Souncloud.

Aujourd’hui ça ne vaut peut-être pas grand-chose mais à cette époque c’était un record pour un son Camerounais. Stanley en profita pour lancer son street wear "On est high père ".

La vidéo qui sortait sur YouTube le « 13 juillet 2013 » (Encore le 13) en a donné plein la vue et participé à l’augmentation de ses ventes de t-shirts. Le business de la musique au Cameroun prenait là un grand cours en termes de « Brand opportunities ».

Stanley se faisait aimer, tellement aimer que j’en témoigne « Certains allaient sur YouTube pour la première fois de leur vie juste parce qu’ils voulaient regarder ou télécharger le clip de Hein père ». Les marques et entreprises l’arrachaient et il se faisait des sous. Il eut ce concert au mois de juillet à l’avenue Kennedy de Yaoundé, pour la promotion du Samsung Galaxy.

Des milliers de personnes sont sorties pour voir ce rappeur mystérieux aux allures américaines mais entièrement Camerounais. Mortherland faisait aussi du B to B. Le label avait dealé avec la boisson Orangina en pour l’organisation d’un concert au parcours Vita de Douala au mois de Décembre.

A la télé et dans les bacs, c’était redondant, « Hein père » avait déclassé « African mamy » et était 1er au bled, tout comme dans les charts hiphop et Urban en Afrique.

L’écho arriva jusqu’aux USA comme il l’avait prédit.
Ce fut le tout premier morceau Camerounais à être diffusé sur MTV base. Le pays et ses fans l’accompagnèrent d’ailleurs massivement lors des votes au MAMA (Mtv Africa Music Awards) où il remporta le prix de meilleure révélation.

Ce fut une fierté et surtout une très grande ouverture pour la nation Camerounaise. L’ancienne ministre de la culture Ama Tutu Muna donna même une réception en son honneur.

L’impact de « Hein Père »

Il faut dire que le single d’Enow apportait un nouveau souffle et se démarquait au vu de certains éléments :

-Un beat dirty avec un rap au style kanri

-Un très bon mastering qui donnait au son une très bonne experience d'écoute.

- le lyric basé sur le gimmick et la référence historique (Ask petit pays na god go pay, Jean michel kankan donne-moi mon marigot. Ova don na Mbout, that one na lapiro… Charlotte dipanda I go maried you…)

- le code linguistique qui mélangeait les langues hybrides locales (Pidgin- Camfranglais-Mboko), bref du kwatta style.

Ce n’était pas forcement pour ces critères que le morceau a eu du succès, il eut non seulement les moyens allouées, les procédés et la détermination de Stanley qui avait un rêve. Mais surtout, il faut noter que c’était un buzz. Et un buzz n’est pas prévisible à 100%. Certains retours n’avaient pas été anticipés à la base.

Les rappeurs voyaient désormais que l’on peut devenir millionnaire par le Rap. Certains voyaient aussi l’intérêt de se professionnaliser et labéliser le business. D’autres devenaient moins réticents en termes d’investissement sur des projets.

La « Mboa urban music » entière avait sentie l’impact du phénomène « Hein père ». Tandis que des rémix pleuvaient, autant en rap qu’en chant (Dont celui de Locko), nombreux allaient imiter le style à Stanley, mais on constatait que pour la plupart, c’était faible et manquait de sémantique et de profondeur.

Stanley lui-même avait lancé de façon officieuse "Tumbuboss " dans les bacs, et on n’avait pas vraiment le temps de critiquer, « Hein père » avait fait tellement fort. Néanmoins, on attendait sa prochaine production.

Le style hein père n’était pas forcement ce qu’il fallait, il fallait juste que le Rap soit crédible.

Le digital est désormais un grand moyen de promotion, c’est ce qu’on a retenu de hein père. En 2013 comme par coïncidence (Car je ne sais pas si c’était vraiment préparé ou si c’est le projet de Stanley qui leurs donna de l’audace) ; des artistes rappeurs se positionneront grâce à internet et ce sans imiter le style à Stanley.

On a Jovi qui signait son retour avec "Bastard ", très original. Un record en terme d’écoutes, c’est dans ce titre que la marque « Frenchkind » faisait son premier placement. Il avait aussi "Mukwatta". Mettant en place son label « New bell music »

Dareal, teddy doherty, inna money arrivèrent aussi avec le titre " Versace 237rémix ", rap égo trip et bling bling, il eut de l’accroche et ils se construisirent une communauté. Dareal en particulier avec ses singles "C’est quoi ton way ? ", " Jackpot", "French kind ".

Spido évoluait avec "Tu as kel tete ? ", sortant " Kotopi " en septembre et " Sur Mbom " en octobre

Franko plus présent sur les scènes préparait son album.

Cette même année sortait le volume 1 de la compile « Mboa tape » avec de nombreuses découvertes notamment Zayox avec son single "Bangando".

En décembre c’est Maalhox qui fit le deuxième buzz de l’année avec son titre "La bière c’est combien ici ". 20.000 vues en 24h sur Youtube. L’économie digitale de la « Mboa urban music » prenait place.

Pol’Ainry arrivait aussi avec "Tu dors ta vie dort ", très confondu à Stanley, c’est en 2014 que celui-ci se fera réellement un écho, surtout avec son streetwear.

D’autre part en dehors des Rappeurs, d’autres artistes urbains se sont fait remarquer cette année. Magasco avec « Kumba market », Numerica avec « Vas-y molo » . Gasha dans « Kaki mbéré », Réniss avec son Ep « African luv », pour ne citer que ceux-là. Duc-z avait battu en retrait et Stanley tenait le gouvernail suivi de X-maleya.

Simple coïncidence ou influence de « Hein père », 2013 fut une année très dynamique et cela ne s’est fait qu’en 08 mois prenant pour départ le phénomène « Hein père ». La suite allait être encore plus chaude.

Vous la lirez dans la partie 3 de cette chronique.