La consommation de la viande de vipère dans la tradition Beti relève tout d’abord d’un exploit, mais surtout d’une certaine reconnaissance de la part des ainés. Pour gagner leur place autour de ces privilégiés qui ont eu l’onction des aïeux pour consommer cette chaire si particulière, chaque jeune homme Beti doit prouver qu’il en est digne. vipère.
Dans la tradition du peuple Beti tout homme qui veut gagner sa place auprès des anciens doit le prouver par sa bravoure. Un acte qui passe par la chasse de la vipère. Plus qu’un aliment la viande de vipère est tout un symbole chez les Beti. Bien que la vipère est considérée comme l’un des reptiles les plus dangereux, elle représente tout au moins à leurs yeux la noblesse et la dignité. Mais comment en être digne pour la consommer ? Un proverbe Ewondo explique que la vipère appartient aux jeunes lorsqu’elle est en brousse et aux vieillards une fois au village. Autrement dit les jeunes ont la lourde responsabilité d’aller chasser la vipère pour démontrer leur courage.
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La consommation est réservée aux vieux qui ont suivi eux aussi les étapes de cette initiation. Pour être autorisé à consommer la viande de vipère, un jeune doit faire au moins trois prises. A chacune d’elle il doit remettre le fruit de son exploit à son père, qui invitera à son tour ses amis, cousins et frères pour partager ce gibier de luxe. D’ailleurs, il est formellement interdit de manger la vipère seule, c’est une offense qui pourrait aboutir à une malédiction.
Pendant le repas le jeune chasseur n’a le droit de goûter qu’à la sauce. Après la quatrième prise donc, il est enfin autorisé à manger la chaire, mais avant un rituel bien orchestré. Voici les explications du chercheur Luc Mebanga Tamba répondant au journal This is Africa sur le rituel en question : « Les anciens consommateurs font préparer le plat et, pour des raisons d’exploits que vous avez commis pour montrer votre bravoure, il y a un rite qui veut que compte tenu de ces exploits, vous méritez la considération d’homme accompli. Après ce discours, un ancien récupère un morceau dans la marmite et vous l’introduit dans la bouche, avant de vous en faire boire la sauce. C’est un geste qui vous pare à d’éventuels problèmes».
Ce rituel est l’une des ossatures de la société Beti qui veut que chaque jeune soit un guerrier, capable d’affronter les difficultés de la vie avec courage et détermination. Le rituel ainsi terminé le jeune est considéré comme un homme accompli sur qui le village peut faire confiance. Ainsi la tradition va se perpétrer à chaque génération. La société Beti est interdite de jeter les os de vipère dans la poubelle de peur qu’une personne malveillante s’en empare pour faire du mal. Il est plutôt conseillé de les enfouir dans le sol, loin des regards indiscrets.
Ces mesures restrictives comme on peut le voir ne sont que des exhortations pour maintenir la cohésion dans la communauté. Sinon sans celles-ci la société n’aurait aucun principe de vie. Une thèse appuyée par l’universitaire Luc Mebanga Tamba « lorsque vous respectez ces règles, vous participez à une vie ordonnée. L’ordre et la discipline dans ce cas viennent d’en haut, car c’est aux aînés que revient de déterminer la conduite en société. Si on se retrouve dans une société où il n’y a pas d’interdit, ce sera le désordre, ici comme partout. En respectant les interdits, vous vous positionnez comme un élément de la régulation sociale ».
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Aujourd’hui la consommation de la viande de vipère ne respecte plus le cadre défini dès le départ par les aïeux. Ceci par une floraison de petits restaurants qui en proposent dans leur menu. Du coup lorsqu’un jeune veut éviter le parcours de combattant que lui imposent les aînés, il se rabat donc dans ces établissements gastronomiques. L’on se demande si cette interdiction de manger la viande de vipère sans suivre le rite tel qu’il est décrit, ne cacherait t-elel pas une autre raison inavouée ? Sinon, pourquoi certaines personnes qui n’ont pas fait de rituel en consomment sans avoir peur des représailles ?