C’est l’histoire d’un groupe d’amis d’enfance portés par une même passion devenus en 12 ans, une référence sur la scène des danses urbaines au Cameroun. Le collectif surprend par sa démarche chorégraphique, proposant une fusion des danses hip-hop et des danses du terroir.
Une musique hip-hop s’échappe du studio n°1 de l’Institut français du Cameroun, antenne de Yaoundé. La compagnie de danse « X-trem Fusion » répète inlassablement.Depuis les premières heures de la matinée ses membres travaillent à coeur joie : Aurélien Mouafo, Michel Hervé Ayissi et Blaise Julien Eteme.
Les cinq membres forme l’un des groupes les plus populaires dans le domaine du hip-hop au Cameroun. Dans quelques jours, ils présenteront au public leur troisième création chorégraphique : « Minkang ».
Ce spectacle de danse est née en il y a tout juste un an, le 14 mai 2014 plus exactement. C’était au cours d’une résidence de création que les 5 compères ont effectué au Centre culturel Le Triangle, une scène conventionnée danse à Rennes en France.
Ce travail est inspiré par les écrits d’un autre artiste camerounais, mais plus connu dans le domaine des arts plastiques et du théâtre, l’écrivain Kouam Tawa. La compagnie « X-trem Fusion » interroge la place des origines. Faut-il savoir d’où on vient pour mieux avancer ? Comment tirer profit du brassage des cultures ? Des réflexions philosophiques que les danseurs professionnels traduisent dans « Minkang ».
Avec cette pièce, Aurélien Mouafo et ses amis poursuivent une démarche artistique qui est devenue, au fil des ans, une de leur identité chorégraphique : le mélange des danses urbaines et traditionnelles du Cameroun.
La démarche peut surprendre quand on sait que les danses urbaines, notamment le popping, le new-style, le krump, le break dance, pratiquées par ces professionnels, ont des règles bien précises. Pour le break dance par exemple, les figures s’effectuent au sol (coupole, handstand, etc). En réalité, « Xtrem Fusion » a compris depuis longtemps qu’il ne servait à rien de copier uniquement ce qui se fait ailleurs.
« Notre ambition est de faire connaître la danse urbaine telle que pratiquée au Cameroun au niveau internationale. Pour cela, il faut être original et créatif. Nous ne voulons pas copier uniquement ce qui se fait aux Etats-Unis, mais nous voulons apporter une touche africaine,camerounaise, pour que notre travail soit reconnaissable parmi les propositions des autres compagnies. Même si nos influences restent enracinées dans le hip-hop, nous sommes en plein dans la danse de création », explique Aurélien Mouafo.
Le champ expérimental de « X-trem Fusion » est vaste et s’étend par conséquent au moderne jazz, à la danse contemporaine, à la danse afrocontemporaine, à la danse classique et la copiera. Les performeurs puisent également dans les danses patrimoniales : le mangabeu, le juju dance, le bikutsi, la danse bafia, etc.
Une démarche que le grand public découvre pour la première fois dans « Résistance Farouche », leur première création chorégraphique. Un spectacle engagé sur les difficultés économiques et sociales auxquelles la jeunesse d’Afrique et du monde est aujourd’hui confrontée.
« Résistance Farouche» invite les jeunes à s’armer de courage, à prendre la parole et leur destin en main. « X-trem Fusion » ne se contente pas de danser à Yaoundé et à Douala. Mieux que çà, son ambition est d’amener la danse hip-hop dans les coins reculés du pays.
Du 17 au 31 octobre 2012, le groupe se lance dans une tournée nationale des Instituts et des Alliances françaises du Cameroun. Les représentations de « Résistance Farouche » se sont déroulées à Dschang, Garoua, Bamenda, Yaoundé et Douala. En 2013, « X-trem Fusion » crée un nouveau spectacle, « Impact », qui connait aussi un grand succès. Avec plus de 10 ans de présence continue sur la scène des danses urbaines camerounaises et africaine, « X-trem Fusion » a conquis une horde de fans qui le suivent à chaque représentation.
Au commencement était Minboman
Cela s’est vérifié samedi 23 mai 2015 lors de la première représentation de « Minkang » à l’Ifc de Yaoundé. Attiré par le travail original de ces professionnels pleinement conscients de leur mission, les fans viennent de partout. Le public est constitué d’adolescents, de jeunes et d’adultes venant de pays et d’horizons divers. Un motif de satisfaction pour la compagnie, désormais consciente que son écriture et son esthétique parlent à tout le monde.
Entre les membres de « Xtrem Fusion », c’est une histoire d’amitié qui dure depuis l’enfance.
Michel Ateba, Aurélien Mouafo, Blaise Etemé et Alexandre Ayissi ont joué dans le même bac à sable au quartier Minboman à Yaoundé. Leurs maisons n’étaient distantes que de quelques mètres. Bien qu’installé chez ses parents au quartier Fouda, Mario Pounde retrouve régulièrement ses amis à Minboman. La danse urbaine s’invite avec la découverte du film « Street Dancing » de Chris Stokes.
Ce long métrage aura un impact fort sur leur vision de la danse hip-hop. Ils n’ont qu’une envie : reprendre les figures observées dans les clips et autres films américains. Surtout qu’autour d’eux, des crews(groupe) se forment un peu partout à Yaoundé.
Nous sommes dans les années 2000 et le hip-hop connaît une percée remarquable. Les cinq amis ont l’habitude de se retrouver au Centre des jeunes de Don Bosco au milieu d’autres jeunes ayant la danse urbaine en partage. Les jeunes danseurs s’affrontent autour des duels ou battle.
Très vite, le talent, l’enthousiasme et la motivation qui anime « X-trem » va éclore. Chacun se distingue dans sa spécialité : le popping pour Aurélien Mouafo et Alexandre Hervé Ayissi, le new style pour Mario Pounde, la danse waw pour Michel Ateba, pendant que Blaise Etemé est spécialisé dans le break dance.
Pour eux, cet art devient très vite plus qu’une passion. Leur ambition est de briller et de pratiquer la danse au plus haut niveau. Pour donner corps à ce projet, le groupe est créé en 2003. « Nous avons baptisé notre groupe X-trem Fusion, parce que au-delà de notre amitié, il s’agit de la fusion des meilleurs éléments de chaque discipline pratiquée », explique Blaise Etemé.
Ils parcourent toutes les scènes urbaines de Yaoundé pour montrer l’étendue de leur savoir. En 2007, ils participent ainsi à la toute première édition du festival « couleurs Urbaines » une plate-forme de promotion et de valorisation dédiés aux arts urbains : rap, slam, graffiti, danse hip-hop, etc. promue par Hans Mbog aujourd’hui directeur du Centre culturel camerounais.
De scènes en scènes, « Xtrem Fusion » affute son style et commence à se faire un nom au-delà de l’univers du hip-hop camerounais. En 2010, le groupe devient champion du Cameroun du Malta Guinness street dance Africa et arrache par cette victoire son billet d’avion pour aller représenter le Cameroun à la compétition MaltaGuinness street dance panafricanchampionship à Accra au Ghana.
Ce concours est un tremplin pour le groupe et, surtout, une vitrine exceptionnelle qui va contribuer pour beaucoup à faire connaître le groupe au-delà du petit cercle des arts urbains de Yaoundé. On les voit partout dans les médias spécialisés ou non, les groupies deviennent hystériques à leur passage.
On les voit au Festival international de danses et percussions « Abok I Ngomma » et sur des grandes scènes à travers le monde. Comme en 2012, lorsqu’ils iront une fois de plus représenté le Cameroun au Festival « Danse l’Afrique Danse » au Théâtre de Soweto à Johannesburg en Afrique du Sud.
Le tour du monde en dansant
Raconté ainsi, on pourrait croire que le parcours de lacompagnie a toujours été une promenade de santé. Penser ainsi c’est oublier l’environnement, la précarité dans laquelle les artistes, même les plus talentueux, évoluent au Cameroun.
Il y a pourtant 25 ans que le mouvement hip-hop s’installait au Cameroun malgré le temps qui passe, de nombreux jeunes évoluent sans un réel encadrement (coaching, atelier, rencontre professionnelle, etc).
Sans oublier les problèmes qui peuvent survenir au sein même du groupe. En effet, Ils ont beau être des amis d’enfance, chacun à son caractère. Si Michel Ateba et Blaise Etemé passent facilement pour rieurs, toujours prêts à sortir blagues sur blagues pour mettre l’ambiance, Mario Pounde reconnait qu’il se prend parfois trop au sérieux.
« Je suis quelqu’un de très sociable, j’aime être avec les copains, mais quand il s’agit du travail, je me donne à fond »,dit-il d’un ton calme. Alexandre Ayissi est souvent en retard aux entrainements, une attitude que ses amis déplorent. « Bon, c’est vrai que je suis souvent en retard, mais quand je suis là, je bosse dur ; tout le monde le sait », se défend-il.
Pour éviter les conflits comme il peut en avoir dans tout groupe de personnes, les danseurs dont la moyenne d’âge est de 27 ans, ont choisi de fonctionner comme une association.
Chacun en fonction de son implication gère une tâche précise. Titulaire d’un Bts en communication, Aurélien assure souvent le rôle de chargé de communication du groupe. Blaise Eteme s’occupe parfois du montage des Mixtape (compilation de chansons) pour les spectacles du groupe.
« Mais pour les chorégraphies, c’est tout le monde qui participent. Chacun propose une idée et nous discutons ensuite pour voir comment l’adapter », assure Blaise Etemé. Cette façon de travailler a fini par rassurer leurs parents respectifs très frileux à l’idée de voir leur progéniture embrasser une carrière de danseur.« Mes parents n’ont pas toujours été d’accord avec ce choix. Surtout que j’ai arrêté mes études après un Bts en marketing et management opérationnel. Aujourd’hui, ça va mieux, ils ont compris puisque tous les membres vivent de la danse », affirme Mario Pounde.
Les cinq danseurs sont reconnaissants envers le Centre des jeunes de Don Bosco et les instituts installés au Cameroun.
« En 2012, nous avons effectué une tournée nationale dans cinq régions du pays. Cette expérience a été très riche en expérience et enseignement. Peu de danseurs étaient allés si loin rencontrer le public de l’arrière-pays. En mai 2014, nous étions à Rennes en France pour une résidence de création au Triangle cité de la danse. Nous avons passé un mois de travail là-bas à l’invitation du directeur de ce centre culturel qui suivait notre travail. Nous étions traités comme des travailleurs à part entièrement, avec un salaire, un logement et tout le confort pour s’entrainer dans des bonnes conditions ».
« X-trem Fusion » ne participe pas seulement aux résidences de création, très souvent le groupe bénéfice des conseils, de l’expérience d’autres danseurs camerounais et étrangers tels que Simon Abbe, Michel Ndjongui, Serge Aimé Coulibaly. Le 10 décembre 2014 au Goethe Institut, le groupe a présenté « Le hip hop à la rencontre du classique ».
Le spectacle est un projet interculturel de danse et de musique qui a réuni en plus de « Xtrem Fusion », les rappeurs Eriq Akam, Valsero, le pianiste allemand Andreas Kern et, surtout, Niels Robitzky dit storm, figure de proue de la danse urbaine en Allemagne, son pays où il a été champion du monde de breakdance en 1991.
Distinctions
2003. Sacrés Champion du Dance Crucial Conflict au cinéma Abbia – Yaoundé
2004. Participation à la Grande finale « ça me dit Rap » au Cinéma le Capitole – Yaoundé
2005. Champion de la 2ème Battle Dance au Camp de l’unité de Yaoundé
2007. Vice-champion couleurs urbaines
2008. Participation au Festival Gabao Hip Hop au Gabon
2010. Champion du Cameroun de Malta Guinness street dance Africa
2010. Représentant du Cameroun à la compétition Malta Guinness street dance panafrican championship au Ghana
2012. Vice-champion Malta Prestation au Festival « Dansel’Afrique Danse » en Afrique