Culture of Wednesday, 11 October 2017

Source: lavoixdukoat.com

On t’impose d’être homo pour évoluer - Lucas Essomba

Lucas Ethel Etoundi Essomba est danseur, interprète, chorégraphe Lucas Ethel Etoundi Essomba est danseur, interprète, chorégraphe

Lucas Ethel Etoundi Essomba est danseur, interprète, chorégraphe. Les férus de Bikutsi l’ont remarqué notamment dans les clips de Govinal Dzinga Essomba. Lucas Ethel Etoundi Essomba n’a plus rien à prouver dans son domaine.

Son souci majeur aujourd’hui c’est de former, sensibiliser les plus jeunes sur les pièges à éviter dans le métier, notamment les offres sexuelles indécentes.

Quand commencez-vous à vous intéresser à la danser ?

J’ai commencé à danser dans le ventre de ma mère (rire). C’est à l’âge de 9-10 ans que j’ai réellement débuté. A 14 ans, j’ai commencé à toucher à la famille de la danse. J’étais déjà formé à la danse traditionnelle par mon grand frère, -cousin- Manda Gérôme qui a été formé chez Ayissi Le Duc. Ensuite il est revenu au quartier créer son propre groupe et c’est à 14 ans qu’il me récupère pour me former.

En 2000, juste près la mort de ma mère en 1999, je laisse la danse pendant un an. En 2001, j’intègre la Compagnie Phoenix pour faire la danse contemporaine, la compagnie camerounaise d’Elise Mballa. En accompagnant Phoenix j’ai fait quatre ans de danse contemporaine. Après je suis allé à Durban en Afrique du Sud pour une formation de danse africaine, le Zulu. J’y ai fait six mois et quand je suis revenu j’ai créé ma propre compagnie, Association culturelle Tig’Aken. Ça veut dire souvenir et sagesse. Avec tout ce que j’ai appris, tous ces souvenirs et ma sagesse que Dieu m’a donnée, j’en fais un mélange pour transmettre aux plus jeunes.

Quelle danse traditionnelle pratiquiez-vous avant d’embrasser la danse contemporaine ?

Le Bikutsi, le Benskin, les danses du Sud, du Nord, de l’Ouest, bref toutes les danses du Cameroun. J’ai oublié de vous dire. Quand j’ai eu mes 17 ans, j’ai commencé à me rendre dans des villages, à chercher et à apprendre leurs traditions et à payer pour qu’on m’enseigne x et y pas de danse. Je suis Béti mais j’ai voulu épouser toutes les autres tribus.

Etoundi Essomba a dansé avec de grands chanteurs…

J’ai beaucoup plus dansé avec Govinal Ndzinga Essomba, Abanda Man Ekang qui joue avec des percussions… Mais en tant que chorégraphe, c’est moi qui ai réalisé toute la chorégraphie de l’album «Le Crayon de Dieu» de Coco Argentée. J’ai dansé avec Manuel Wandji dans ses spectacles. J’ai accompagné Meiway à deux reprises dans les spectacles au Hilton. J’étais trop fan de lui.



Comment votre amour pour la danse a été accueilli par vos parents ?

Ça été très difficile pour moi. Mon père ne voulait pas en entendre parler mais j’avais ma mère qui me soutenait. Elle me couvrait quand je sortais en cachette. Je revenais souvent avec 500 Fcfa, 1000Fcfa à l’époque. C’était un véritable challenge avec mon père. Il a eu beaucoup de mal à accepter. Il me battait, me coupait les cheveux, me punissait quand je revenais des répétitions. Après la mort de ma mère, j’ai fait un an sans danser mais après j’ai dit à mon père que je veux reprendre mon métier. Il m’a donné son accord. Il a pleuré la première fois qu’il m’a vu sur scène. C’était en 2001 à l’Institut français du Cameroun.

Votre métier a aussi eu du mal à passer dans la société. Un homme qui tourne les reins, forcément ça a fait jaser…

Je ne peux pas vous mentir, j’en ai bavé, surtout le côté efféminé du danseur. On a dit que je suis homosexuel. Je n’ai pas de problème avec eux (les homosexuels) mais j’ai vraiment eu ce problème dans la famille et dans mon entourage. Je disais aux gens que je reste danseur et je reste un homme quand je marche. Mais sur scène on a besoin de la souplesse du danseur. C’est ce qui faisait la différence entre les autres et moi. C’était un challenge pour moi parce qu’il y a les danseurs qui sont comme ça –homosexuel- et d’autres qui ne le sont pas. On a dit et écrit que j’étais comme ça. J’ai décidé à un moment de rester tranquille et de laisser parler.

Brossez-nous les difficultés que rencontrent les danseurs au Cameroun?

Au rang des difficultés, il y a d’abord les affaires d’homosexualité. On t’impose d’être homo pour évoluer. On m’a fait cette proposition à plusieurs reprises, même jusqu’à présent mais j’ai refusé, je continue de refuser. C’est la raison pour laquelle je suis toujours là. J’ai décidé de travailler pour mon pays. Je ne suis pas obligé de partir.

Et qui fait généralement ces propositions ?

Ce sont les Camerounais qui sont de l’autre côté qui font ces propositions. ‘‘Gars tu veux venir ? Attends j’arrive au pays, on couche ensemble et je te mets dans mon couloir’’. C’est leur discours. Je dis non. Dieu m’a donné ce don. Maintenant si je deviens «comme ça», que vont penser mes enfants, ma famille ?

De ce côté les danseuses ont moins de soucis ?

Elles rencontrent aussi ce problème. Il y a aussi des femmes qui leur font ces propositions. Il y en a qui refusent, d’autres qui finissent par accepter. Ce monde est très compliqué. Si on vous explique tous les couloirs qu’on subit c’est très dur. Mais il faut qu’on présente la réalité des choses aux enfants pour que demain ils ne tombent pas dans le trou comme d’autres, et qu’ils l’évite comme nous avons pu le faire. Ils doivent connaître la vérité.

Comment votre amour pour la danse a été accueilli par vos parents ?

Ça été très difficile pour moi. Mon père ne voulait pas en entendre parler mais j’avais ma mère qui me soutenait. Elle me couvrait quand je sortais en cachette. Je revenais souvent avec 500 Fcfa, 1000Fcfa à l’époque. C’était un véritable challenge avec mon père. Il a eu beaucoup de mal à accepter. Il me battait, me coupait les cheveux, me punissait quand je revenais des répétitions. Après la mort de ma mère, j’ai fait un an sans danser mais après j’ai dit à mon père que je veux reprendre mon métier. Il m’a donné son accord. Il a pleuré la première fois qu’il m’a vu sur scène. C’était en 2001 à l’Institut français du Cameroun.

Votre métier a aussi eu du mal à passer dans la société. Un homme qui tourne les reins, forcément ça a fait jaser…

Je ne peux pas vous mentir, j’en ai bavé, surtout le côté efféminé du danseur. On a dit que je suis homosexuel. Je n’ai pas de problème avec eux (les homosexuels) mais j’ai vraiment eu ce problème dans la famille et dans mon entourage. Je disais aux gens que je reste danseur et je reste un homme quand je marche. Mais sur scène on a besoin de la souplesse du danseur. C’est ce qui faisait la différence entre les autres et moi. C’était un challenge pour moi parce qu’il y a les danseurs qui sont comme ça –homosexuel- et d’autres qui ne le sont pas. On a dit et écrit que j’étais comme ça. J’ai décidé à un moment de rester tranquille et de laisser parler.

Brossez-nous les difficultés que rencontrent les danseurs au Cameroun?

Au rang des difficultés, il y a d’abord les affaires d’homosexualité. On t’impose d’être homo pour évoluer. On m’a fait cette proposition à plusieurs reprises, même jusqu’à présent mais j’ai refusé, je continue de refuser. C’est la raison pour laquelle je suis toujours là. J’ai décidé de travailler pour mon pays. Je ne suis pas obligé de partir.

Et qui fait généralement ces propositions ?

Ce sont les Camerounais qui sont de l’autre côté qui font ces propositions. ‘‘Gars tu veux venir ? Attends j’arrive au pays, on couche ensemble et je te mets dans mon couloir’’. C’est leur discours. Je dis non. Dieu m’a donné ce don. Maintenant si je deviens «comme ça», que vont penser mes enfants, ma famille ?

De ce côté les danseuses ont moins de soucis ?

Elles rencontrent aussi ce problème. Il y a aussi des femmes qui leur font ces propositions. Il y en a qui refusent, d’autres qui finissent par accepter. Ce monde est très compliqué. Si on vous explique tous les couloirs qu’on subit c’est très dur. Mais il faut qu’on présente la réalité des choses aux enfants pour que demain ils ne tombent pas dans le trou comme d’autres, et qu’ils l’évite comme nous avons pu le faire. Ils doivent connaître la vérité.



Revenons sur les difficultés…

Autre difficulté, c’est au niveau où tu fais ton spectacle mais le cachet n’est pas respecté. Je vous donne un exemple : quand tu vas faire un show, on te parle de 100.000 Fcfa mais à la fin du spectacle on te donne 50.000 Fcfa. Ce problème de cachet se pose à tous les niveaux, surtout au sommet. J’ai fait cinq ans au Ballet national. Je me disais que je pouvais m’offrir un certain confort comme une voiture après cinq ans.

Que dal. C’est pire au Ballet national. Les cachets ne sont pas respectés, les payements ne sont pas respectés, parfois on est à douze mois d’arriérés. Entre temps tu es en location, ton bailleur te met la pression. J’ai démissionné cette année. J’ai dit je vous laisse, j’ai fait ma route, je vous ai aimés, c’est bon. Troisième point, on ne respecte pas les danseurs. Pour beaucoup de gens, les danseurs sont les derniers dans un spectacle. Dans une cérémonie, on préfère parler de l’artiste, on oublie les danseurs pourtant nous faisons aussi la force de l’artiste.



Quand il sort son album, c’est nous qui créons la chorégraphie. Voilà nos principales difficultés. C’est la raison pour laquelle moi personnellement, avec le niveau que j’ai, j’essaie de défendre la danse. A travers l’association, on veut créer une plateforme pour pouvoir défendre les danseurs, avoir notre statut.

J’ai constaté en Europe que les danseurs ont des statuts. Avec mon association on a envie de rassembler tous les danseurs et leur faire part des statuts qu’on devra respecter. Nous essayons de créer des spectacles. J’ai fait deux ateliers de danse en 2015 et 2016 parce que j’ai aussi constaté que mes collègues ont besoin de formations, de stages. On a goûté, on a vu, il ne faut pas qu’ils souffrent comme nous.

Lucas Ethel Etoundi Essomba est père de famille…

J’ai mes trois enfants, la première a 17 ans, la deuxième 10 ans et le tout dernier, mon petit garçon a 3 ans. Je ne suis pas encore marié, peut-être bientôt. On ne sait jamais.